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Sauver la panthère des neiges : comment les scientifiques luttent pour la survie d’une espèce

Les léopards des neiges, également appelés panthères des neiges, vivent exclusivement en Asie, sur le territoire de 12 pays. À l’aide de technologies modernes, des scientifiques surveillent le comportement de ces animaux pour améliorer la compréhension de cette espèce rare dans le but d’assurer leur survie.

panthère des neiges collage
La panthère des neiges est menacée. Collage : Perizat Suleiman.

Les léopards des neiges, également appelés panthères des neiges, vivent exclusivement en Asie, sur le territoire de 12 pays. À l’aide de technologies modernes, des scientifiques surveillent le comportement de ces animaux pour améliorer la compréhension de cette espèce rare dans le but d’assurer leur survie.

La réponse à toute question ayant trait à la protection et à la préservation des léopards des neiges commence toujours de la même façon : “Ce n’est pas si simple”. Est-ce une espèce vulnérable ou une espèce menacée ? Quelle est la principale menace à leur survie et à leur reproduction ? Quel est le moyen le plus efficace pour les protéger ? La réponse est invariablement : “Ce n’est pas si simple”.

Cette formulation vague doit sa redondance à deux particularités du mode de vie de l’espèce qui compliquent son observation. Les léopards vivent dans des zones de haute montagne, difficile à atteindre pour l’homme, et sillonnent un territoire impressionnant à la recherche de proies. Ce sont des animaux strictement territoriaux. Les mâles font régulièrement le tour d’un terrain de chasse pouvant s’étendre sur plus de 1000 kilomètres carrés. Les cas d’intrusion d’un léopard sur le territoire d’un autre représentant de la même espèce sont très rares.

Bien que ces animaux aient besoin d’un grand territoire, une étude publiée en 2016 par l’Institut suédois des sciences agricoles a confirmé que près de 40 % des zones protégées dans l’aire de répartition du léopard des neiges sont trop petites pour abriter ne serait-ce qu’un couple reproducteur de ces félins menacés. Les spécialistes ont acquis la conviction que, pour que l’espèce survive à l’état sauvage, il faut qu’au moins 50 femelles en état de se reproduire aient un espace suffisant pour aller et venir à leur gré.

Méthodes de surveillance

La disponibilité de telles données et leur précision ont été rendues possibles par le développement des technologies d’observation animale de ces dernières années. Les pièges photographiques produisent des photos et des vidéos fascinantes permettant de documenter chaque individu capturé par l’appareil.

Auparavant, en plus des dispositifs photo et vidéo, les scientifiques collectaient les selles des animaux pour étudier leur ADN. Mais ces deux méthodes avaient des limites majeures : il était impossible de cartographier le territoire de chasse de l’animal, d’établir leur régime alimentaire et de déterminer combien de temps ils nourrissent et élèvent leur progéniture.

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C’est là qu’une évolution révolutionnaire entre en jeu : des colliers traqueurs dotés d’un GPS. Plusieurs ONG et fondations ont commencé à utiliser cette technologie par étapes. L’une d’elles, Snow Leopard Trust, avec l’aide d’organisations et de spécialistes, a réussi à poser un collier à plusieurs individus au Pakistan, au Kirghizstan et en Mongolie. Ces colliers traquent certains des animaux depuis 2006.

“À l’aide des données récoltées par les colliers, nous avons appris dans quels territoires les animaux se meuvent”, déclare Kouban Joumabaï Ouulou, directeur du Snow Leopard Trust au Kirghizstan. “Nous n’aurions jamais pu obtenir ces informations avec des appareils photo. Nous pouvons aussi savoir combien de temps les léopards des neiges restent dans une zone et la fréquence de changement de tanière”.

Comment fonctionnent les colliers GPS ?

“Pour nous, fixer un collier sur un animal, c’est une combinaison d’expertise et d’art”, note Koustoubh Charma, directeur scientifique et chargé de la conservation à Snow Leopard Trust.

Le docteur Örjan Johansson, scientifique à Snow Leopard Trust, est le leader incontesté parmi les chercheurs impliqués dans le développement et l’utilisation de cette technologie. Il est à l’origine de cet ambitieux projet de recherche consacré à l’étude des conditions de vie des panthères des neiges et à la survie de leur espèce. Depuis 2006, il a réussi à poser un collier sur plus de 30 léopards en Mongolie. Depuis lors, c’est la partie méridionale du désert de Gobi, en Mongolie, qui sert de principal terrain d’étude pour les panthères des neiges équipées d’un collier GPS.

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Afin de poser un collier sur une panthère, les experts étudient les déplacements d’un animal donné et placent un piège sur sa route. Une fois le piège activé, une équipe de scientifiques se rend sur place et tranquillise l’animal avec un sédatif ne présentant pas de danger. Pendant que le léopard est inconscient, les scientifiques examinent la panthère et vérifient qu’elle ne porte aucune blessure. Ils lui posent ensuite un collier puis prélèvent des échantillons d’ADN, en l’occurrence du sang et des poils, pour de plus amples investigations. Si un animal piégé présente des blessures, il est relâché sans collier.

Un collier au design avancé

Snow Leopard Trust est particulièrement fière des dernières avancées dans le design du collier. La version actuelle de l’appareil possède un système de détachement automatique. 18 à 20 mois après la pose du collier, il se détache de lui-même du cou de l’animal sans intervention humaine.

