Au tournant des années 2000, la Chine a commencé à considérer l’Asie centrale pour lui fournir des hydrocarbures. Avec des investissements conséquents dans les cinq pays de la zone, Pékin a cherché à sécuriser ses approvisionnements, tout en jouant un jeu politique.
Novastan vous propose un tour d’horizon, sur la base d’un article écrit par Vladimir Paramanov et Alekseï Strokov, coresponsables du projet d’analyse « Eurasie centrale », et publié par le Central Asian Analytical Network.
La présence chinoise dans le domaine des hydrocarbures des États d’Asie centrale est aussi équivoque qu’ambiguë. Certes, l’infiltration de la Chine dans ce domaine est un succès considérable. Mais ce processus n’implique toutefois pas des relations d’égal à égal, mutuellement avantageuses, pour les pays impliqués, pas plus qu’elle ne permet le complexe développement économique des États d’Asie centrale.
L’intérêt de la République populaire de Chine pour le domaine des hydrocarbures des pays d’Asie centrale est né vers le milieu des années 1990. L’attention de Pékin était alors portée sur le Kazakhstan et sur les possibilités de transport du pétrole kazakh vers la Chine. L’importance de la région n’a depuis lors cessé d’augmenter aux yeux du secteur énergétique chinois et de la politique économique dans son ensemble, éveillant les intérêts politiques.
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Si les projets des entreprises chinoises pour les hydrocarbures ne concernaient au début que le voisin kazakh, le début du XXIe siècle a vu l’intérêt de la Chine s’étendre progressivement à d’autres États d’Asie centrale. Aujourd’hui, l’attention de Pékin s’est cristallisée sur les hydrocarbures du Kazakhstan et du Turkménistan, de sorte que la présence chinoise dans ce secteur en Ouzbékistan, au Kirghizstan et au Tadjikistan n’est pas tant liée à ses besoins énergétiques qu’à la promotion d’autres intérêts, économiques ou politiques, dans ces pays et dans la région en général. Tour d’horizon
Le Kazakhstan, premier partenaire centrasiatique
À partir du moment de l’établissement des liens diplomatiques, le 3 janvier 1992, la République du Kazakhstan était perçue par Pékin comme un intérêt économique et, surtout, énergétique majeur en Asie centrale. Cette conception s’est pleinement révélée après l’an 2000, lorsque la Chine s’est mise à acheter massivement des actifs dans le domaine des hydrocarbures kazakhes ainsi que dans d’autres branches du secteur énergétique, principalement dans le domaine de l’énergie atomique. Dès lors, les entreprises chinoises ont sans cesse augmenté leurs crédits, finançant certains projets à des conditions avantageuses.
Tout ceci s’est traduit par une présence commerciale chinoise considérablement accrue sur le marché kazakh. De 2001 à 2008, la livraison de biens depuis la Chine a augmenté de 11,3 fois, passant de 0,74 à près de 8,4 milliards de dollars, tandis que le volume total des échanges commerciaux est passé de 1,25 à environ 16 milliards de dollars. En 2009, le volume des échanges entre la Chine et le Kazakhstan a certes diminué (de 15,5 %, soit 13,5 milliards de dollars) en raison de l’influence négative de la crise financière mondiale, mais il est reparti à la hausse au cours des années suivantes.
Le pétrole kazakh fait saliver Pékin
Le volume total des ressources financières allouées par la Chine au renforcement de sa position dans le domaine des hydrocarbures kazakh était évalué début 2015 à hauteur de 43 à 45 milliards de dollars, comprenant de 22 à 24 milliards de dollars d’investissements, de près de 16 milliards de dollars d’actifs acquis et de 5 milliards de dollars de crédits.
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La politique chinoise dans les hydrocarbures de la République du Kazakhstan témoigne de son intérêt pour l’exploitation des gisements pétroliers, l’intensification des volumes d’extraction et de transport du pétrole kazakh vers la Chine et le renforcement de la position des entreprises chinoises sur le marché kazakh des produits pétroliers.
Dans une première phase à partir de la fin des années 1990, les entreprises chinoises ont lentement mais sûrement entamé une politique expansionniste dans le domaine des hydrocarbures du Kazakhstan via l’acquisition assez massive d’actifs étrangers et en partie kazakhs. En outre, la ligne de conduite de Pékin dans ce domaine a été et reste axée sur la forte augmentation des volumes d’extraction du pétrole (avec pour objectif son exportation vers la Chine).
Les entreprises chinoises contrôlent un quart du pétrole extrait au Kazakhstan
Dans ce contexte, l’extraction de gaz ne revêt qu’une importance secondaire pour les entreprises chinoises. En effet, la Chine s’intéresse davantage au transit du gaz depuis le Turkménistan qu’à son extraction directe au Kazakhstan. Compte tenu de l’intérêt aigu de la République populaire pour l’augmentation des importations en pétrole kazakh et pour le transit du gaz turkmène via le Kazakhstan, on comprend que la construction intensive d’un réseau d’oléoducs depuis le Kazakhstan vers la Chine a été et constitue encore une priorité absolue pour Pékin.
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A l’heure actuelle, les entreprises chinoises contrôlent près du quart du pétrole extrait au Kazakhstan et le cinquième du marché kazakh des produits pétroliers. Elles occupent également une position assez solide tant dans le secteur des hydrocarbures kazakhes que dans la construction et l’exploitation de ces hydrocarbures. Toutefois, vu la situation actuelle, on ne sait si la Chine a la possibilité d’augmenter davantage encore le volume d’extraction de pétrole kazakh. En effet, les gisements pétroliers affleurants à la surface placés sous contrôle chinois diminuent ou sont à leur niveau maximal d’extraction, de sorte que les compagnies chinoises se heurtent à un problème de saturation des réseaux d’oléoducs existant et en construction.
L'objectif d'un accès au "Big Oil" / "Big Gas"
A court et moyen termes, il semble très peu probable que le caractère et l’envergure de la présence chinoise dans le secteur des hydrocarbures kazakhes ne changent de manière significative. À quelques exceptions près peut-être, l’intensification du processus d’implantation des entreprises commerciales chinoises sur le marché des hydrocarbures kazakh va se poursuivre. D’autant plus que le Kazakhstan crée lui-même les conditions propices à cet effet en favorisant l’importation d’hydrocarbures depuis la République populaire à la construction de nouvelles raffineries sur son sol.
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À long terme, si les entreprises chinoises parviennent à accéder au "Big Oil"/"Big Gas" et à prendre activement part dans ces projets, la présence chinoise dans le secteur des hydrocarbures kazakh va s’amplifier, en même temps que l’importance du Kazakhstan dans les intérêts énergétiques et stratégiques de la Chine. Les gisements côtiers concernés par le projet pharaonique au nord de la mer Caspienne sont particulièrement visés pour accéder à ce graal industriel.
L'ombre des Nouvelles routes de la Soie . . .
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