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Quelle place pour le Kazakhstan globalisé ?

Pour Adrien Fauve, chercheur à Paris-Sud, et spécialiste du Kazakhstan, le Kazakhstan utilise la globalisation non seulement pour attirer les investissements, mais également pour se construire une image à l’international afin de consolider le pays à l’intérieur comme à l’extérieur. Explications à la lumière de la démission de Noursoultan Nazarbaïev.

Kazakhstan global Astana Nur-Sultan
La pyramide ou "Palais de la paix et de la réconciliation" de la capitale Kazakhe, Nur-Sultan (ex-Astana), un des symbole de la globalisation du Kazakhstan

Pour Adrien Fauve, chercheur à Paris-Sud, et spécialiste du Kazakhstan, le Kazakhstan utilise la globalisation non seulement pour attirer les investissements, mais également pour se construire une image à l’international afin de consolider le pays à l’intérieur comme à l’extérieur. Explications à la lumière de la démission de Noursoultan Nazarbaïev.

Le 27 mars dernier, Novastan a accueilli Adrien Fauve, chercheur à Paris-Sud et spécialiste du Kazakhstan. Pour notre conférence mensuelle et en partenariat avec l’association Russinalco, l’idée de la soirée était de parler de la place du Kazakhstan dans le monde. Devant près de 90 personnes réunies à l’Inalco, Adrien Fauve a évoqué la globalisation du Kazakhstan ainsi que l’actualité du pays et des effets de la démission du président depuis 30 ans du pays, Noursoultan Nazarbaïev.

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Avant d’arriver au cœur du sujet, Adrien Fauve s’est attaché à définir ce qu’il entendait par la formation d’un « Kazakhstan globalisé ». Pour le chercheur, ce mouvement est une insertion progressive, depuis l’indépendance du pays en 1991, des acteurs kazakhstanais dans de nombreuses arènes multilatérales.

Un activisme sur la scène régionale et internationale

Selon Adrien Fauve, il est souvent question de politique étrangère ‘multi-vectorielle’ pour le Kazakhstan mais cette notion ne montre pas le coté activiste de la diplomatie de ce pays sur la scène internationale. Par ce moyen le Kazakhstan se démarque du reste de la région centrasiatique où les pays ne sont pas aussi intégrés dans les différentes arènes régionales et internationales.

Pour arriver à se frayer une place au niveau mondial et à s’insérer dans diverses arènes internationales, le gouvernement a déployé d’importantes ressources. . Adrien Fauve a notamment rappelé qu’en 2010, le Kazakhstan a présidé l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), devenant alors le premier pays de l’ex-URSS à présider cette organisation régionale. Une présidence acquise après une campagne importante de communication et de persuasion. Une présidence qui a abouti fin 2010 à une grande conférence qui s’est concrétisée avec signature de la « déclaration d’Astana ». Une signature d’importance pour l’OSCE, car des textes de ce type sont rarement signées dans cette organisation. C’est donc le signe d’une diplomatie kazakhstanaise très active. Les sommets de l’OSCE, réunissant tous les pays membres, n’ont eu lieu que six fois avant celui d’Astana. Le précédent fut celui d’Istanbul en 1999.

Durant sa présidence (1989-2019), Noursoultan Nazarbaïev a été très actif dans la diffusion du projet d’intégration eurasiatique. Dès 1996 et son discours à l’université d’Etat de Moscou sur l’intégration régionale, il s’est positionné comme inspirateur d’une Union douanière , même s’il n’est pas le seul à l’avoir mise en place. Le Kazakhstan a également participé très activement au dialogue dans l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), par exemple en juin 2017dans un accord qui a permis d’intégrer l’Inde et le Pakistan lors d’une conférence à Astana. Enfin, dans la coopération avec l’Union européenne, le Kazakhstan se distingue encore car il est le seul des Etats centrasiatiques à bénéficier d’un accord de partenariat et de coopération renforcé.. Autant d’actions qui illustrent l’activisme du Kazakhstan sur la scène régionale et internationale.

