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L’opposant kazakh Moukhtar Abliazov n’a plus le statut de réfugié politique en France

Accusé par les autorités kazakhes du détournement de plusieurs milliards d’euros, l’homme d’affaire et opposant au régime Moukhtar Abliazov a été démis de son statut de réfugié politique en France. Cette décision intervient quelques jours après la visite du président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev en France.

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Moukhtar Abliazov perd son statut de réfugié politique en France (illustration).

Accusé par les autorités kazakhes du détournement de plusieurs milliards d’euros, l’homme d’affaire et opposant au régime Moukhtar Abliazov a été démis de son statut de réfugié politique en France. Cette décision intervient quelques jours après la visite du président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev en France.

Le feuilleton politico-judiciaire se poursuit en France pour Moukhtar Abliazov. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est revenue sur sa décision le 8 décembre 2022, concernant le statut de réfugié politique de l’homme d’affaire et opposant au régime, anciennement à la tête de la banque kazakhe BTA, a révélé le Canard Enchaîné le 21 décembre. Un statut qu’il avait obtenu en 2020.

Condamné en 2017 à 20 ans de prison au Kazakhstan pour détournement de fonds à hauteur de 7,5 milliards de dollars (soit environ 4,38 milliards d’euros à l’époque) lorsqu’il était à la tête de la banque BTA, de nouvelles poursuites pénales étaient engagées contre lui en France, la même année. En 2018, la justice kazakhe le condamne à la prison à perpétuité pour avoir commandité le meurtre de l’ancien directeur de la banque BTA et associés, Yerjan Tatichev, en 2004.

Pour expliquer ce revirement, la CNDA dit se fonder sur l’article 1 de la Convention de Genève, empêchant les personnes qui ont commis des actes « graves » de recevoir le statut de réfugié. Or, la Cour juge qu’il y a « des raisons sérieuses de penser que [Moukhtar Abliazov] était l’auteur de détournements de fonds de grande ampleur, constitutifs d’un crime grave de droit commun », comme elle l’explique à Novastan.

L’extradition écartée

Un recours auprès du Conseil d’Etat est attendu par la défense de Moukhtar Abliazov pour contester cette décision. La déchéance de statut ne provoque toutefois pas de grand changement à sa situation : avec un statut subsidiaire de réfugié, le ressortissant kazakh peut rester vivre en France.

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A ce jour, Moukhtar Abliazov ne risque pas non plus l’extradition vers le Kazakhstan, la Russie ou l’Ukraine, des pays qui ont émis des mandats d’arrêt contre lui. Après un premier avis rendu par la chambre d’instruction d’Aix-en-Provence en faveur de son extradition vers la Russie ou l’Ukraine, le Conseil d’État avait suspendu cette décision en 2016, estimant que celle-ci « aurait été demandée dans un but politique ».

Des pressions du gouvernement kazakh sur la France ?

La récente décision de la CNDA privant l’opposant du statut de réfugié politique est cependant étonnante selon sa défense. La décision a lieu quelques semaines après la rencontre entre le président français Emmanuel Macron et son homologue kazakh, en visite diplomatique à la suite de sa réélection le 20 novembre dernier. Lors de son passage à Paris, beaucoup s’attendaient à ce que Kassym-Jomart Tokaïev discute avec le président français de la situation de Moukhtar Abliazov. Le vice-ministre des Affaires étrangères kazakh, Roman Vasilenko, a cependant nié toute discussion à ce sujet entre les deux présidents, rapporte Radio Free Europe.

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Il faut alors croire à un hasard dans les dates, et ce ne serait pas la première fois. En septembre 2020, une semaine après lui avoir accordé l’asile politique, la CNDA est de nouveau revenue sur sa décision et Moukhtar Abliazov était mis en examen. Dans un article paru dans Le Monde en 2020, l’opposant au régime kazakh affirme qu’il ne croit pas à une « coïncidence » et affirme que sa mise en examen est liée « aux relations économiques entre la France et le Kazakhstan ».

Les suites d’une longue affaire

Après avoir été ministre de l’Énergie, de l’Industrie et du Commerce sous l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev, Moukhtar Abliazov démissionne en 1999 au bout d’un an et demi de fonction et se dirige vers diverses entreprises, avant de participer à la création du parti Choix Démocratique du Kazakhstan, dissous par les autorités en 2005, juste avant l’élection présidentielle. Condamné à six ans de prison en 2002 pour détournement de fonds publics, il est néanmoins libéré au bout de dix mois.

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En 2005, il devient président du conseil d’administration et actionnaire majoritaire de la banque BTA, une des plus importantes du pays. En 2009, la banque fait faillite et est nationalisée par le gouvernement kazakh. Moukhtar Abliazov s’exile en Europe, alors que les justices kazakhe, russe et ukrainienne l’accusent d’avoir détourné plusieurs milliards de dollars. Arrêté en France en 2013, il est emprisonné puis libéré. Il ne cesse de clamer son innocence depuis.

Lou Desmoutiers
Rédactrice pour Novastan

Relu par Emma Jerome

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