Projet de longue date, un nouveau centre de l’ONU dédié à la coopération centrasiatique en matière de développement durable verra le jour à Almaty, et inclura l’Afghanistan. Novastan décrypte ce que cela révèle du présent et du futur de l’intégration afghane au sein de la région.
Alors que les liens politiques et économiques de l’Afghanistan avec son voisin chinois sont sources de craintes américaines vis-à-vis de l’influence de Pékin dans la région, la réalité du terrain se voit plus mesurée, et reste surtout liée au destin de l’Asie centrale.
Quatre ans après la chute de la République, l’Afghanistan mis au banc de la communauté internationale vise une meilleure intégration à l’économie régionale, partageant des frontières avec le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan au Nord. Ayant désormais établi des présences diplomatiques à Astana, à Tachkent et à Achgabat, Kaboul (ou peut-être plutôt Kandahar) compose pour l’instant pragmatiquement avec ses voisins pour renforcer la coopération économique et énergétique en Asie centrale.
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Des initiatives discrètes mais concrètes
Premier partenaire de l’Afghanistan, l’Ouzbékistan a par exemple lancé fin 2024 à Termez la plateforme Free Zone Airitom. Cette zone économique à la frontière des deux pays, exempte d’impôts, a été construite pour 70 millions de dollar (61,6 millions d’euros). Elle inclut un hôtel, des restaurants, des centres commerciaux et un hôpital, permettant aux businessmen des deux pays de venir conclure des accords sans visa, détaille Intellinews. Si l’ampleur du succès de cette initiative reste à évaluer dans le temps, la volonté politique reste, elle, indéniable.
Du côté des anciennes républiques soviétiques, le parti pris est simple : la stabilité en Afghanistan est une clé du développement de la région, et les questions sociétales afghanes sont à régler en interne. Ni plus, ni moins.
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Il est désormais loin d’être disqualifiant pour le reste des pays d’Asie centrale d’investir ou de conclure des accords avec l’Afghanistan. L’Ouzbékistan ou le Kazakhstan, piliers économiques et touristiques de la région, sont à la fois les plus importants partenaires des Afghans mais aussi publiquement plébiscités par les pays européens, en témoignent les relations étroites d’Emmanuel Macron avec Chavkat Mirzioïev et Kassym-Jomart Tokaïev.
Le business avant la politique
En Asie centrale, le business ne prend et ne prendra pas en compte les visions politiques divergentes. Les derniers verrous du renforcement des liens avec l’Afghanistan concernent plutôt des questions sécuritaires et infrastructurelles.
Pour parvenir à ses objectifs économiques en Asie centrale, l’Afghanistan entend se doter de nouvelles routes et de lignes de chemin de fer supplémentaires, à l’image de l’ouverture en février dernier de la ligne Chongqing (Chine) – Hairatan (Afghanistan), reliant les deux pays en passant par le Kazakhstan et l’Ouzbékistan.
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Tout porte à croire que le volume d’importations et d’exportations est en effet voué à augmenter durant les années à venir. Depuis 2021, la fin des combats dans le pays permet une bien meilleure circulation des marchandises, et les volontés communes d’augmentation des imports et exports sont pour l’instant suivies d’effets statistiques.
Le sujet qui fâche
De cette entente, toute la région à beaucoup à gagner, et encore plus à perdre.
Au-delà du sort de l’Afghanistan seul, le pays a désormais la capacité de rebattre de nombreuses cartes, notamment énergétiques. À la fois porteur du projet de gazoduc TAPI et prenant désormais sa part en eau de l’Amou-Daria via la création du canal de Qoch-Tepa, il apparait difficile d’ignorer la nécessité de l’inclure aux discussions sérieuses.
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La question de l’eau, dont l’Afghanistan a été volontairement exclu par le reste de l’Asie centrale durant de nombreuses années, est particulièrement d’actualité du fait de la capacité du gouvernement afghan à finaliser le projet Qoch-Tepa. Défi des décennies à venir et servant de levier politique dans la région, l’enjeu de l’accès à l’eau finira par revenir sur la table, et chaque pays aura à faire valoir ses atouts économiques régionaux.
Un nouveau hub de l’ONU à Almaty, victoire notable du Kazakhstan
C’est dans ce contexte que ce nouveau hub de l’ONU à Almaty fera office de liant supplémentaire entre les pays centrasiatiques.
Projet élaboré à l’initiative de Kassym-Jomart Tokaïev en 2019, comme le rappelle The Diplomat, ce centre s’établira à Almaty et servira officiellement à faciliter l’atteinte des objectifs de la région en matière de développement durable. Échanges des meilleures pratiques possibles en matière de coopération économique, gestion efficace des ressources et justice sociale sont au programme en incluant les gouvernements, le secteur privé et les sociétés civiles, détaille Baige News.
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Garant de l’importance et de l’efficacité de ce projet, le Kazakhstan en profite pour se réaffirmer en tant que leader naturel dans la région, disposant déjà d’autres institutions de l’ONU, comme le rappelle Opinion internationale.
En imposant sa logique d’intégration et de coopération à la communauté internationale, Astana se rend toujours un peu plus centrale au fonctionnement de l’Asie centrale et à l’élaboration de son avenir. C’est en ce sens que se sont félicités certains responsables gouvernementaux, comme le président du sénat kazakh, Maoulen Achimbaïev, rappelle Kazinform. Il restera maintenant à démontrer l’action concrète de cette nouvelle initiative.
Helmand Gardezi
Rédacteur pour Novastan
Relu par Charlotte Bonin
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Vincent Gélinas, 7 days ago
Je ne vois pas trop en quoi l’intérêt de dirigeants européens pour l’Ouzbékistan et le Kazakhstan peut être un avantage pour l’Afghanistan. Ces deux pays ne sont en tout cas certainement pas « publiquement plébiscités » (et encore moins l’Afghanistan) !
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