Suite à la disparition en 2016 d’Islam Karimov, héritier du pouvoir soviétique, l’Ouzbékistan s’ouvre au monde et cherche à jouer un rôle plus actif sur la scène internationale. Son nouveau leader Chavkat Mirzioïev a déjà réussi à mener à bien un nombre important de réformes. Se positionnant comme dirigeant libéral, le président ouzbek privilégie le compromis plutôt que la force et ne ménage pas ses efforts en vue de véhiculer une image plus démocratique de son pays. Cependant, le politologue Chakhriyor Ismailkhodjaïev dresse un bilan contrasté de sa politique et observe que l’Ouzbékistan, en dépit de nombreuses améliorations, reste un pays fortement autoritaire.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 19 août 2020 par le média ouzbek Hook.report
En 2020, le Democracy index 2019 du centre de recherche britannique The economist intelligence unit a classé l’Ouzbékistan à la 157ème place sur 167 en matière de démocratie, comme a pu le relever le média ouzbek Gazeta.uz. Le pays le plus peuplé d’Asie centrale figure toujours sur la liste des régimes autoritaires, et selon Freedom House, l’Ouzbékistan n’est toujours pas un « pays libre ».
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Selon l’article de recherche Competitive authoritarianism, Steven Levitsky identifie la démocratie par quatre éléments : des élections justes et libres, le suffrage universel, l’effectivité de tous les droits politiques et l’indépendance du pouvoir élu, libre de tout contrôle extérieur.
D’après le rapport de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur les dernières élections législatives en Ouzbékistan de décembre 2019, relayé par Gazeta.uz, près de la moitié des recommandations étaient négatives. Le chef de la mission a souligné qu’aucun des partis ne se présentait comme parti d’opposition. En effet, tous suivaient la même voie que le président, et aucun n’avait montré d’intérêt particulier dans la procédure, à la différence des citoyens.
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En dépit du fait que la grande majorité de la population ait le droit de vote, il est courant que le patriarche ou le père de famille vote pour ses proches. Ainsi l’Ouzbékistan s’est vu attribuer la note de 2/10 sur l’échelle des droits politiques. Le fait que la mairie de Tachkent ait refusé l’organisation du régiment immortel, un défilé lors duquel les participants arborent un portrait d’un proche disparu ou blessé pendant la seconde guerre mondiale, le 9 mai lors du jour de la victoire dans beaucoup de pays ex-soviétiques, est un exemple assez parlant qui témoigne des limites de l’exercice des droits politiques par les citoyens.
En considérant le dernier élément de Steven Levitsky, « l’indépendance du pouvoir élu, libre de tout contrôle extérieur », il est important de noter que les représentants locaux ne sont pas élus par les citoyens. Ces derniers ne peuvent élire que le président, mais pas les hokims c’est-à-dire les maires ou responsables d’administrations. Les hokims, nommés par le président, n’ont ainsi pas d’indépendance dans l’exercice de leurs fonctions, puisqu’ils obéissent à la volonté d’une autorité extérieure.
Le régime politique ouzbek, un régime personnaliste
Cette situation est un produit indirect de l’histoire de l’Ouzbékistan, notamment durant l’URSS. Comme tout État totalitaire, l’URSS a fondé son régime sur la terreur, dont la légitimation résidait dans une idéologie qui justifiait le recours à la violence contre sa propre population. Au XXIème siècle, presque l’ensemble des États ont une idéologie libérale, une forme de gouvernement démocratique et ses attributs.
La transition du totalitarisme à l’autoritarisme s’est produite avec l’augmentation du niveau d’éducation, de sorte qu’il est devenu difficile de manipuler les populations et nécessaire d’inventer des structures plus complexes. En outre, les populations ont découvert le modèle occidental d’organisation étatique et sociétale, grâce à une information plus libre et circulant plus vite d’un individu à un autre.
En 2004, Barbara Geddes a publié « Authoritarian Breakdown » identifiant trois types de régimes autoritaires : le régime militaire, le régime à parti unique (URSS, République Populaire de Chine) et le régime personnaliste. Pour l’Ouzbékistan, le régime autoritaire personnaliste semble le plus pertinent car tout le régime politique ouzbek est construit autour d’une seule personne, le président de l’Ouzbékistan, qui se tient au-dessus des trois branches du pouvoir politique.
