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Kazakhstan : les vignes des routes de la Soie

Le Kazakhstan est le neuvième plus grand pays du monde en termes de superficie. La majeure partie de son territoire est constituée de steppes, de semi-déserts, de déserts et de montagnes qui ne conviennent pas à l'agriculture. Cependant, l'industrie vinicole du pays se développe à pas de géant.

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La rédaction 

Edité par : Anthony Vial

Traduit par : Valeria Tenison

Simple Wine News

Raisin Vin
Les vignobles du Kazakhstan se développent (illustration). Photo: Cruchiroubles/Wikimedia Commons.

Le Kazakhstan est le neuvième plus grand pays du monde en termes de superficie. La majeure partie de son territoire est constituée de steppes, de semi-déserts, de déserts et de montagnes qui ne conviennent pas à l’agriculture. Cependant, l’industrie vinicole du pays se développe à pas de géant.

Les routes commerciales entre l’Europe et l’Asie passent par le Kazakhstan depuis des temps anciens. Des technologies ont été apportées en même temps que les milliers de cargaisons de valeur transportées le long de la route de la Soie. Il est fort probable que le vin et la vigne aient atteint le Kazakhstan moderne par cette route caravanière. Les archéologues ont trouvé des pépins de raisin fermentés dans les tumulus de peuples Saces, qui remontent au milieu du Ier millénaire avant Jésus-Christ. Y ont également été découverts de nombreux vaisseaux qui, selon les recherches, servaient à transporter et à stocker le vin.

La vigne a probablement été introduite dans cette région depuis l’ouest, c’est-à-dire du Caucase et de la Turquie, et depuis l’est, soit des territoires des actuels Tadjikistan, Ouzbékistan et Afghanistan. Des manuscrits chinois remontant au VIème siècle mentionnent déjà des vignobles. Au XIIIème siècle, un ambassadeur français écrit qu’il a goûté le vin local.

Cependant, pour pouvoir pratiquer la viticulture, la population devait être sédentarisée. Or, les nombreux conflits et guerres qui ont déchiré la région au Moyen Âge ont transformé une grande partie de la population en nomades. Les traditions de l’islam qui arrivèrent dans la région n’étaient pas non plus propices au développement de l’industrie. La culture du vin s’est perdue.

Un renouveau à l’époque soviétique

Le renouveau a commencé à l’époque soviétique. Le sud-est du Kazakhstan était une région prometteuse pour la viticulture. Dans les années 1950 et 1960, environ 500 cépages différents ont été plantés dans cette région et, dans les années 1980, la superficie des vignobles a atteint le chiffre record de 28 000 hectares. Grâce au climat continental, dans lequel les parasites de la vigne ont du mal à survivre, les agronomes kazakhs ont pu produire des raisins sains et un vin de bonne qualité. Le Porto kazakh était particulièrement populaire en Union soviétique. Cependant, le système soviétique exigeait des rendements élevés, et la qualité a ainsi progressivement diminué.

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La campagne anti-alcoolique de Mikhaïl Gorbatchev a tourné une autre page de l’histoire de la viticulture dans le pays. De nombreuses vignes ont été arrachées et remplacées par des cultures céréalières et des arbres fruitiers. Certains vignobles ont tout simplement été abandonnés. La chute de l’Union soviétique a entraîné la privatisation des fermes d’État soviétiques et la fragmentation des vignobles restants entre les petits exploitants. De nombreuses entreprises n’ont pas réussi à s’adapter aux nouvelles conditions et ont finalement fermé.

Le secteur viticole du pays a commencé à renaître dans les années 2000, grâce à la croissance économique et à une poignée de passionnés, qui ont parcouru le monde pour attraper le « virus du vin » et ont entrepris de restaurer les anciennes traditions du pays.

Climat et terroir

La plupart des vignobles du Kazakhstan se trouvent à la frontière avec le Kirghizstan et la Chine. Almaty étant à deux pas, le tourisme viticole et gastronomique est également en plein essor. Le climat y est typiquement continental, avec des hivers rudes où les températures descendent parfois à -40 degrés Celsius, et des étés chauds et secs. Les vignobles sont situés à une altitude d’environ 1 000 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans les contreforts des montagnes Tian Shan. L’écart entre les températures nocturnes et diurnes permet aux raisins de maintenir des niveaux élevés d’acidité, même pendant les années chaudes, qui sont de plus en plus nombreuses.

Les sols de la région sont principalement alluviaux et graveleux, formés par les rivières de montagne qui apportent des cailloux. En raison de cette composition du sol et de la rigueur du climat, les vignobles locaux ne subissent pas le phylloxéra et de nombreuses vignes sont plantées franc de pied. En raison des fortes gelées hivernales, la viticulture y est pratiquée sous abri.

