Au Kazakhstan, il y a de nombreux lieux où la neige abondante est considérée comme une menace. Elle signifie que des inondations attendent les habitants au printemps. Depuis déjà quelques années consécutives, la rivière Jabaï, qui passe par la région d’Akmola, inonde les maisons des habitants d’Atbassar.Novastan reprend et traduit ici un article publié le 14 mai 2021 par le média kazakh Vlast. La dernière crue destructrice à Atbassar, dans le nord du Kazakhstan, a eu lieu en 2017. Selon l’administration de la région, 636 maisons ont été inondées, dont 459 ont été classées en état d’urgence. 11 immeubles de 45 appartements ont été construits avec le financement du gouvernement, pour les habitants victimes des inondations de 2017 – 2018. Cependant, les habitants de la « zone rouge » n’ont pas tous reçu de nouveau logement. Les territoires sur lesquels sont situés ces logements sont eux-mêmes souvent exposés aux inondations. Certains sont restés sur leur précédent lieu d’habitation dans l’espoir qu’il n’y aurait plus de catastrophe. Les autres attendent toujours le relogement promis.
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« Nous attendons la construction des immeubles de 100 appartements. Pour l’instant, cela avance peu. Nous avons demandé à la mairie de nous donner un certificat pour l’achat d’un second logement. Néanmoins, cela a été refusé. On nous a dit d’attendre notre tour. Je ne sais pas à quoi les difficultés sont dues. Il y en a beaucoup d’autres dans le même cas que nous », raconte Vladimir Stepanov, un retraité vivant près de la rivière Jabaï. Sur les murs de sa maison apparaissent toujours de façon distincte jusqu’à quel niveau l’eau est montée en 2017.
L’effondrement du barrage
« Nous avons été fortement inondés quand le barrage s’est rompu. Avant, l’eau venait aussi jusqu’à nous, mais elle ne rentrait pas dans les maisons. Elle passait calmement et partait dans le potager. Seulement, quand le barrage s’est rompu, elle est arrivée en une nuit. Ensuite, l’eau est retournée dans la rivière en passant par toutes les maisons des voisins », explique Vladimir Stepanov.
Selon lui, en une nuit, le niveau de l’eau s’est élevé de 60 à 80 centimètres et a inondé les maisons. « Le sol était sous l’eau, les fondations ont craqué et des fissures sont apparues. Il fait beaucoup plus froid maintenant », raconte le retraité.
Des aides insuffisantes ?
Selon ses dires, « on nous a dit que l’administration du quartier donnerait 700 à 800 000 tengués (entre 1 538 et 1 758 euros) pour les travaux. Après, nous avons réparé les sols, le linoléum. Tout ça, ce ne sont pas des petites choses. Bien sûr, on n’avait pas assez. De plus, les travaux n’ont pas eu d’effet parce que les fissures sont revenues durant l’hiver ».
« En 2017, il y a eu entre 15 et 20 centimètres d’eau dans la maison. Nous n’avons pas demandé immédiatement de relogement puisqu’une commission est venue et a estimé le préjudice causé par l’inondation. Ensuite, on nous a donné une aide financière à hauteur d’un million de tengués (2 198 euros) pour les réparations. Elle nous a suffi pour tout remettre à neuf. Nous avons plâtré les murs, changé le linoléum, etc. Nous avons de la chance de ne pas avoir de bétail », partagent Youri et Tatiana Bourmistrov.Les époux ont une petite entreprise sur le territoire de la maison. Youri Bourmistrov utilise les garages pour réparer des voitures.
Les Bourmistrov ont essayé de partager la parcelle et d’acheter le terrain où se trouvent les garages à des fins commerciales. « On m’a annoncé que tout serait détruit, garages inclus, c’est-à-dire notre entreprise. Ils ne donnent que la superficie des appartements. Pour les autres bâtiments sur le terrain, il n’y aura aucune compensation. L’administration ne veut pas segmenter le terrain, tout va être démoli. C’est la raison pour laquelle nous avons refusé les appartements affectés au bénéfice de notre entreprise », indique Tatiana Bourmistrov. « Maintenant, nous resterons ici jusqu’au bout, tant qu’il n’y aura pas de changements sérieux », conclut-elle.
