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Les héros verts du Kirghizstan

LES HÉROS VERTS - À Bichkek, le changement climatique et l'abattage des arbres en ville influent en mal sur la qualité de l'air. Des militants cherchent à convaincre qu'il est nécessaire de reboiser la ville, mais ils ne sont pas toujours écoutés. Comment faire revivre l’autorité du discours écologiste en Asie centrale ?

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Les services municipaux de Bichkek gèrent mal l'élagage des arbres en ville (illustration).

LES HÉROS VERTS – À Bichkek, le changement climatique et l’abattage des arbres en ville influent en mal sur la qualité de l’air. Des militants cherchent à convaincre qu’il est nécessaire de reboiser la ville, mais ils ne sont pas toujours écoutés. Comment faire revivre l’autorité du discours écologiste en Asie centrale ?

Novastan reprend et traduit ici un article publié en novembre 2020 par la militante kirghize Oksana Poliakova.

Cet article fait partie de la série « Les héros verts », un projet journalistique soutenu par le média allemand n-ost, le centre kazakh MediaNet International Centre for Journalism et le ministère allemand de la Coopération économique.

Aujourd’hui, la majeure partie des villes de la Communauté des États indépendants (CEI) abat les arbres, laissant dans le paysage urbain des souches dressées comme des poteaux. Cette pratique est appelée le marquage.

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C’est l’un des grands problèmes de toutes les villes de la CEI. L’Asie centrale a le même triste héritage. En effet, ses villes se sont reverdies dans les années 1950, plus particulièrement Tachkent et Almaty, et plus tard Nur-Sultan.

Le verdissement des villes s’est déroulé partout en se concentrant sur les allées, les parcs et les places. La démarche était d’aménager un paysage dynamique en plantant des arbres.

Des militants actifs

Qui a permis de faire entrer la question de la défense des arbres dans les hautes sphères politiques ? Des citoyens actifs ! Ce sont eux qui se réunissent autour de ce thème. Ils ont ainsi distingué deux types de militantisme.

Il y a d’abord l’éco-activisme « d’arrière-plan ». Il inclut les syndicats de copropriété et les comités de logements, comme les garants du verdissement des villes-dortoirs. Ensuite, il y a les professionnels issus d’organisations non gouvernementales et l’éco-mouvement civil.

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Ces héros verts étudient, cartographient et comptent les arbres. Ils fournissent des données pour justifier la loi sur les espaces verts.

Le prix des arbres

À Bichkek, le problème de l’abattage des arbres au profit de l’extension des routes se pose depuis plusieurs années. Les conséquences pour les citoyens sont devenues particulièrement évidentes après la vague de chaleur anormale de 2020. En effet, en juillet dernier, les thermomètres de Bichkek montaient à plus de 40 °C.

Dans le même temps, les écologistes affirment que l’amende pour l’abattage d’un arbre ayant poussé, fourni de l’ombre, humidifié et purifié l’air pendant 30 ans est très faible. En effet, elle n’est que de quelques milliers de soms, alors que de simples calculs suggèrent que le coût d’un arbre à Bichkek pourrait dépasser 1 million de soms (environs 9 720 euros).

Les zones boisées utiles en période de canicule

Dmitri Pereïaslavsky, coordinateur des programmes éducatifs de l’Archa Initiative explique ce que dit la carte thermique de Bichkek.

« Regardez, un point a changé sur la carte. C’était soit un plan d’eau, soit un espace vert. Ces cartes ont été réalisées à des époques différentes, et nous pouvons voir qu’autrefois les températures étaient plus basses ici », montre Dmitri Pereïaslavsky.

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« À la place de la zone verte, nous avons maintenant un terrain vague, et la température a beaucoup augmenté. Si vous regardez le jardin botanique ou le bosquet de Karagach, vous verrez sur la carte que ce sont des zones très vertes. Et les températures y sont beaucoup plus basses », continue-t-il.