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Le système de taille de la vigne locale diffère du système européen : au Kazakhstan, les vignes n’ont pas de tronc et il ne reste que deux ou trois pousses fructifères en surface, qui poussent directement à partir de la racine. En été, elles sont attachées à un palissage et en hiver, elles sont pliées au sol, parfois recouvertes de foin ou de nattes de roseaux, sur lesquels un coussin de neige se forme et retient la chaleur. L’une des conséquences du réchauffement climatique mondial est que la neige ne tombe plus chaque année et que le risque de gel des vignes augmente.

La plupart des travaux dans les vignobles sont effectués à la main. Les traitements contre les maladies cryptogamiques sont rarement effectués, souvent une seule fois par an. La main-d’œuvre ne manque pas dans les établissements vinicoles, même si ceux-ci constatent qu’il est difficile d’attirer la jeune génération avec le mode de vie rural et le dur labeur agricole.

Des cépages importés et locaux

Il n’existe pas de chiffres officiels sur la taille des vignobles du Kazakhstan. Les experts estiment leur surface entre 4 000 et 10 000 hectares, selon la façon dont sont comptés les raisins de table. À l’époque soviétique, quelque 500 cépages ont été plantés dans le pays, et les agronomes ont testé leur adéquation au climat local. Le rkatsiteli et le saperavi géorgiens étaient les plus répandus à cette époque, principalement en raison de leurs rendements élevés.

Des cépages européens tels que le riesling, le pinot noir et le cabernet franc, bien adaptés au climat plus frais, ont été adoptés. Parmi les variétés locales, le kuldjinskiy, un cépage blanc autrefois importé de Chine, et l’iliyskiy, un croisement rouge de saperavi et de riesling, sont très répandus. Le kuldjinskiy a généralement un goût assez simple et peut être consommé comme raisin de table. Cependant, le cépage conserve une acidité élevée même avec une forte accumulation de sucres, de sorte qu’elle peut être utilisée pour produire des vins blancs et mousseux rafraîchissants.

Arba Wine, l’emblème

Arba Wine est le fleuron de la viticulture kazakhe. Ce sont ses vins qui sont apportés en cadeau aux amis de ce pays hospitalier. L’histoire de l’entreprise commence en 2006, lorsque l’économiste Zeïnoulla Kakimjanov, après avoir exploré en profondeur les vignobles d’Europe et d’Amérique, décide de se lancer dans la viticulture dans son Kazakhstan natal. Il découvre des vignobles soviétiques abandonnés qui ont autrefois appartenu à la ferme fruitière Kirov.

La restauration des vignes abandonnées depuis plus de 20 ans a demandé du temps et des efforts : il a dû déraciner le bois mort et les buissons sauvages, creuser des canaux pour l’irrigation, mettre des treillis, poser des fils de palissage, faire de la taille. Malgré le manque de soins et l’absence de porte-greffes, les vignes se sont révélées parfaitement saines. Simultanément à la restauration des anciens vignobles, Arba Wine a planté de nouvelles vignes apportées d’Europe. Des vignes de riesling, gewürztraminer, chardonnay, pinot noir, merlot, cabernet franc, malbec et syrah ont été plantées.

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Aujourd’hui, le vignoble d’Arba Wine représente environ 170 hectares de vignes de 40 à 44 ans, dont le rkaziteli 1978, les riesling 1977 et 1978, le Saperavi 1878 et le pinot noir 1982, ainsi que 45 hectares de jeunes vignes, âgées de 15 ans environ. Les vieilles vignes donnent une récolte de qualité, et il est possible de continuer à restaurer les vignobles soviétiques. Arba Wine, cependant, a choisi une stratégie de développement différente : ses agronomes récoltent des boutures de jeunes vignes françaises et les enracinent sans porte-greffe. De tels vignobles ont commencé à être plantés en 2017 au rythme de cinq à dix hectares par an. À l’avenir, il est prévu de travailler avec du sauvignon blanc et de l’areni arménien.

En moyenne, Arba Wine produit 80 000 à 100 000 bouteilles de vin par an. Les vins de l’entreprise ont reçu des éloges dans de nombreux concours internationaux. Bien qu’aujourd’hui ils soient principalement vendus sur le marché national, ils ont un bon potentiel pour trouver des connaisseurs dans les pays voisins et sur la scène mondiale du vin.

Château Karakemer et Issyk, des domaines réputés

Le domaine viticole Château Karakemer est situé à 70 kilomètres d’Almaty, dans les contreforts des Trans-Ili Alataou. En 2003, des plants de variétés rouges de cabernet sauvignon, de cabernet franc, de merlot et de brocoll rare, plus connu dans le Sud-Ouest de la France sous le nom de fer servadou, ont été plantés. Le vin le plus célèbre du producteur, Bourabaï, est un assemblage de ces quatre variétés.

Fondée en 1932, la cave Issyk est le plus ancien producteur de vin du Kazakhstan. Ses 280 hectares de vignobles sont situés dans la vallée d’Issyk, à une altitude de 850 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le saperavi, le pinot franc, le muscat, le riesling et le rkatsiteli y sont cultivés. En 2007, la production a été complètement modernisée et de nouveaux cépages européens, merlot, syrah et sauvignon blanc ont été plantés.

