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Le projet de chemin de fer traversant la Chine, le Kirghizstan et l’Ouzbékistan aboutit

Après des décennies de revirements, les diplomaties chinoise, ouzbèke et kirghize sont de plus en plus enclines à développer un chemin de fer permettant de relier leurs pays. Derrière le projet se trouve l’objectif de renforcer un développement économique, en s’adaptant aux contraintes géopolitiques actuelles.

Train chinois
Le projet de chemin de fer entre la Chine, le Kirghizstan et l’Ouzbékistan se développe (illustration). Photo: Wikimédia.

Après des décennies de revirements, les diplomaties chinoise, ouzbèke et kirghize sont de plus en plus enclines à développer un chemin de fer permettant de relier leurs pays. Derrière le projet se trouve l’objectif de renforcer un développement économique, en s’adaptant aux contraintes géopolitiques actuelles.

La Chine a été active dans le lancement du projet China-Kyrgyzstan-Uzbekistan (CKU) depuis le début de l’année 2023. Le représentant du Parti communiste au Xinjiang, Ma Xingrui, a fait une tournée en Asie centrale à la fin du mois de mars, en passant par l’Ouzbékistan, rapporte le média ouzbek Kun.uz, et par le Kirghizstan, rapporte le média kirghiz Kaktus. Le chemin de fer entre les trois pays est évoqué comme un point majeur dans ces visites. Suite à cela, le nouveau ministre des Affaires étrangères chinois, Qin Gang, a effectué sa première visite en Ouzbékistan, avec à l’ordre du jour le développement des infrastructures, explique le média chinois South China Morning Post.

Le projet a été évoqué dès les années 1990 et acté pour la première fois en 1997, mais les acteurs n’avaient jusque là pas réussi à se mettre d’accord pour sa réalisation. Il faut attendre le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), à Samarcande, en septembre 2022, pour que les trois gouvernements signent un nouvel accord.

Une idée qui met du temps à germer

Les trois Etats ont observé des trajectoires différentes pendant des années. A présent, les conditions se mettent en place pour voir le développement du chemin de fer. L’Ouzbékistan et le Kirghizstan prennent conscience des bénéfices qu’ils peuvent tirer d’un accroissement de la connectivité pour accompagner leur propre politique nationale. L’Ouzbékistan, qui s’est développé en ouvrant son économie depuis 2016, va pouvoir renforcer son commerce régional. Le Kirghizstan, qui a longtemps mis un frein au projet car ses objectifs se concentrent plutôt sur un développement Nord-Sud, y voit un intérêt pour devenir un pays de transit.

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L’objectif du chemin de fer est de pouvoir, à terme, atteindre l’Europe plus rapidement, dans un contexte où la route principale, qui traverse la Russie, est remplie d’incertitudes. Un Etat comme l’Ouzbékistan y voit son intérêt, rapporte le média américain Eurasianet. En effet, depuis le début de la guerre en Ukraine, les Etats centrasiatiques craignent d’être atteints par les sanctions visant la Russie. Même si les échanges ferroviaires ne sont pas censés être affectés, l’incertitude a conduit des Européens à annuler leurs achats pour se replier sur le fret maritime. C’est pour cela que l’idée d’une alternative est intéressante pour Tachkent et Bichkek.

La Chine, même si elle cherche à ne pas brusquer la Russie, y voit également son intérêt, notamment pour développer l’intérieur de son territoire et surtout la région située à l’Ouest, à savoir le Xinjiang. Il s’agit de faire de Kachgar un nouveau point central du commerce, comme c’était le cas à l’âge d’or des anciennes routes de la Soie, en essayant de reproduire le succès de villes côtières comme Shenzhen. Un nouveau chemin de fer eurasiatique plus rapide est donc à son avantage, même si Pékin va devoir le faire prudemment pour ne pas que ses relations avec Moscou, qui va y perdre des revenus, en pâtissent.

Un réchauffement régional favorable à ces projets

Après des années de relations froides, l’Ouzbékistan et le Kirghizstan sont parvenus à résoudre leurs conflits frontaliers en janvier dernier. De plus, les relations commerciales sont au beau fixe. « Depuis le début de l’année, le chiffre d’affaires commercial entre le Kirghizstan et l’Ouzbékistan a atteint pour la première fois 1 milliard de dollars (911 millions d’euros) », a déclaré Chavkat Mirzioïev lors d’une conversation téléphonique avec Sadyr Japarov en décembre 2022. Même si la balance commerciale est nettement en faveur de l’Ouzbékistan, d’après les chiffres fournis par l’Observatory of Economic Complexity, les pays centrasiatiques ont besoin de ce chemin de fer pour approfondir ce développement.

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Du point de vue de la Chine, le constat est le même, détaille Kaktus. Le Kirghizstan est le premier lieu d’exportation du Xinjiang. Le développement de projets communs permet de mettre fin à une période marquée par une défiance entre les Etats centrasiatiques, en envisageant des politiques nationales et régionales. Le retour au calme permet d’augmenter les investissements et le commerce, ce qui est très bien compris par la Chine.

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Malgré tout, des questions demeurent irrésolues. Les experts estiment le coût du projet à 5 milliards de dollars (4,56 milliards d’euros), d’après le média kirghiz Kloop. La question du financement semble être sur le bon chemin. Après que la Chine ait annoncé qu’elle ne financerait pas tout, les Etats se sont réparti des parts de financement, rapporte Radio Azattyk, la branche kirghize du média américain Radio Free Europe. Reste à savoir si les coûts de construction ne vont pas changer. Le début du chantier était annoncé pour 2023. Toutefois, l’étude de faisabilité doit finalement être rendue le 1er juin 2023. Malgré la communication de chacun des acteurs dans leur presse nationale respective, l’avancée prend du temps.

Par conséquent, même si le projet est remis à l’ordre du jour depuis septembre 2022 et est évoqué à chaque rencontre entre les trois Etats, les modalités de construction ne sont pas encore fixées. Ce qui fait dire au politologue Rafael Sattarov : « On espère qu’au moins le projet de chemin de fer Chine-Kirghizstan-Ouzbékistan ne restera pas une expression déclarative dans les documents officiels et les rapports d’experts ». De plus, c’est une construction de grande envergure qui prendra plusieurs années, de quoi laisser du répit aux routes utilisées actuellement.

Lucas Morvan 
Rédacteur pour Novastan

Relu par Mathilde Garnier 

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