Ces dernières années, le flot de touristes se rendant dans les lieux saints d’Ouzbékistan a significativement augmenté, et le gouvernement ouzbek compte bien développer ce secteur économiquement intéressant pour le pays.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 5 avril 2021 par le média kazakh Kursiv.
Selon les données du ministère du Tourisme et du Sport de la République d’Ouzbékistan, le nombre de visiteurs issus des pays musulmans augmente depuis 2018. Ainsi, le nombre de touristes venus d’Indonésie a augmenté de 70 %, de Malaisie de 58 %, de Turquie de 54 % et des Emirats arabes unis de 53 %.
Les changements quant à la législation en matière de visas y sont pour beaucoup. Des procédures particulières pour l’entrée de touristes religieux sur le territoire ont été lancées dès 2018. En 2019, l’Ouzbékistan a mis en place des visas spéciaux pour les pèlerins, le Pilgrim visa, comme indiqué sur le site touristique Caravanistan, pour ceux qui s’intéressent à l’héritage culturel, historique, religieux et spirituel du pays et à ses traditions. Selon les données du Comité d’Etat pour le tourisme, les touristes religieux dépensent en moyenne 160 dollars (136 euros) en Ouzbékistan, sans compter l’avion. Les principales dépenses concernent le logement, les transports et la nourriture.
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Avant la pandémie, les touristes religieux étrangers constituaient entre 5 et 7 % des visiteurs en Ouzbékistan, selon Saïdakhmad Raoubaïev, directeur de l’agence de voyage Yasmina-tour. Selon lui, le nombre de touristes locaux, qui se rendent souvent en pèlerinage dans divers lieux saints à travers le pays, augmente aussi.
Le développement d’infrastructures pour les pèlerins
En février 2019, la déclaration de Boukhara a été signée. L’Ouzbékistan y est reconnu comme l’un des centres du tourisme religieux. Un peu plus tard, le classement du Global Muslim Travel Index a inclus l’Ouzbékistan parmi les 10 destinations les plus attractives des pays membres de l’Organisation de la coopération islamique, relayé sur le site Uzbek Travel. L’Arabie saoudite, la Turquie, la Malaisie, les Emirats arabes unis et l’Indonésie font aussi partie de ce top 10. Cependant, en termes de prestations auprès des touristes musulmans, l’Ouzbékistan se situe à la 18ème place dans ce classement. Le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan occupent respectivement la 19ème et la 20ème place.
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Le développement des infrastructures pour le tourisme religieux est une priorité pour le monde des affaires ainsi que pour les autorités. De nombreux nouveaux hôtels en Ouzbékistan sont construits selon les standards religieux. Par exemple, les plans des nouveaux hôtels en construction près des mausolées de l’imam al Boukhari à Samarcande et Bakhaouddine Naqchbandi à Boukhara étaient déjà pensés pour répondre à tous les besoins des touristes religieux. Dans les hôtels situés non loin des mosquées, la qibla(direction dans laquelle doivent se tourner les fidèles musulmans pour prier, ndlr) sera indiquée dans les chambres, celles-ci auront également des bains spéciaux pour les ablutions, etc.
Les hôtels déjà existants prennent aussi en compte les besoins des touristes religieux. Dans une interview avec Kursiv, Anna Martousévitch, la responsable du marketing de l’hôtel Hyatt Regency Tachkent fait remarquer que, malgré le fait que l’hôtel soit originellement destiné aux visiteurs en voyage d’affaires, la qibla est indiquée dans toutes les chambres et il est possible d’emprunter un tapis de prière à l’accueil. Pendant le ramadan, les clients peuvent prendre l’iftar lors de la rupture nocturne du jeûne.
Un voyage à bas prix, entravé par le coût de l’aérien
Le directeur de l’agence de tourisme Real Dreams à Tachkent, Farkhod Khochimov, estime que pour accélérer le développement du tourisme religieux dans la république, il est tout d’abord indispensable d’adopter des prix de billets d’avion avantageux : leur prix dissuade les pèlerins étrangers. Les autorités ont l’intention de faire baisser les prix pour permettre d’augmenter le nombre de personnes se rendant en Ouzbékistan par voie aérienne. Dans le cadre du programme de développement du tourisme religieux, les compagnies aériennes transportant des pèlerins obtiendront jusqu’à 50 % de réduction pour l’utilisation des aéroports du pays.