Outre le vin, l’entreprise est célèbre pour ses cidres. C’est dans la région d’Almaty que se trouve, selon les recherches des scientifiques, le berceau de la pomme. La diversité des variétés de pommes permet de produire des cidres de grande qualité. La gamme Wild Kazakh, conçue par Mimi Ilnitskaïa, artiste d’Almaty, est particulièrement moderne.

Rouges et blancs, mais pas seulement

Contrairement aux autres grands producteurs, le domaine Silk Alley est situé dans la province du Turkestan, à la frontière avec l’Ouzbékistan. Seuls 40 kilomètres le séparent de Tachkent. Pendant de nombreuses années, les habitants y ont cultivé le mûrier, dont les feuilles étaient utilisées comme fourrage pour les vers à soie. Aujourd’hui, 13 cépages y sont cultivés : cabernet franc, saperavi, rkatsiteli, muscat ottonel, cabernet sauvignon, viognier, sauvignon blanc, chardonnay, petit muscat, merlot, pinot noir, syrah et pinot blanc. Le domaine produit des vins rouges, rosés et blancs, ainsi que du brandy, de la grappa et des liqueurs.

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Bacchus est un successeur de l’ancienne fabrique de vins mousseux d’Almaty, fondée en 1948. C’est ici qu’a été produit pour la première fois, en 1950, le vin mousseux kazakh. Plus tard, pour la première fois en Asie centrale, l’usine a produit du vin mousseux selon la méthode classique. Aujourd’hui, l’entreprise fabrique plus de 80 noms de produits alcoolisés, du champagne soviétique au cognac du Kazakhstan, qui jouit d’une bonne réputation dans le pays.

L’entreprise viticole de Tourgen a été fondée en 1998 sur la base des vignobles et de la production de l’ancien kolkhoze Lénine. Le nom vient du lieu lui-même : la gorge de Tourgen. Les vignobles sont situés sur les contreforts des Trans-Ili Alataou. Aujourd’hui, 20 cépages géorgiens et européens sont cultivés sur plus de 1 200 hectares. L’entreprise produit environ 90 types de produits. Selon le site web de la cave, les marques les plus populaires sont les vins semi-doux. Pour les connaisseurs de vins secs de style européen, la gamme Silver de Turgen Wines et la Réserve de Turgen Wines vieillie en chêne sont proposées.

Accords mets-vins

Zoulfiya Ibragimova, sommelière chez Alma Wine, est vice-présidente de l’Association des sommeliers du Kazakhstan. « Le Kazakhstan est un pays multiethnique, les traditions gastronomiques reposent donc principalement sur un mélange de cuisines kazakhe, ouïghoure et ouzbèke. Les accords de boissons alcoolisées et de nourriture sont une histoire récente, mais la culture gastronomique se développe rapidement, surtout dans les grandes villes », explique-t-elle.

Almaty étant la capitale de la pomme, elle évoque ses recommandations pour accompagner les cidres kazakhs. Le tsomian, ou lagman frit, est un plat ouïghour fait de nouilles garnies d’épices, de sauce soja, d’ail, de légumes, de bœuf ou de poulet. « Le résultat est épicé, c’est pourquoi le cidre doux et rafraîchissant est parfait pour équilibrer le piquant », estime Zoulfiya Ibragimova. Elle recommande également l’irimchik, un fromage à pâte mi-dure et sucrée, fait à partir de lait de vache, à mi-chemin entre le caillé et le fromage.

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Pour le vin mousseux, elle recommande les entrées traditionnelles comme les baoursaks, des boules de pâte frites à la levure non sucrée, ou la sanza, une pâtisserie ouïgoure non sucrée. Traditionnellement, ils sont cuisinés pour les grandes célébrations.

Les plats de pâte et de viande quant à eux se marient bien avec les rieslings secs : ils accompagnent les mantys (gros raviolis, ndlr), frits en chaudron avec de la citrouille et du bœuf, et le bechbarmak, un plat composé de pâte et de différentes sortes de viande de cheval bouillie, servi avec un bouillon à base d’oignon, de sel et de poivre moulu. L’acidité du riesling aide à équilibrer le gras.

« J’aime servir un élégant pinot noir avec de la viande de cheval séchée kazakhe ou de la tourte à la viande ouïgoure, le goch-nan », ajoute la sommelière, avant de conclure : « pour le cabernet franc sec, que je trouve très intéressant et profond, je recommanderais le syrne, un traditionnel rôti d’agneau ou de bœuf avec des oignons, des pommes de terre et des épices. Il est fumé – juste ce qu’il faut pour accompagner un cabernet frais et juteux. »

Valeria Tenison
Autrice pour Simple Wine News

Traduit du russe par Valeria Tenison

Edité par Anthony Vial

Relu par Eva Costes

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