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Dos-Moukasan : l’histoire des « Beatles kazakhs » sur grand écran

Le film Dos-Moukasan d'Aïdyn Sahaman, présenté lors du 33ème Festival du film de Cottbus en Allemagne, retrace l'histoire du groupe de rock kazakh éponyme, surnommé les "Beatles kazakhs". À travers cette épopée musicale, le réalisateur offre un regard sur la société kazakhe.

Rédigé par :

Robin Roth 

Edité par : mtoustou

Dos Moukasan Film
Dos-Moukasan raconte l'histoire d'un des groupes les plus populaires du Kazakhstan. Photo : Festival du film de Cottbus.

Le film Dos-Moukasan d’Aïdyn Sahaman, présenté lors du 33ème Festival du film de Cottbus en Allemagne, retrace l’histoire du groupe de rock kazakh éponyme, surnommé les « Beatles kazakhs ». À travers cette épopée musicale, le réalisateur offre un regard sur la société kazakhe.

Le 12 novembre dernier a eu lieu la clôture du 33ème Festival du film de Cottbus en Allemagne. Avec Close up : Kazakhstan, l’édition 2023 consacrait une section à part entière à ce pays d’Asie centrale, proposant ainsi un survol du cinéma kazakh sur 40 ans. Outre de véritables classiques, le festival a projeté un des grands films à succès de ces dernières années : Dos-Moukasan.

Ce film du metteur en scène Aïdyn Sahaman raconte l’histoire du groupe éponyme qui a fait éclore le rock et la pop dans le Kazakhstan des années 1960, ce qui lui a valu le surnom de « Beatles kazakhs ». De nos jours, les chansons de Dos-Moukasan jouissent encore d’une grande popularité dans ce pays.

Selon Aïdyn Sahaman, l’idée d’un tel biopic lui est venue en 2018, après son visionnage du film Bohemian Rhapsody dédié au groupe anglais Queen. « Pourquoi ne pas faire pareil avec nos propres légendes ? », se demande-t-il, cité par le portail d’information kazakh Kursiv.

Les Beatles kazakhs

Le film commence en 2010 avec le tragique accident de circulation qui a coûté la vie à Baqytjan Joumadilov, un des meneurs de Dos-Moukasan. Son passager, Dossym Souleïev, cofondateur du groupe, s’en est sorti avec de graves blessures. Dans cet instant entre la vie et la mort, ce dernier se remémore les débuts du groupe.

Baïanaoul, 1967. Rassemblés à l’occasion d’un chantier international, des étudiants de l’Institut polytechnique kazakh (aujourd’hui l’Université Satbaïev à Almaty) jouent de la musique autour de feux de camp. C’est là qu’apparaît le nom Dos-Moukasan, composé des premières syllabes des prénoms de ses membres : Dossym Souleïev, Mourat Qousaïynov, Qamit Sanbaïev et Alexandre « Sania » Litvinov. Le secrétaire du Komsomol, qui se révélera par la suite être le pire adversaire du groupe, se trouve également à Baïanaoul.

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De retour dans leur institut à Almaty, Dos-Moukasan jouit d’une popularité croissante parmi les étudiants : la musique rock est alors très en vogue auprès de la jeunesse soviétique, au grand dam des officiels qui, eux, l’apprécient beaucoup moins. Mais lorsqu’il s’avère que les garçons ont du talent et qu’ils peuvent gagner des concours, ils bénéficient du soutien tacite de leurs enseignants, malgré des notes insuffisantes.

Un groupe en constante évolution

Des changements interviennent très vite dans la composition du groupe : des membres marquants comme Baqytjan Joumadilov, Charip Omarov et sa future femme Qourmanaï Omarova rejoignent la bande, tandis que Sania Litvinov doit s’en aller sous la pression de sa doyenne. Au fil du temps, plus de 30 musiciens se succéderont ainsi dans le groupe au gré des changements.

Le film retrace le parcours des membres du groupe à travers les différentes étapes de leur vie : la fin des études, la fondation d’une famille et une popularité toujours plus grande, notamment dans la République socialiste soviétique (RSS) kazakhe. Les tentatives de réduire l’importance du groupe, considéré comme nationaliste puisqu’il chante en kazakh, n’ont généralement qu’un succès éphémère. Finalement, la RSS kazakhe envoie Dos-Moukasan à un concours de musiciens professionnels à Minsk, sans que cela ne soit tout à fait conforme aux règles. Le groupe a désormais atteint son sommet.

La dissolution du groupe marque un tournant dans le récit, en mettant en lumière les questionnements existentiels qui animent ses membres. Le point culminant du film survient lors d’une scène évocatrice dans la steppe, où Dossym Souleïev, devenu professeur et recteur de l’université Satbaïev, annonce sa décision de quitter le groupe afin de poursuivre une carrière scientifique et d’entamer un doctorat à Moscou. À cet instant s’achève la rétrospection sur l’histoire du groupe.

Une bromance kazakhe

Malgré les divergences d’opinion, Dos-Moukasan est avant tout l’histoire de l’amitié et de la cohésion entre les membres du groupe, avec un accent particulier sur Dossym Souleïev et Mourat Qousaïynov. « On dirait bien qu’on a affaire à une bromance », ont déclaré les réalisateurs à Kursiv.

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Cet esprit d’équipe s’avère d’autant plus nécessaire que le groupe est constamment victime d’intrigues de la part des officiels soviétiques au cours du film. La représentation à l’écran de cet antagonisme entre le groupe kazakh et le pouvoir soviétique reflète également les débats du Kazakhstan d’aujourd’hui, où il est toujours question de décolonisation et de recherche d’une identité nationale. Le portail d’information kazakh Tengrinews souligne ainsi que le film est bilingue : le recteur de l’école polytechnique, le chef du parti et les fonctionnaires s’expriment en russe, et les membres du groupe en kazakh.

Un film à voir malgré quelques éléments surfaits

Alors que Dos-Moukasan reproduit fidèlement les événements historiques, le film n’est pas totalement dépourvu d’éléments fictifs. Et c’est malheureusement là que résident ses faiblesses. La figure de l’éternel contradicteur incarnée par le secrétaire du Komsomol, qui ne se remet pas de ce que la belle Sabira qu’il courtise se décide pour Mourat Qousaïynov, et qui par la suite ne cessera de mettre des bâtons dans les roues aux musiciens, paraît particulièrement surfaite.

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Il en va de même pour la fin du film : dans une scène inventée de toutes pièces, censée se dérouler en 2022 (le tournage a eu lieu, d’après Tengrinews, en 2020 et en 2021), le groupe donne un concert à Almaty. Soudain, les lumières s’éteignent et, après une courte pause, des lampes de portables s’allument dans le public qui reprend la chanson à peine interrompue. Réussi dans l’ensemble, le biopic se conclut par une scène donnant inutilement dans l’émotion.

Dos-Moukasan n’en reste pas moins un film à voir absolument, qui réussit à entremêler l’histoire du groupe avec des intrigues, des histoires d’amour et une bromance. Les tubes de Dos-Moukasan offrent ici une bande-son tout à fait adéquate. En fin de compte, le film ne raconte pas seulement une partie passionnante de l’histoire musicale du Kazakhstan, il donne aussi un aperçu important de ce qui anime la société kazakhe d’aujourd’hui.

Robin Roth
Rédacteur pour Novastan Deutsch

Traduit de l’allemand par Adrien Mariéthoz

Édité par Macha Toustou

Relu par Elise Medina

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