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Avant la pandémie de coronavirus, les liaisons aériennes reliaient l’Ouzbékistan aux villes clés de la culture musulmane, dont la Mecque et Médine. Depuis avril dernier, les liaisons reprennent petit à petit et des négociations ont lieu pour ouvrir une ligne reliant le Pakistan avec des vols low cost d’Air Arabia et Fly Egypt. Depuis le 1er mars dernier, l’Ouzbékistan a instauré un droit d’entrée de dix jours sans visa pour les citoyens de Bahreïn, du Qatar, du Koweït, d’Oman et de Chine, comme annoncé par l’agence de presse turque Anadolu.
Un tourisme orienté vers les pays voisins
L’Ouzbékistan porte une attention particulière aux pèlerins des pays centrasiatiques voisins. Dans une interview accordée à la chaîne de télévision kazakhe Khabar 24, le vice-premier ministre de l’Ouzbékistan, également ministre du Tourisme et du Sport, Aziz Abdoukhakimov, a annoncé que le Kazakhstan et l’Ouzbékistan prévoyaient de combiner des parcours touristiques des deux pays, pour permettre aux voyageurs de visiter plusieurs lieux populaires des deux républiques.
De plus, les autorités ouzbèkes et kazakhes prévoient de simplifier le passage de la frontière. Pour ce faire, un programme spécial est à l’étude, qui permettrait d’unifier les régimes de visa et de donner la possibilité de passer librement sur le territoire voisin.
Des lieux de première importance dans l’histoire kazakhe
Le directeur de Yasmina-tour, Saïdakhmad Raoubaïev, considère qu’il y a en Ouzbékistan énormément de lieux de pèlerinage qui intéressent spécifiquement les touristes venus du Kazakhstan. « Il peut s’agir d’itinéraires passant par des lieux historiques liés à des personnalités religieuses kazakhes connues. Par exemple, l’itinéraire par lequel on visite les tombeaux des beys kazakhs Töle bi et Aïteke bi, auteurs du recueil de lois Jeti jarghy (littéralement « sept dispositions législatives », ndlr) qui sont situés à Tachkent et à Navoï, dans le centre du pays », explique-t-il.
Les touristes kazakhs peuvent aussi être intéressés par des itinéraires combinant la visite de lieux liés à des saints soufistes connus. Ce genre d’itinéraire commence dans la ville de Turkestan, dans le sud du Kazakhstan, avec le mausolée du poète Ahmed Yasavi, célèbre en Orient, et se poursuit à Tachkent avec la visite du mausolée de Zangiota. Ce dernier était un élève de Khodja Akhmed Iassavi, un mystique soufi. L’itinéraire se finit avec le mausolée de Hakim ota Bakirgoni au Karakalpakistan. Le prix de ce voyage religieux de cinq jours pour sept à dix personnes s’élève au minimum à 200 dollars (170 euros) par personne.
Une attention particulière portée aux touristes kazakhs
Selon Lazzat Akhanova, ambassadrice du tourisme ouzbek au Kazakhstan, les voyageurs kazakhs seront assurés de l’intérêt de la visite de Khiva. Au début du XIXème siècle, le Khwarezm était dirigé par les représentants d’une dynastie proche de la tribu kazakhe des Konyrats. Lazzat Akhanova considère que la visite de la province de Navoï représente également un élément intéressant pour les touristes kazakhs.
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L’ambassadrice note que l’Ouzbékistan a réussi à conserver et à maintenir en bon état les monuments historiques de la région, qui sont liés au passé du peuple kazakh. Des infrastructures modernes y ont été construites, des services y sont proposés et des guides qualifiés y travaillent. « Pour nos touristes, naturellement, le principal monument est le mausolée d’Aïteke-bi, membre de la Petite jüz, une personnalité qui a joué un rôle très important dans l’unification du peuple kazakh. A côté, il y a le complexe Tchachma » ajoute Lazzat Akhanova.
Il s’agit de l’un des principaux monuments religieux et touristiques, d’une grande importance pour les Kazakhs mais aussi tout autre visiteur puisque ce site est en lice pour être classé au patrimoine mondial de l’Unesco. La tradition veut qu’ici ait été enterré Nouri-ata, compagnon du prophète Mahomet. Non loin se trouvent les tombes des adeptes du prophète. « Ainsi, pendant la pandémie, alors que les frontières de nombreux pays sont fermées, l’Ouzbékistan devient une destination intéressante non seulement pour les touristes, mais aussi pour les affaires dans ce domaine », remarque Lazzat Akhanova.