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Autre volet de l’activisme kazakh selon Adrien Fauve : l’intégration dans les organes de l’ONU. Jusqu’au premier janvier dernier, le Kazakhstan était membre non permanent du Conseil de sécurité, au sein du groupe asiatique. Le Kazakhstan a obtenu ce siège après une campagne très intense contre la Thaïlande. .

Le nouveau président du Kazakhstan Kassym-Jomart Tokaïev a largement contribué à cette campagne alors qu’il était vice-secrétaire général de l’ONU et directeur des bureaux de Genève. Une participation à l’un des grand succès internationaux du pays, ce qui contribue à expliquer sa nomination par Noursoultan Nazarbaïev au poste de sénateur, lui ayant permis plus tard de présider le Sénat, donc de pouvoir assurer l’intérim, conformément à la Constitution.
Pour Adrien Fauve, une autre anecdote, « pour le moins cocasse », mais qui illustre l’importance du Kazakhstan sur la scène internationale ces dernières années : celle de la chapka offerte à François Hollande, alors président, lors de sa visite à Astana en décembre 2014. L’image, qui avait fait le tour des réseaux sociaux a fait couler beaucoup d’encre et suscité la risée, en France comme ailleurs.. On en oublie le fait que Noursoultan Nazarbaïev a alors conseillé à François Hollande d’effectuer un détour par Moscou pour discuter directement avec Vladimir Poutine de l’Ukraine, alors en pleine crise

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Comme le résume Adrien Fauve, Noursoultan Nazarbaïev s’est posé en conseiller d’un membre permanent du Conseil de Sécurité (la France) pour le mettre en relation avec un autre (la Russie). Il a ainsi pu faire changer l’emploi du temps du président Hollande.

Les politiques européens : agents de promotion du Kazakhstan

Plus précisément, des cabinets de conseils et de lobbying comme GPLUS ou TONY BLAIR ASSOCIATES sont nombreux à travailler avec le gouvernement du Kazakhstan. Un certain nombre d’ex-dirigeants européens sont également abonnés aux grands événements organisés dans ce pays (Jacques Atali, Aleksander Kwasnieski), en particulier dans le cadre du Forum Economique d’Astana qui a lieu tous les ans.

Des sénateurs ou députés français, des membres de la famille royale britannique… voilà aussi d’autres profils de gens qui soutiennent le gouvernement du Kazakhstan celle de l’ancien Premier ministre britannique sans oublier Tony Blair Tous ces agents de promotion contribuent à construire une image respectable qui a de quoi convaincre les marchés financiers.

La diplomatie économique kazakhe : pas uniquement à sens unique

Au-delà de l’aspect politique, Adrien Fauve a également dressé un panorama de l’influence économique du Kazakhstan dans le monde. Les grandes entreprises kazakhstanaises sont ainsi un point important de la stratégie d’influence du pays sur la scène internationale. Cependant, comme l’explique le chercheur, c’est certainement un point plus technique et donc moins facile à analyser.

Au premier rang, on trouve les entreprises publiques et surtout la holding Samrouk Kazyna, qui gère les actifs de l’Etat dans de nombreux secteurs : l’industrie minière, transports, banque, électricité, immobilier… . Il y a également de nombreuses co-entreprises comme KATCO avec Orano (ex-Areva) dans l’uranium, ou le consortium NCOC de Kashagan dans le secteur pétrolier. Ce dernier projet a vécu de nombreuses renégociations parfois tendues entre le Kazakhstan et les entreprises étrangères, Astana voulant augmenter sa participation dans le consortium. .
Comme l’a expliqué Adrien Fauve, il faut changer nos habitudes d’analyse pour examiner la diplomatie économique du Kazakhstan. De fait, ce ne sont plus seulement les entreprises étrangères qui sont présentes en Asie centrale, mais bien des acteurs industriels kazakhstanais qui agissent sur les marchés internationaux.. Des entreprises minières comme Kazakhmys (dirigée par Vladimir Kim) ou ENRC (fondée par Alexander Mashkevitch, Patokh Chodiev et Alizhan Ibragimov) opèrent désormais sur tous les continents ! Pour Adrien Fauve, le point important à avoir en tête, ce sont les relations, parfois étroites, entre les dirigeants politiques du pays et les chefs de ces grandes entreprises.

