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En Ouzbékistan, la croissance des investissements chinois questionne

Des témoignages acablants d'agriculteurs ouzbeks mettent en avant la complexité des relations sino-ouzbèkes, mais surtout l'ampleur de l'influence commerciale de la Chine dans ce pays d'Asie centrale.

Propriétaire terrienne ouzbèke dan sla région de Ferghana, en Ouzbékistan. (illustration) Crédits : FAO/Daniil Dolidze
Propriétaire terrienne ouzbèke dan sla région de Ferghana, en Ouzbékistan. (illustration) Crédits : FAO/Daniil Dolidze

Des témoignages acablants d’agriculteurs ouzbeks mettent en avant la complexité des relations sino-ouzbèkes, mais surtout l’ampleur de l’influence commerciale de la Chine dans ce pays d’Asie centrale.

Des centaines d’agriculteurs des régions d’Andijan et de Kachkadaria ont été contraints de céder leurs terres au gouvernement ouzbek, qui les a ensuite placées sous la gestion d’entreprises chinoises, selon des témoignages recueillis par Radio Ozodlik, branche ouzbèke du média américain Radio Free Europe. Ces personnes disent avoir subi des intimidations et des menaces de la part des autorités locales.

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De leur côté, les autorités ouzbèkes prétendent que la cession des terres s’est faite volontairement. Mais derrière ce scandale à bas bruit, se révèle une dynamique nationale plus étendue : celle de la croissance des investissements chinois et de ses impacts sur l’économie ouzbèke.

Un changement de paradigme

La composition des investissements étrangers en Ouzbékistan a commencé à changer après 2022 et l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine. Les sanctions économiques occidentales imposées à Moscou ont obligé les sociétés russes à rapatrier leurs fonds, ou à réduire leurs investissements à l’étranger.

Afin de palier ce manque et diversifier l’origine des investissements en Ouzbékistan, la Chine a renforcé sa position de partenaire privilégié dans plusieurs domaines stratégiques pour Tachkent.

La nature de l’investissement chinois dans l’industrie agriculturale ouzbèke, qui représente plus d’un quart du PIB, illustre bien ce changement. Entre 2018 et 2021, la superficie couverte par des projets agricoles chinois est passée de 68 hectares à 233 hectares.

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En parallèle, la Chine a financé 33 projets agricoles pour un montant total de 384,8 millions de dollars (326,4 millions d’euros), selon le ministère de l’Agriculture ouzbek. Cette présence chinoise n’a fait qu’augmenter avec la cession de 2 200 hectares de terres à l’entreprise chinoise Tien Ye Plastik en 2024, et de 1 800 hectares supplémentaires à d’autres sociétés en 2025, en partie due à l’expropriation des terres appartenant aux agriculteurs ouzbeks.

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De l’or plutôt chinois ou ouzbek ?

Dans le secteur minier, les entreprises chinoises s’étendent aussi en Ouzbékistan. En février, 31 sites aurifères ont été vendus lors d’une enchère virtuelle pour une somme totale d’environ 2 millions de dollars (1,7 millions d’euros).

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Si la majorité des 12 acheteurs restent toutefois des sociétés ouzbèkes avec une participation chinoise, il est fort probable qu’elles soient plutôt des sociétés écrans – une approche souvent adoptée par les entreprises chinoises voulant se faire discrètes ou contourner des lois d’investissement contraignantes. Dans le cas de cette vente des sites aurifères, l’acheteur principal, la société Xinlong Mining Drilling, n’a été créée que quelques mois avant la vente aux enchères, relève Radio Ozodlik.

Des avantages et des risques

L’influence grandissante de la Chine dans les affaires ouzbèkes offre un bilan mitigé. Ces investissements apportent des bénéfices cruciaux à l’Ouzbékistan, qui parvient à diminuer sa dépendance économique et diplomatique vis-à-vis de la Russie.

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La Chine, contrairement aux États-Unis et à l’Europe, ne conditionne pas son aide économique à des réformes démocratiques. Les investissements chinois massifs permettent à l’Ouzbékistan de moderniser ses infrastructures agricoles, et de tirer profit de ressources naturelles que cette république centrasiatique pourrait difficilement exploiter sans aide extérieure.

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Cependant, l’approfondissement de la coopération sino-ouzbèke risque d’affaiblir la liberté d’action de Tachkent sur la scène géopolitique, surtout dans le contexte de la Nouvelle Route de la Soie planifiée et financée par la Chine. Pour Pékin, le succès de ce projet dépend de l’influence chinoise dans l’Asie centrale – un carrefour commercial majeur. Le président ouzbek Chavkat Mirzioïev doit donc trouver un équilibre délicat entre la protection de la souveraineté nationale et la prise en compte des ambitions chinoises.

Evan Chaisson

Rédacteur pour Novastan

Relu par Léna Marin

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Commentaire (1)

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Vincent Gélinas, 2025-07-14

À quoi on « réduire sa dépendance » à la Russie si c’est pour choisir un nouveau partenaire qui ne parle ni leur langue, ni a la même culture d’entreprise?

Le comparatif avec les États-Unis et l’Europe n’a pas de sens: leurs entreprises n’iraient pas s’approprier des terres par le truchement de sociétés-écran avec le soutien tacite de l’état. L’Ouzbékistan est malin, comme tous les pays centrasiatiques: ils parlent franc-jeu et de valeurs quand ils « dialoguent » avec les Européens, mais parlent argent et magouillent avec les Russes et les Chinois.

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