En Ouzbékistan, les envolées en montgolfière font de plus en plus partie intégrante de l’image touristique du pays, attirant des milliers de touristes rêvant de s’envoler pour redécouvrir les paysages.
Au-delà d’un simple divertissement, prendre place dans une nacelle, à bord d’un ballon aussi haut qu’un immeuble de cinq étages, c’est observer depuis le ciel le pays sous un angle nouveau.
Tahir Saliev, président de la Fédération d’aéronautique, a expliqué au média ouzbek Podrobno comment la montgolfière, du haut de ses 20 mètres, inspire, développe le tourisme, et change même des vies.
Podrobno : Tahir, d’où vous vient cette passion pour les vols en montgolfière ? Et pourquoi avoir choisi de vous lancer dans cette aventure aérienne ?
Tahir Saliev : À l’origine, je suis animateur de profession, et après avoir travaillé 20 ans dans un hôpital auprès d’enfants, j’ai petit à petit commencé à faire un burn-out. J’ai alors rapidement compris qu’il me fallait absolument quelque chose de nouveau, d’inspirant… Au cours d’une conversation avec mes amis, le sujet des ballons est apparu tout à fait par hasard….
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C’est une association pour les amoureux du ciel, qui réunit non seulement les vols en montgolfière, mais aussi le deltaplane. Aujourd’hui plus de 25 000 personnes ont déjà pris leur envol à bord de nos ballons.
Vous avez dit que les vols en montgolfières promus par la Fédération était devenus un symbole du Nouvel Ouzbékistan. Pourquoi ?
Ces dernières années, les couleurs vives de nos ballons se sont complètement fondues avec les multiples facettes du paysage que l’on retrouve dans notre pays. On les retrouve sur les photos, dans les publicités et sur les brochures touristiques. Un ciel bleu, du soleil et des ballons qui s’envolent, voici la nouvelle carte de visite de l’Ouzbékistan.
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Je dirais même que les vols en ballons deviennent un moment spécial dans la vie des gens. Déjà plus de 300 couples se sont déclaré leur amour à bord de nos ballons. Imaginez, une aube douce, un ciel qui semble infini, et deux personnes qui décident d’unir leur destin. C’est inoubliable !
Peut-on dire qu’il s’agit d’un phénomène de mode ?
Absolument ! Faire une demande en mariage dans les airs – ce n’est pas seulement romantique, mais aussi une nouvelle tradition qui s’installe, que nous sommes heureux de soutenir.
Quelle est la popularité des vols auprès de la population locale ? Ce n’est pas le plaisir le moins cher, n’est-ce pas ?
En effet, l’équipement est couteux, mais étonnement aujourd’hui la majorité de nos passagers sont des Ouzbeks. Sur dix passagers, six sont des compatriotes et quatre des touristes étrangers.

Avant c’était l’inverse, c’était une activité considérée comme « touristique », tandis qu’aujourd’hui, les Ouzbeks accordent de plus en plus d’importance aux sensations plutôt qu’aux choses matérielles.
Quel futur imaginez-vous pour les vols en montgolfière en Ouzbékistan ?
Je crois qu’il s’agit à la fois d’en faire un point fort touristique ponctuel et d’encourager l’intégration de cette activité dans des festivals récurrents. Notre festival Musaffo Osmon à Chakhrisabz et à Khiva par exemple, a rassemblé environ 100 000 touristes ! Les gens viennent pour voir, sentir, expérimenter cette magie.
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Permettez-moi de vous donner un exemple. La Cappadoce turque était une région déficitaire, mais après le développement de l’aéronautique, elle a commencé à apporter au pays 20 % de son PIB !
Et nous avons aussi des projets grandioses : nous voulons ouvrir une école de pilotage ! D’ailleurs, des professionnels comme la pilote britannique Ellie Dunnington sont prêts à nous soutenir.
Vous avez croisé la route d’Ellie Dunnington, grande référence dans le monde des montgolfières. Pouvez-vous nous raconter votre rencontre ?
Oui en effet, c’est elle-même qui s’est adressée à moi ! À l’âge de 57 ans, elle voulait réaliser un vol dans notre pays. L’Ouzbékistan allait devenir le 118ème pays dans lequel elle aurait effectué un vol en montgolfière en tant que pilote.
Ellie Dunnington est une personne bien connue dans notre région. Elle a d’ailleurs organisé un festival mondial des femmes pilotes de ballon et est également connue pour son rôle d’instructrice qualifiée pour le British Balloon and Airship Club, dans le cadre duquel elle enseigne le vol en ballon aux pilotes de demain.
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Avec le soutien de Saïda Mirzioïeva, assistante du président, nous avons réussi à organiser un festival international, d’abord au Kazakhstan à Almaty, puis au Kirghizstan à Bichkek et enfin en Ouzbékistan, dans les villes de Chakhrisabz et de Khiva, durant lequel nous avons eu le plaisir de convier Madame Dunnington.
Vous avez également un projet intéressant qui consiste à former des femmes en situatuon de handicap au pilotage.
Contrôler un ballon demande de la force, des connaissances, du dépassement de soi. Lorsque nous formons ces femmes, de nouveaux horizons s’ouvrent à elles à bien des égards.