La fin de l’ère Nazarbaïev comme illustration de la globalisation du Kazakhstan

Suite à la présentation de ses recherches en cours, Adrien Fauve a répondu aux nombreuses questions de la salle, notamment à propos de la transition du pouvoir kazakh qui a débuté avec la démission du président Noursoultan Nazarbaïev le 19 mars dernier.

« Démission forcée ou pas, on ne sait pas, mais à 78 ans, on peut comprendre Noursoultan Nazarbaïev », a estimé Adrien Fauve. « Après avoir gouverné un pays de 16 millions de personnes pendant 30 ans avec des réunions tous les jours et de nombreux déplacements la fatigue doit être réelle », a poursuivi le chercheur.

Selon Adrien Fauve, le décès du président ouzbek Islam Karimov en septembre 2016, alors qu’il était au pouvoir, a fait beaucoup réfléchir les gouvernants du Kazakhstan. C’est à la suite de cet évènement que les recherches de mécanismes de transition au Kazakhstan ont vraiment pris corps. Cependant, cette démission de Noursoultan Nazarbaïev n’est pas une surprise totale pour Adrien Fauve. De il y a moins d’un an, le renforcement du conseil de sécurité dans la constitution et la place de Noursoultan Nazabraïev à sa tête en est la preuve. « Il y a quelques mois, l’administration présidentielle a fait une demande d’interprétation de la constitution au Conseil constitutionnel pour être certain du dispositif en cas d’interim. Le choix de la date de l’annonce de la démission, juste avant la fête du printemps perse (Norouz), alors que tout le pays est occupé à préparer la fête, les repas et les déplacements, afin que les gens ne soient pas effrayé par l’annonce et moins préoccupés par celle-ci, est également la preuve que cette transition a été bien planifiée.

Quant à la transition, la question se pose de la trajectoire future de la fille aînée de Noursoultan Nazarbaïev, Dariga Nazarbaïeva. Cette dernière a un rapport à la carrière politique assez particulier, a fait remarquer Adrien Fauve. « Elle a fait de nombreux aller-retours entre le privé et la politique. », a décrit le chercheur. Elle est désormais le deuxième personnage de l’Etat, dans l’ordre protocolaire établi par la constitution. Elle pourrait donc remplacer l’actuel président par intérim en cas d’empêchement. C’est le mécanisme qui permit à Tokaïev de succéder à Nazarbaïev. Pour le chercheur, cela rappelle fortement la série télévisée populaire« House of Cards ». Mais Dariga Nazarbaïeva a également eu une période délicate à cause de son ex-mari Rakhat Alyiev, devenu opposant à son père, notamment via un pamphlet qu’il publia en 2009, avant de mourir en détention à Vienne en 2015.

La démission de Nazarbaïev laisse un pays divisé entre vieille garde soviétique et jeunesse éduquée formée à l’étranger

Pour Adrien Fauve, présent à Almaty le jour de la démission de Noursoultan Nazarbaïev,« c’est d’abord avec un enthousiasme discret que la jeunesse du Kazakhstan a accueilli le« départ de Papa» (surnom donné à l’ex-président).. Mais assez rapidement on commençait à comprendre que le scenario était préparé. Le lendemain de la démission, lors de la passation du pouvoir au nouveau président par intérim, l’excitation face au renouveau laissait la place à une forme de stupéfaction : on apprit que la capitale Astana allait changer de nom pour rendre hommage à l’ancien président. Elle devenait Nur-Sultan »

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Pour Adrien Fauve, le véritable sujet à suivre dans les prochains mois concèrne les élections présidentielles, dont le calendrier n’est pas encore fixé. Qui seront les candidats ? , Comment se déroulera la campagne ? Et bien sûr quels seront les résultats ? Ce sera, selon Adrien Fauve, un climat très particulier pour ces premières élections sans Noursoultan Nazarbaïev.

La rédaction

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