La différence de température dans les différentes parties de la ville est expliquée par les arbres et les espaces verts. C’est la conclusion que présentent les activistes de Bichkek après leurs recherches.

Diana, « éco-maman » de Bichkek

Diana est véritablement l’ « éco-maman » du quartier historique de Bichkek. Elle milite pour le droit des enfants et pour sauver les « éléphanteaux », ces jeux pour enfants en forme de petits éléphants, situés dans un parc.

La bataille juridique s’est transformée en une confrontation civile entre six tribunaux et un promoteur en Suisse. Diana explique comment et pourquoi elle agit (en russe) :

« Le tribunal ne nous a reconnus, nous, les habitants des immeubles, en tant que partie intéressée qu’au cours de la troisième année de ce litige entre la mairie et le promoteur », raconte Diana.

Des élagages mal faits

Aujourd’hui, presque toutes les villes de la CEI coupent toute la partie supérieure des arbres et ne laissent que la souche. Elles considèrent le procédé comme étant de l’élagage.

En réalité, les services de la ville sont loin de l’art topiaire, qui donne des formes originales aux arbres ou aux arbustes en coupant leurs branches. Les plantes sont ainsi dotées de diverses formes géométriques, de silhouettes d’animaux, d’oiseaux, ou même de personnes.

L’élagage « sans règles » est également pratiqué dans les zones résidentielles de Bichkek. Les associations de propriétaires ne veulent pas d’un tel « art » dans leur jardin…

Des formations proposées en alternative aux services municipaux

À Bichkek, il est possible de s’adresser à des experts en aménagement paysager et de suivre des cours sur l’élagage et l’entretien des arbres. La fondation Archa Initiative insiste sur le fait qu’il est préférable de venir à la formation en équipe de trois personnes. En effet, un représentant de la copropriété, un jardinier et un résident activiste sont habituellement invités à participer aux cessions.

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Les participants n’auront alors plus besoin d’appeler les services municipaux, qui laissent les arbres sans couronne. Le microclimat des villes-dortoirs souffre de cet élagage, l’air n’est pas suffisamment humidifié et assaini, et les conditions de vie se dégradent. Cela entraine une augmentation des inégalités écologiques.

Droits humains et écologie : un même combat

Les activités de la militante Svetlana Antropova commencent dans son propre jardin. En tant que militante des droits de l’homme pour la fondation Nache Pravo (notre droit, ndt), elle lutte contre l’exploitation forestière illégale, mais aussi contre le développement des constructions et les lois régressives. Elle détaille son combat dans cette vidéo (en russe) :

Bichkek, où vivent plus d’un million de personnes, est aujourd’hui le lieu d’une catastrophe environnementale. Selon les données disponibles, le niveau de pollution de l’air dans certains endroits de la capitale dépasse 14 fois les normes maximales autorisées.

Dans une pétition, les militants kirghiz font remarquer que les arbres sont les seuls protecteurs naturels des habitants contre les émissions nocives.

Les gardiens verts des quartiers de Bichkek

Olga Mikhaïlovna Kirianova est responsable du syndicat des copropriétés dans le quartier de Toungoutch-1 à l’est de Bichkek. Elle veut impliquer les autorités locales et les habitants dans l’aménagement paysager.

Des associations de propriétaires préservent des arbres vieux de plusieurs dizaines d’années et refusent de céder du territoire aux aires de stationnement.

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Ils se sont donné trois principales missions. Ils défendent le territoire proche des habitations et empêchent ces zones d’être transformées en parkings. De plus, ils font participer les enfants aux activités régulières d’entretien des jardins.

Le projet « Développement du journalisme : les problèmes du changement climatique » vise à montrer et résoudre les problèmes causés par le changement climatique, tout en développant et renforçant le secteur des médias indépendants en Asie centrale. Retrouvez tous les articles de cette série ici.

Oksana Poliakova
Militante écologiste

Traduit du russe par Salomé De Baets

Édité par Paulinon Vanackère

Relu par Anne Marvau

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