Quand elles volent, elles apprennent à surmonter plusieurs obstacles auxquels elles font face dans la société, à l’image des athlètes paralympiques, qui établissent des records.
Est-ce vrai que la Fédération aéronautique contribue à la création considérable d’emplois ?
Nous sommes basés dans le village de Samsarak, dans la région de Tachkent, non loin de Parkent et les touristes arrivent là-bas avant même l’aube. Ils ont besoin d’un endroit où se reposer, manger un morceau.
Les habitants ont commencé à préparer des samsas, des brochettes, à proposer du thé, et ont aménagé des espaces d’accueil chaleureux — ils ont installé plusieurs yourtes, planté de la pelouse. C’est ainsi que de nouveaux emplois apparaissent, que les petites entreprises se développent.
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Il y a un autre point important. Beaucoup de visiteurs viennent dans notre pays. Mais ils suivent toujours le même itinéraire classique : Tachkent – Samarcande – Boukhara – Khiva. Nous prévoyons de nouveaux circuits : l’Ouzbékistan regorge de lieux magnifiques qui méritent d’être découverts… depuis les airs ! Nous devrons créer les infrastructures nécessaires, et la population locale, comme l’expérience le prouve, se mobilisera pour nous aider.
En quoi l’aérostation est-elle liée aux géoparcs ?
Vous savez à quel point notre pays est unique ! Je ne parle pas seulement des personnes. L’Ouzbékistan abrite une multitude de sites naturels rares et exceptionnels. Par exemple, dans la province de Kachkadaria se trouve la réserve géologique nationale de Kitab. Le développement de tels parcs donnerait un élan à l’écotourisme tout en contribuant à la préservation de notre environnement.

Ce qui est fascinant, c’est que la création de géoparcs entraîne souvent des changements économiques significatifs dans les régions concernées. En Chine, de nombreux territoires ruraux ont vu leur économie transformée positivement grâce à ce modèle. Le géoparc de Langkawi, en Malaisie, est même devenu le pilier économique de toute l’île.
Nous travaillons d’ailleurs déjà avec le Comité du tourisme pour intégrer de nouveaux sites ouzbeks dans le réseau international des géoparcs.
Les vols en montgolfière procurent visiblement beaucoup de bonheur. Y a-t-il un souvenir marquant que vous aimeriez partager ?
Oui, il y en a un que je n’oublierai jamais. Un jour, j’ai reçu un appel : « Dites-moi, est-ce que les personnes âgées peuvent voler en montgolfière ? » J’ai demandé leur âge. « Maman a 82 ans, papa 85. Ils regardaient une émission à la télé, et quand ils ont vu des ballons dans le ciel, maman a dit à papa : « Tu te rends compte, dans notre vie, c’est bien la seule chose qu’on n’ait jamais faite. » »
Alors leurs enfants ont décidé de réaliser leur rêve. C’était un vol chargé d’émotion pour toute notre équipe.

À cet âge-là, on ne peut rien laisser au hasard. Heureusement, leur tension était bonne, ils n’avaient pas de problème de santé aigu. Nous avons attendu un jour où les conditions météorologiques étaient parfaites. Ils sont montés dans la nacelle avec leur petit-fils adulte, juste par précaution. Moi, je les ai suivis en voiture pendant tout le vol, au cas où. Je suis réanimateur de profession, alors on ne se refait pas.
Tout s’est merveilleusement bien passé. Mais ce que je n’oublierai jamais, ce sont leurs yeux qui brillaient d’une joie intense. Des moments de bonheur pur comme celui-là… ça n’a pas de prix.
Est-ce la raison pour laquelle vous organisez des vols gratuits pour les enfants handicapés ?
Oui, et cela apporte une joie incroyable. Un jour, on nous a demandé d’emmener en vol des enfants en phase de rémission après un cancer. Bien sûr, c’était inoubliable autant pour eux que pour nous.
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Nous avons organisé ces actions à Khiva, Boukhara, Tachkent, Parkent. Ces enfants ont ressenti une joie immense, un souvenir qu’ils garderont peut-être toute leur vie.
L’aérostation n’est pas qu’un sport ou un simple divertissement. C’est toute une philosophie qui unit les gens et les rend plus heureux. C’est aussi une opportunité pour le pays de franchir un nouveau cap dans le tourisme. Qui sait, peut-être que dans quelques années, comme l’a dit le président Chavkat Mirzioïev, l’Ouzbékistan deviendra la nouvelle Cappadoce ?
La rédaction de Podrobno
Traduit du russe par Sophie Combaret
Edité par Emma Fages
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Les montgolfières en Ouzbékistan : un levier touristique essentiel