Des rapprochements encouragés par les agences de voyage et les autorités
En décembre dernier, des agences de voyage du Kazakhstan et de la province de Navoï en Ouzbékistan ont conclu un accord de développement conjoint du tourisme religieux pour accroître le nombre de visiteurs dans la région. Un programme a été spécialement pensé pour diversifier le séjour dans la province de Navoï : il inclut des excursions, des activités gastronomiques, des itinéraires en montagne ou de santé. « Ce dernier point jouit d’un succès plus particulier auprès des habitants des régions du sud du Kazakhstan » explique Farkhod Khochimov, directeur d’une agence de tourisme à Tachkent.
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L’Ouzbékistan participe aussi à l’élaboration d’un calendrier commun des événements culturels des pays du Conseil turcique. Tachkent et Nur-Sultan réfléchissent à l’introduction d’un Silk Visa, une version asiatique du visa Schengen pour attirer les touristes étrangers en Asie centrale. D’autres pays devraient prochainement se joindre au projet de visa commun.
Un pays au cœur de la route de la Soie
L’Ouzbékistan est unique du point de vue du tourisme religieux grâce à sa situation géographique. Le pays se situe au centre de la Grande route de la Soie, au croisement des cultures, des civilisations et des religions. Sur son territoire sont conservés des monuments uniques de l’architecture orientale et des lieux saints de l’islam, du christianisme et du bouddhisme – ces deux derniers étaient répandus dans la région avant l’arrivée de l’islam.
Les plus connus de ces lieux sont les mausolées des auteurs de hadiths, vénérés dans le monde musulman : l’imam al-Boukhari et l’imam at-Termizi. A Boukhara se trouve le tombeau de Bakhaouddine Naqshbandi, fondateur de la tariqa Naqshbandiyya, un des quatre ordres soufistes. A Tachkent, l’ensemble architectural Hazrate Imam et la madrassa Mouïy Mouborak comptent également parmi les lieux de pèlerinage les plus connus du monde musulman.
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Le Coran de Tachkent est conservé à cet endroit. Bien que sa véritable origine soit difficilement identifiable, il est reconnu par les croyants et les autorités ouzbèkes comme le seul Coran authentiquement attribuable à Othman. Il attire des musulmans du monde entier.
Des lieux importants pour les fidèles de plusieurs grandes religions dans le monde
Les chrétiens comme les musulmans vénèrent le mausolée Khodja Doniyor près de Samarcande, où seraient enterrés les restes du prophète Daniel. Quant aux visiteurs chrétiens des pays de la Communauté des Etats indépendants, ils peuvent voir la cathédrale de la Dormition de Tachkent, la plus ancienne d’Asie centrale, construite en 1871. En ce qui concerne la culture bouddhiste en Ouzbékistan, d’anciens complexes religieux se trouvent dans la vieille ville de Termez dans la province de Sourkhan-Daria, dans le sud-est du pays: Faïaz Tepe (Ier-IIIème siècle), Kampir Тepe, et Kara Тepe.
Ces monuments sont déjà devenus des lieux de pèlerinage pour les touristes venus du Japon, de Corée du Sud et d’autres pays asiatiques où le bouddhisme est répandu. Bientôt, de nouveaux projets attireront l’attention des pèlerins en Ouzbékistan. La république travaille à la conception d’un complexe mémorial à l’imam Motouridi à Samarcande, un important centre de pèlerinage. A Boukhara, il est prévu de bâtir un musée de l’Histoire de l’islam. A Tachkent, la construction du plus important centre de civilisation islamique de la région a déjà débuté.
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Des savants connus dans le monde musulman doivent participer à la création du centre, dans la perspective que ce dernier devienne un institut majeur pour l’étude de l’héritage musulman au niveau mondial. L’institut est construit selon les traditions architecturales nationales et compte une mosquée, une bibliothèque, un centre d’informations et de ressources, un département scientifique et des salles de conférence.
Jamoliddine Tourdimov
Journaliste pour Kursiv
Traduit du russe par Paulinon Vanackère
Edité par Laura Sauques
Relu par Amada Blanc
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