Barbara Gedders écrit que ce type de régime arrive à conserver le pouvoir tant qu’il est capable de contrôler les forces de sécurité (Service de sécurité de l’État ou SGB, le ministère des Affaires Intérieures ou MVD, la garde nationale et l’armée) et les services de renseignement. Il le conserve également aussi longtemps qu’il est en mesure de coopérer avec le clan minoritaire ayant perdu la lutte pour le pouvoir, tout en restant enclin à coopérer avec le clan dirigeant et son leader, qui est à la tête de l’État. Dans un tel régime, la coopération paraît plus profitable que la lutte.
Rétrospectivement, on voit qu’Islam Karimov (1989-2016) a toujours contrôlé le Service national de sécurité (SNB), le prédécesseur du SGB, dont la loyauté a pu être constatée lors des évènements d’Andijan en 2005.
Un transfert de pouvoir en douceur
Après la mort d’Islam Karimov en août 2016, le nouveau président Chavkat Mirzioïev a changé à maintes reprises les haut-gradés des forces de sécurité ainsi que la direction du SGB. L’un des directeurs a été emprisonné pour avoir bloqué les réseaux sociaux en 2018, selon son attaché de presse Komil Allamjonov. Tout cela met en évidence que les services de sécurité se sont plutôt affaiblis ces dernières années par rapport à l’époque d’Islam Karimov, où ce dernier n’avait jamais destitué Roustam Inoïatov, le directeur du SNB de 1995 à 2018.
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Le transfert pacifique du pouvoir après la disparition de l’ancien président témoigne du fait que le clan à la tête du pays a pu se mettre d’accord sur la candidature à la présidence et partager toutes les sphères d’influence. Un tel scénario augmente en effet les chances de survie du régime politique actuel, car sans la cohésion des élites, il n’y aurait pas de stabilité. Un régime ayant un gouvernement personnaliste peut être confronté à une situation où le président ne serait plus en mesure de faire face à ses responsabilités. La chute du régime est également probable si le président cesse de distribuer des avantages aux élites dirigeantes, qui l’ont porté au pouvoir et dont il dépend.
Néanmoins en plus du clan dirigeant, il y en a toujours un autre qui souhaite s’emparer du pouvoir. Et le premier doit donc inviter le second à coopérer en lui proposant des conditions très avantageuses. Le clan rival va alors soutenir le régime en place. En effet, si ce n’est pas le cas, ce clan profiterait d’un éventuel affaiblissement du pouvoir pour s’emparer de la présidence. Il pourrait, par exemple, soutenir les protestataires lors d’importantes mobilisations.
Tant que le leader de l’Ouzbékistan conserve le contrôle des forces de sécurité et équilibre les intérêts des différents clans, le régime maximise ses chances de survie.
L’Ouzbékistan, exemple d’autocratie de l’information
En 2019, Sergeï Guriev et son collègue Daniel Treisman ont publié l’ouvrage Autocraties de l’information, dans lequel ils distinguent un nouveau type de pays autoritaires et lui ont donné le nom collectif « d’autocratie de l’information », le distinguant des « autocraties explicites ». Les exemples d’autocraties explicites peuvent être l’URSS sous Joseph Staline, la Libye sous Mouammar Kadhafi, l’Irak sous Saddam Hussein, l’Allemagne sous Hitler ou encore la Chine sous Mao Zedong. Les auteurs les qualifient d’autocraties explicites puisque ces régimes recourent ouvertement aussi bien à la violence qu’à la force. Ils montrent les exécutions d’opposants et/ou construisent des prisons spéciales pour les détenus politiques.
Cependant, de tels régimes datent principalement du XXème siècle, alors qu’aujourd’hui de nouveaux dirigeants autoritaires sont apparus tels que Vladimir Poutine en Russie, Recep Tayyip Erdogan en Turquie, Viktor Orban en Hongrie, etc. Si les autocraties explicites usent de la violence comme moyen d’intimidation, les autocraties de l’information s’efforcent de minimiser le recours à la violence ou le cas échéant à la dissimuler.
La propagande, arme essentielle
La population consentira à soutenir le pouvoir en fonction de l’efficacité de la gestion de l’autocrate en place. Si aux États-Unis, un candidat gagne l’élection présidentielle, sa victoire sera considérée comme légitime et cela grâce au fonctionnement des institutions démocratiques, contrairement à ce qui a lieu dans les autocraties où il existe un manque de légitimité en raison du bafouement des procédures démocratiques.
