Dans le cadre de discussions sur les délimitations frontalières, le Kirghizstan a accepté de transférer à l’Ouzbékistan l’enclave de Barak située sur son territoire en échange d’une partie équivalente côté ouzbek. Une décision sans précédent dans la région qui pourrait conduire à la résolution du micmac frontalier de la vallée du Ferghana.
Novastan reprend et traduit un article initialement paru sur Fergananews.
Le 14 août dernier, Baïych Youssoupov, membre de la commission intergouvernementale sur la délimitation et la démarcation de la frontière entre le Kirghizstan et l’Ouzbékistan, a déclaré aux journalistes d’Interfax qu’un accord sur le sort de l’enclave de Barak avait été trouvé avec la partie ouzbèke. L’enclave sera transférée à l’Ouzbékistan.
En retour, l’Ouzbékistan donnera au Kirghizstan une parcelle équivalente de terrains adjacents à la frontière située dans le district de Kara-Souou, dans la région d’Och, au sud du pays. L’échange de territoires a déjà été précisé, tous les protocoles ont été établis et il ne reste plus qu’à attendre la ratification de la décision par les présidents des deux pays.
Les habitants de l’enclave sont d’accord
Selon Baïych Yousoupov, les habitants ont été consultés en amont et ont accepté cette décision. Ils en ont assez des problèmes liés aux frontières qui les isolent et les obligent à de fréquents voyages dans d’autres régions du Kirghizstan en traversant le territoire ouzbek. En effet, les gardes-frontières ouzbeks n’autorisent toujours pas les résidents de Barak à entrer au Kirghizstan par un poste-frontière situé près de l’enclave. Ils doivent faire un détour de 600 kilomètres pour traverser la frontière dans la région de Batken.
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La frontière entre le Kirghizstan et l’Ouzbékistan a été établie par les autorités soviétiques entre 1924 et 1927, sans jamais penser que ces territoires puissent un jour devenir indépendants. Dans de nombreux endroits, la frontière était alors faite de manière théorique et n’était pas clairement définie, ce qui a entravé la division des Républiques au début des années 1990.
Un processus de démarcation « très difficile »
Le travail actif sur la démarcation de la frontière a commencé après la mort du premier Président ouzbek, Islam Karimov, en 2016. Son successeur, Chavkat Mirzioïev, et le Président kirghiz d’alors, Almazbek Atambaïev, se sont ensuite rapidement accordés sur la délimitation de près de 85% de la frontière.
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Cependant, les 15% restants sont les zones les plus difficiles et les travaux ont pris beaucoup de retard de l’aveu même du représentant kirghiz : « Franchement, le processus est très difficile. Sur certaines parties de la frontière, des maisons sont à cheval sur la ligne de démarcation. Nous devons traiter des problèmes qui se sont accumulés sans jamais être réglés depuis des décennies », a notamment déclaré Baïych Youssoupov.
Barak, la seule enclave kirghize en territoire ouzbek
Plusieurs enclaves de l’Ouzbékistan sont situées sur le territoire du Kirghizstan. Mais Barak est la seule enclave du Kirghizstan en Ouzbékistan. Sa superficie est de 230 hectares. Avant la chute de l’URSS, plus de 1 000 personnes vivaient dans le village de Barak. Le coton et le blé étaient cultivés, mais l’irrigation de ces terres a été stoppée en raison des problèmes frontaliers qui ont suivi.
Les villageois ont commencé à cultiver du maïs, mais il n’y avait pas assez d’eau pour mener cette culture à bien. En 2008, encore 625 personnes vivaient dans le village. En mars 2014, le village ne comptait plus que 35 familles. Et en août de la même année, des journalistes ont appris qu’en réalité, vingt personnes seulement demeuraient à Barak.
Une longue histoire de blocages de l’enclave par l’Ouzbékistan
La vie des habitants de Barak dépend directement des décisions politiques des autorités ouzbèkes. En effet, ces dernières ont plusieurs fois coupé le village de tout moyen de communication avec le reste du monde. Cela a commencé au début des années 2000. Les villageois ne pouvaient pas communiquer avec le monde extérieur pendant plusieurs mois. En 2010, les autorités de la région d’Och ont promis aux habitants de Barak de leur allouer des terres au Kirghizstan, mais la promesse n’a pas été tenue.
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En 2013, le blocus du village par l’Ouzbékistan a de nouveau été annoncé. En 2014, les autorités kirghizes ont de nouveau annoncé un programme de réinstallation des habitants de Barak au Kirghizstan. Mais les villageois se sont plaints du fait que l’indemnisation proposée était trop petite et que les terres allouées n’étaient pas fertiles et dénuées de routes et d’eau.
En 2017, le géographe de l’Université de Newcastle, Nick Megoran, parlait de trois options pour résoudre les problèmes des enclaves kirghizes et ouzbèkes : un échange de territoires, la création de couloirs entre les frontières et les enclaves et la libre circulation dans la zone frontalière.
Nick Megoran a souligné que l’échange de territoires est difficile à mettre en œuvre en raison de la réticence des résidents locaux à se réinstaller ou à changer de citoyenneté. Les corridors, selon lui, sont difficiles à construire et à surveiller. L’option de libre circulation semblait donc la plus adéquate. Un tel régime est par exemple appliqué par la Belgique et les Pays-Bas dans leur zone frontalière où se trouvent actuellement pas moins de 24 enclaves.
Traduit du russe par la rédaction
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