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Un « inventaire ethnique » mis en place dans les écoles au Turkménistan

L’attribution des places dans les classes russophones des écoles du Turkménistan a donné lieu à des versements de pots-de-vin dans l’administration scolaire. Pour lutter contre ce phénomène, le pays a mis en place un inventaire ethnique et social qui a conduit à la fermeture de certaines classes.

Achgabat Turkménistan écoles russe
Protestation des parents d’élèves contre la fermeture de la section russophone

L’attribution des places dans les classes russophones des écoles du Turkménistan a donné lieu à des versements de pots-de-vin dans l’administration scolaire. Pour lutter contre ce phénomène, le pays a mis en place un inventaire ethnique et social qui a conduit à la fermeture de certaines classes.

Novastan reprend et traduit ici un article publié le 3 septembre 2020 par le média turkmène Turkmen News

Le 30 août dernier, la section russophone de l’école № 64 à Achgabat a été fermée, rapporte le média turkmène Turkmen.news. Cette section de l’établissement de la capitale turkmène n’était accessible qu’avec un pot-de-vin allant de 1 000 à 2 000 dollars, selon les sources du média indépendant.

Cette fermeture n’est sans doute qu’un premier pas vers une « purge linguistique » d’envergure dans les établissements scolaires. Turkmen.news a appris au début du mois de septembre que l’administration a entrepris un inventaire dans les écoles de la capitale turkmène, afin de définir l’origine ethnique et le lieu de résidence des élèves. Il n’est pas exclu que des plaintes soient bientôt formulées à l’encontre des élèves d’origine turkmène qui reçoivent un enseignement en langue russe.

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De nos jours, les Turkmènes, comme les citoyens d’origine russe, font tout pour que leurs enfants soient inscrits dans les classes russes : ils souhaitent multiplier leurs chances d’être admis dans les établissements d’enseignement supérieur au sein des pays de la Communauté des États indépendants (CEI). Les sections russophones des écoles se retrouvent donc surchargées. Et d’importants pots-de-vin sont versés pour y avoir accès. Les autorités ont vraisemblablement décidé de mettre fin à cette pratique.

L’une des sources de Turkmen.news à Türkmenabat a de plus déclaré que les écoles étaient désormais chargées de déterminer par le biais des enseignants si les parents de leurs élèves travaillent, ou non, pour les institutions nationales responsables de l’application de la loi. Ces informations doivent ensuite être fournies au service scolarité. Il semblerait en effet que les enfants des “ siloviki ” soient souvent pistonnés pour entrer dans ces écoles de renom.

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D’autres sources révèlent qu’une procédure d’inspection lancée par la Chambre suprême de contrôle est actuellement en cours dans les écoles de Türkmenabat. Le 2 septembre dernier, une inspection a par exemple eu lieu à l’école № 39 qui est considérée comme un établissement de prestige. Cette école abrite également la direction de l’enseignement au niveau local. L’inspection a permis de comprendre comment les élèves sont entrés dans cette école spécialisée et d’établir si certains membres de leur famille étaient fonctionnaires dans l’enseignement ou encore si leurs parents occupaient des postes au sein des institutions nationales chargées de l’application de la loi.

La fermeture soudaine de l’école N° 64

En août 2020, Turkmen.news a appris que les parents des élèves fréquentant les écoles d’Achgabat mais résidant en province étaient obligés de s’enregistrer auprès du service des migrations. En d’autres termes, ces écoles ont fermé leurs portes aux enfants dont les parents ne travaillent pas officiellement à Achgabat. Le scandale de l’école № 64 a ensuite éclaté : l’établissement a fermé la section russe quelques jours avant la rentrée du 1er septembre 2020, laissant donc 1 600 élèves “ à la rue ”. Cette décision a été justifiée par le fait que les classes étaient déjà saturées et qu’il était impossible d’observer les mesures sanitaires mises en place contre la progression du Covid-19. En somme, les parents qui avaient payé des pots-de-vin pour que leurs enfants intègrent les prestigieuses « classes russes » ont dû chercher précipitamment n’importe quelle école où les inscrire. 

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Le 31 août dernier, le président turkmène Gourbangouly Berdimouhamedov a annoncé qu’un blâme avait été adressé à Merdan Govchoudov, suppléant du ministre de l’Éducation. C’est précisément après cette sanction que l’administration se serait lancée dans une lutte contre les pots-de-vin qui donnent accès aux classes russophones, et d’une manière générale, aux écoles de renom. Des sources n’excluent pas que la situation se solde par une fermeture définitive des classes en question.

« Selon les dires des enseignants et des parents d’élèves, les sections russophones seront supprimées dans les écoles qui ne comptent pas assez d’élèves non turkmènes. Par conséquent, les Russes aussi souffriront de ce statut de minorité ethnique », a déclaré une des sources de Turkmen.news. Une situation développée en octobre dernier par le média américain Radio Free Europe.

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Le 3 septembre dernier, le média turkmène indépendant « Les Chroniques du Turkménistan » a annoncé l’arrestation de l’ancien directeur de l’école № 64, Biachim Gaïtnazarov, licencié juste avant le scandale relatif à la fermeture de la section russophone. Avant cela, il avait été confirmé que l’ancien directeur de l’école était bien à l’origine des pots-de-vin pour l’inscription des écoliers dans les « classes russes ». Au même moment, Radio Azatlyk, la branche turkmène de Radio Free Europe, a annoncé que l’ancien directeur d’école était gravement malade et qu’il se trouvait à l’hôpital.

Traduit du russe par Charlotte Boucault

Edité par Frédérique Faucher

Relu par Anne Marvau

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