L’arme principale des autocraties de l’information réside dans la manipulation de l’information. Il existe trois sources d’information : les médias d’État, les agences indépendantes et le niveau de vie de la population. L’autocrate contrôle le flux d’informations afin d’assurer sa crédibilité.
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Des ressources matérielles sont nécessaires pour maintenir l’illusion de l’efficacité, alors que ces régimes sont souvent inefficaces sur le plan économique. Ces ressources peuvent être investies dans le soft power, la propagande, ou le hard power, les forces de sécurité.
La société dans ces pays est divisée en deux groupes : l’élite, une petite minorité sachant décoder les procédés du régime et ayant souvent un niveau d’éducation élevé ainsi qu’un bon revenu, et le peuple, la partie la moins informée de la population. L’objectif de l’autocrate est d’empêcher que l’élite révèle la vérité sur le régime à la « populace » afin que cette dernière n’éprouve pas le besoin de changer d’attitude envers les autorités. C’est pourquoi l’autocrate peut soit intégrer l’élite au régime en lui fournissant un grand nombre d’avantages, soit censurer l’élite en la forçant à émigrer. Par conséquent, les autocraties de l’information encouragent l’émigration des dissidents au lieu de leur retirer leur passeport, comme cela avait été le cas en URSS.
Quoi qu’il en soit, la propagande est la pierre angulaire de tout le régime. Elle est essentielle, contrairement à la violence qui réduit la confiance dans les autorités en montrant que celles-ci ne sont pas capables de résoudre certains problèmes sans recourir à la force.
Un contrôle de l’information très important
La violence est le dernier recours auquel font appel ces régimes quand ils se sentent acculés. Une crise économique peut déclencher l’usage de la violence. Cela a été le cas en 2017 quand les journalistes turcs ont fait l’objet de représailles à cause de leurs critiques à l’encontre de l’échec de la politique économique du président. Un an plus tôt, Recep Tayyip Erdogan avait réussi à faire de la Turquie un pays ayant un régime présidentiel, réduisant ainsi l’influence du Parlement. Les autocraties de l’information disposent en effet de moyens de gestion des flux d’informations mais cela seulement en cas de crises mineures. Par contre s’il s’agit d’une crise majeure comme à Andijan en 2005, les autocrates se trouvent dans l’incapacité d’empêcher la fuite des informations qui leur sont défavorables.
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Afin de survivre, un autocrate de l’information est forcé d’adopter la stratégie qui se base sur la formule « institutions démocratiques (élections) + coopération avec les élites ». Les attributs du régime démocratique (élections, parlement, opposition, etc.) augmentent, en effet, sa légitimité aux yeux du peuple. Un autocrate peut même accepter la présence d’observateurs étrangers lors des élections : cela ne présente pas de danger particulier, car la propagande d’État ne diffuserait que des informations liées aux aspects positifs et atténuerait les critiques des observateurs.
On peut prendre comme exemple le rapport préliminaire de l’OSCE/BIDDH sur les élections législatives en Ouzbékistan. Ainsi, si nous comparons les publications de Gazeta.uz et la version russe du média ouzbek Kun.uz, il apparaît que Gazeta.uz donne au tout début un lien vers le rapport en russe, contrairement à Kun.uz. Gazeta.uz cite également des passages issus du rapport et mentionne des critiques, contrairement à Kun.uz, qui fournit plus d’observations positives et qualifie les fraudes de « lacunes du processus électoral ».
Pousser à l’exil des élites d’opposition
En parallèle, la propagande d’État tente de déformer les informations parce que son audience est plus importante que celle des agences de presse indépendantes et ainsi, il n’est pas nécessaire de recourir à la censure. L’un des principaux facteurs influençant la propagande est le niveau d’éducation de la population. Plus les citoyens sont alphabétisés et éduqués, plus il est difficile de maintenir des formes typiques d’autocratie et il faut imaginer des techniques plus sophistiquées.
Une bonne formation de la population dans le domaine des sciences sociales n’est pas dans l’intérêt des autorités, car de telles sciences s’interrogent sur le rôle de l’État et de la société.
Par conséquent, les autorités facilitent l’émigration, notamment en classant la science politique comme une pseudoscience en 2015, interdisant de fait son enseignement. Aujourd’hui, les Ouzbeks désirant faire des études dans cette branche doivent aller à l’étranger. Les autorités sont davantage intéressées par des technocrates impliqués dans la gestion et l’économie et qui ne se posent pas de questions sur le rôle de l’État, de la société, de la démocratie et de la liberté.