Panthère des neiges bébé
Il est plus aisé de se documenter sur les léopards des neiges avec les nouvelles technologies. Photo : Snow Leopard Trust.

Tant que le collier est actif, les scientifiques reçoivent de nouvelles données sur la position de l’animal toutes les cinq heures. Ces informations leur permettent non seulement de cartographier les déplacements de l’animal mais aussi de mieux étudier ses comportements et ses habitudes. Par exemple, si les scientifiques remarquent qu’un animal reste beaucoup de temps à un endroit donné, il est probable qu’il ait trouvé une nouvelle proie qui demande son attention. Dès que la panthère quitte un lieu, les scientifiques examinent les restes du repas et déterminent à partir des os quel animal a succombé au prédateur.

Les chercheurs ont dû s’assurer qu’une approche aussi invasive n’ait pas d’impact durable sur les individus testés. À cet effet, avant de lancer le programme de suivi GPS dans la nature, les experts ont posé les colliers sur des panthères des neiges vivant au Woodland Park Zoo de Seattle. L’observation méticuleuse des comportements des animaux, avant, pendant et après l’expérience ont montré que les colliers n’affectaient pas les léopards. Les mêmes résultats ont été observés après avoir enlevé les colliers d’animaux en liberté.

Captivité ou liberté ?

Pour le moment, environ 3 000 panthères des neiges sont gardées en captivité dans le monde. Elles représentent le dernier espoir des scientifiques dans le scénario le plus tragique.

“Il est important de se rendre compte que, malgré les annonces fracassantes selon lesquelles les panthères des neiges ne seraient plus une espèce menacée, ces affirmations ne peuvent être établies avec 100 % de certitude. Nous n’avons encore aucun moyen de décompter le nombre exact de ces animaux à l’état sauvage. Les écarts entre nos différentes estimations est significatif. Nous devrions aussi garder à l’esprit que le nombre de panthères des neiges continue à décliner”, explique Koustoubh Charma.

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La situation des animaux maintenus en captivité n’est pas claire. Les conditions ne sont pas idéales et dans l’histoire de l’espèce, il n’y a pas eu un seul cas de léopard né en captivité réintroduit avec succès à l’état sauvage. Mais si le nombre d’individus en liberté continue de chuter, tous les espoirs vont se reporter sur les animaux nés en captivité. Ils sont la clé de la préservation de l’espèce et une garantie de sa survie.

Les principales menaces

A cet égard, la situation n’est pas en voie de se simplifier. Les panthères des neiges ont de nombreux ennemis : le réchauffement climatique, les braconniers, la diminution du nombre de proies, mais aussi les populations locales qui tuent ou blessent sérieusement ces félins pour défendre leur terre et leurs troupeaux. Des cas où les panthères des neiges ont subi des dommages à cause des pesticides utilisés dans l’habitat du prédateur lors de campagnes contre les loups et les rongeurs ont également été recensés.

Le Programme global pour la conservation des panthères des neiges et leur écosystème au Kazakhstan considère que l’animal est exposé à toutes les menaces évoquées précédemment. La menace la plus sérieuse provient des braconniers et des bergers.

Panthère des neiges
Les panthères des neiges sont des créatures solitaires. Photo : Snow Leopard Trust.

Malgré les nombreux accords environnementaux et les lois tant nationales qu’internationales, les panthères restent menacées d’extinction parce que ces documents légaux restent insuffisamment appliqués. Les activités humaines empiétant sur l’habitat de la panthère des neiges, conjuguées au changement climatique, réduisent de plus en plus un espace déjà insuffisant pour un renouveau prolifique de l’espèce.

Contribuer à la conservation de l’espèce en se renseignant

Néanmoins, les fondations et les ONG ne désespèrent pas. Les organisations de protection développent des programmes adaptés à chaque pays en fonction des menaces les plus prégnantes. Dans certaines régions d’Inde et du Pakistan, par exemple, où les bergers tuent souvent les léopards pour protéger leurs troupeaux, le Snow Leopard Trust offre une compensation financière pour le bétail tué.

Au Kirghizstan, l’équipe de Kouban Joumabaï Ouulou récompense les rangers pour chaque braconnier attrapé et organise des campagnes d’information sur les panthères des neiges à destination des enfants et des familles vivant à proximité de l’habitat de l’animal.

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Tous les pays participant au Programme global de conservation de la panthère des neiges et leur écosystème, et plus de 20 organisations de défense des droits des animaux ont soutenu une initiative nommée PAWS pour l’estimation de la population des panthères des neiges dans le monde. Le projet a été présenté pendant le Forum international sur la protection des panthères des neiges et de leurs écosystèmes à Bichkek en 2017. Leur but principal est d’aboutir à l’estimation la plus précise possible du nombre de panthères des neiges à l’état sauvage.

Entretemps, toute personne intéressée peut contribuer à la conservation de l’espèce d’une manière simple : en se familiarisant avec les réalités de la vie des léopards des neiges. Le manque de connaissance parmi les populations locales et les représentants de l’autorité est également un facteur majeur pesant négativement sur les conditions de vie des panthères des neiges.

Safiya Sadyr et Anna Wilhelmi
Rédactrices pour Novastan

Traduit de l’anglais par Arnaud Behr

Édité par Ella Boulage

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Commentaire (1)

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Vincent Gélinas, 2024-04-25

Léopard ou panthère? Est-ce que les deux mots peuvent être utilisés de façon indifférenciée?

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