La première inondation, en 2005
Un peu plus loin que la maison des Bourmistrov vit une famille dont la maison est inondée pratiquement tous les ans. Ce sont les Dounichev. Leurs voisins ont depuis longtemps abandonné leur maison abîmée. Seuls les Dounichev demeurent près du barrage.Lire aussi sur Novastan : L’hiver en Ouzbékistan : un week-end enneigé à Soukok« Nous avons été inondés pour la première fois en 2005. En 2007, notre maison s’est effondrée à cause de l’eau. Nous avons construit une nouvelle maison sur l’ancien emplacement. À cette époque, on ne donnait pas d’appartements aux victimes. Ils mettaient seulement à disposition des terres au bout de la ville, dans le quartier de l’ancien aéroport. Sur le nouvel emplacement, il n’y avait pas d’électricité et l’administration de la ville voulait mettre l’eau courante seulement deux ans après. Nous avons refusé les terres mises à disposition », raconte Olga Dounichev.
Des inondations en 2014 puis en 2017
En 2014 puis en 2017, la maison a été inondée, comme toutes celles qui les entouraient. « Après tout cela, une commission est encore venue. Les réparations pouvaient avoir lieu avec une aide financière donnée à hauteur d’un million de tengués (2 197 euros). Ils n’ont pas proposé immédiatement de nous reloger. Nous ne savions pas que toutes les maisons de notre rue seraient détruites. Sinon, nous n’aurions pas fait les travaux. Nous aurions choisi le relogement. Maintenant, il en résulte qu’ils ont tout démoli et qu’il ne reste que notre maison. Nous avons fait la demande de relogement il y a déjà deux ans », dit Olga Dounichev.
Elle vit dans la maison avec sa mère et son époux. Ses enfants, adultes, sont partis depuis longtemps. Selon les Dounichev, cela fait trois années consécutives que la route qui mène vers leur maison est couverte de neige. Cependant, les autorités publiques ne déblayent pas la route. Ils doivent eux-mêmes se frayer un passage pour pouvoir quitter la maison en voiture.
Des zones sujettes aux inondations
Dans la « zone rouge », il n’y a pas seulement des maisons individuelles, mais aussi quelques sociétés et dispositifs sociaux. Comme par exemple le pensionnat pour les enfants présentant un retard du développement psychologique et des déficiences intellectuelles. Ainsi que deux écoles d’enseignement général.
L’une des écoles secondaires s’est retrouvée dans la zone d’inondation à deux reprises ces dernières années. En 2014, après l’inondation, 132,9 millions de tengués (293 587 euros) ont été alloués par le gouvernement pour les réparations. En 2017, il a fallu à l’école de nouveaux travaux. Cette fois, 117,1millions de tengués (258 683 euros) ont été accordés. Les travaux concernaient la remise en état du rez-de-chaussée et du sous-sol, ainsi que l’aménagement du terrain adjacent.
D’après Natalia Naïmouchina, chef du service de l’éducation de la région, « chaque printemps, pour empêcher le passage de l’eau, des barrages temporaires à l’aide de sacs sont érigés sur le périmètre de l’école. La ville fournit le sable et procure des sacs. Un dossier pour la conception de clôtures spécifiques sera également préparé par le service de l’éducation régionale. Le but est leur mise en place contre la fonte des glaces ». Il n’est cependant pas prévu de faire déménager l’école dans un autre lieu.
Les données de la région
Selon l’administration de la région, 209 personnes de la zone sinistrée ont été relogées en 2014 et 459 personnes en 2017. Néanmoins, il reste 501 foyers en attente de logement dont 167 dans la zone sinistrée.
En 2018 – 2019, d’après les enquêtes qui ont été menées, 89 % des habitants de la « zone rouge » sont prêts à déménager. L’administration de la région a préparé le budget pour la construction de cinq immeubles résidentiels de 100 appartements. Un investissement d’une somme totale de 6 milliards de tengués (13 270 471 euros). Actuellement, il n’y a aucune information sur les délais.Dans le service des situations urgentes comme dans l’administration, on parle de la remise en état du barrage. Pour prévenir la menace d’inondation, des initiatives ont vu le jour. Il est prévu d’approfondir et d’élargir la rivière Jabaï pour sécuriser la zone. Le gouvernement analyse actuellement ce projet.Il ne reste plus aux habitants qu’à espérer des hivers moins neigeux et une rivière plus clémente.
Daniar Sadvakasov Journaliste pour Vlast
Traduit du russe par Pauline Clémence Baranov
Edité par Johanna Regnaud
Relu par Emma Jerome
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