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Les États autoritaires surveillent également la situation de leurs voisins. Au cas où une révolution y éclaterait dans le but d’obtenir un changement de régime, il y aurait alors une menace de « contagion démocratique », l’autocrate s’empresse alors de fournir de l’aide au pays concerné. Ainsi, lors de la révolution de 2010 au Kirghizstan, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan ont fermé leurs frontières dès le lendemain.
L’économie, alliée des autocraties de l’information
Sergei Guriev et Daniel Treisman traitent de cette question dans leur ouvrage La popularité des dirigeants autoritaires : une étude internationale. Ils identifient quatre facteurs clés : l’efficacité du gouvernement, la manipulation de l’information, l’effet électoral et la répression.
Tant que le régime répond d’une manière satisfaisante aux besoins de la population, il demeure légitime malgré toutes les violations des droits de celle-ci. La légitimité issue d’une gouvernance efficace est vitale lorsque celle-ci fait défaut au régime. Étant donné la défaillance des institutions démocratiques, l’efficacité économique joue un rôle majeur. En effet, un haut niveau d’approbation se maintiendra tant que la croissance du produit intérieur brut (PIB) et du niveau de vie sera assurée.
Quant à l’effet électoral, le troisième facteur clé, il est de notoriété publique que tous les autocrates manipulent à un moment donné les résultats des élections. Néanmoins, il est toutefois indispensable de soigneusement dissimuler les fraudes, car dans le cas contraire, le niveau d’approbation du dirigeant en serait sérieusement affecté.
De surcroît, la tenue d’élections peut se révéler avantageuse pour le régime, spécialement si c’est une personnalité nouvelle qui les remporte. C’est pourquoi il est tout à fait possible que dans le scénario où Сhavkat Mirzioïev cèderait la présidence en 2026, le régime en sorte renforcé.
Un pacte social
Cependant, les autocraties de l’information n’ont pas d’idéologie propre. Ils cherchent seulement à maintenir la croissance économique et le bien-être des citoyens. Ceux-ci, malgré la propagande, souffrent des déficiences du système économique. Ainsi, par exemple, les citoyens de l’URSS à la fin des années 1980, entrant dans une épicerie aux étagères vides, comprenaient bien que la pénurie alimentaire témoignait d’un malaise social. Ou encore les Turcs, témoins de la dévaluation de leur monnaie par rapport au dollar, se sont appauvris en raison d’une inflation élevée jointe à une diminution de la croissance.
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Un autre enjeu considérable dans les autocraties de l’information est le niveau de sécurité perçu par les citoyens. Si ceux-ci ne se sentent pas en danger le soir dans les rues, la cote de confiance du pouvoir sera plus élevée. En Ouzbékistan, à l’époque d’Islam Karimov, le contrat social reposait sur le fait que l’État fournissait un « ciel bleu au-dessus des têtes », et le peuple était prêt en retour à endurer les abus de ce pouvoir. A la mort du premier président, la réaction de la population a été telle que l’on peut supposer que celle-ci approuvait cet accord.
Les réformes économiques nécessaires pour s’adapter
Aujourd’hui, selon le politologue Chakhriyor Ismailkhodjaïev, le régime politique en Ouzbékistan n’est pas démocratique, c’est un régime autoritaire. Néanmoins, contrairement au gouvernement du premier président ouzbek, le régime actuel a su s’adapter aux exigences du monde contemporain.
La différence la plus notable est que Chavkat Mirzioïev, les fonctionnaires et les ministères, possèdent désormais des comptes sur les réseaux sociaux. Ils y publient des reportages photo sur le travail du président, ses déclarations, des messages vidéo lors de conférences téléphoniques, pendant lesquels le chef de l’État fait des discours « justes et sages » et les responsables l’écoutent avec grand intérêt et prennent studieusement des notes. Cette initiative est censée démontrer que le gouvernement rend des comptes à la population tandis que les abonnés sont invités à laisser leurs commentaires et partager leurs opinions. Il n’existe que peu de différences entre le compte Twitter de Chavkat Mirzioïev et celui d’un autre dirigeant occidental, alors que pendant le mandat d’Islam Karimov, les autorités n’utilisaient pas les réseaux sociaux.
Pourquoi Chavkat Mirzioïev redouble-t-il d’efforts pour garantir la transparence des élections législatives ? Après tout, la délégation de l’OSCE avait déjà félicité la Commission électorale centrale pour la bonne organisation des élections. Chavkat Mirzioïev souhaite démontrer qu’il s’agit bien d’un scrutin transparent et que Parlement ouzbek, l’Oliy Majlis, est par conséquent légalement élu. Le président fait des concessions mineures sur des réformes dans certains domaines à condition qu’elles ne menacent pas la stabilité politique.
En parallèle, et comme l’a relayé le média russe Spoutnik, le président ouzbek redouble d’efforts dans le domaine économique. La libéralisation de l’économie peut être considérée comme une étape nécessaire pour sauver le régime politique, car la stagnation économique après 2005 a menacé les fondations de l’État. Sans croissance économique, la vie de la population ne s’améliorera pas et cela au risque d’engendrer des problèmes sociaux.
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Des réformes dans le domaine économique sont ainsi nécessaires à la survie du régime. Pour les mener, Chavkat Mirzioïev a nommé deux technocrates ayant fait des études à l’étranger : Timour Ichmetov comme ministre des Finances et Sardor Oumourzakov comme ministre des Relations extérieures et des investissements. Leur rôle consiste à attirer le plus grand nombre d’investissements possibles tout en maîtrisant le taux d’inflation.
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Un nouveau ministère des Relations extérieures et des investissements était nécessaire pour communiquer avec les institutions financières internationales et attirer des prêts du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et des investissements de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), et pour que le ministre puisse parler d’une seule voix aux grands investisseurs internationaux. Le ministère des Affaires étrangères de l’Ouzbékistan a également commencé à s’attaquer au problème de l’attractivité du pays pour les investisseurs.
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Si les réformes dans la sphère financière étaient primordiales au début du règne de Chavkat Mirzioïev, la question des monopoles et des entreprises publiques est passée au second plan, car elle représente une menace moindre pour le régime, même si des réformes sont également apparues dans ce domaine. Si les prix des billets pour les vols de la compagnie monopolistique ouzbèke Uzbekistan Airways étaient inférieurs à ceux actuellement pratiqués, davantage de personnes pourraient voyager à l’étranger, ce qui ferait monter la cote de popularité du régime.
De nouvelles opportunités
Ainsi, chaque réforme dans la sphère économique est dictée par la logique de survie du régime actuel, et non par le fait que Chavkat Mirzioïev soit un ardent partisan de l’économie de marché.
Le mérite du président ouzbek pour le politologue Chakhriyor Ismailkhodjaïev est qu’il comprend que les changements sur lesquels repose le régime sont compensés par de nouvelles opportunités : la coopération économique avec l’Union européenne permet d’accéder aux technologies et aux équipements nécessaires en vue de la transformation de l’économie.
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Un changement drastique de stratégie dans le secteur du journalisme indépendant est également à noter. Auparavant, de nombreux médias étaient interdits, leurs sites bloqués, les employés d’agences de presse étrangères n’étaient que très rarement accrédités, il était très difficile d’enregistrer des médias. Aujourd’hui, une plus grande marge de manœuvre a été instaurée et l’accès à l’information est devenu relativement libre, les ministères embauchent désormais des porte-paroles qui soignent leur image.
De telles concessions en faveur de la liberté de presse et d’expression sont en partie liées aux rapports de Reporters Sans Frontières et aux critiques incessantes de l’Occident. Si l’Union européenne ou les États-Unis avaient pris l’initiative dans le domaine de la coopération avec l’Ouzbékistan, ils n’auraient pas hésité à dénoncer de nombreuses atteintes aux Droits de l’Homme. Chavkat Mirzioïev donne donc une grande importance aux publications des ONG sur l’Ouzbékistan et à la place du pays dans les classements.
Ainsi, les motifs derrière l’assouplissement de la politique nationale ne sont pas orientés vers la construction d’une véritable démocratie, mais sont plutôt motivés par le souci de la stabilité politique et économique. Néanmoins, sa présidence consiste en une période de transition qui pourrait conduire le pays vers une transformation du régime.
Si auparavant le contrat social reposait sur le concept de « sécurité en échange d’une loyauté totale », Сhavkat Mirzioïev propose maintenant celui de « sécurité et croissance économique en échange d’une loyauté totale ».
Chakhriyor Ismailkhodjaïev
Politologue ouzbek
Traduit du russe par Adrien Balland Delrieu
Edité par Gulafiya Chatayeva
Relu par Emma Jerome
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