Accueil      Mourad Sadykov, figure de l’ethno-jazz turkmène

Mourad Sadykov, figure de l’ethno-jazz turkmène

Chanteur, musicien et poète, Mourad Sadykov est resté dans les mémoires au Turkménistan comme l'un des artistes les plus connus de l'ère soviétique. Avec la création du groupe Gounech, l'ethno-jazz turkmène est né.

Mourad Sadykov Turkménistan Artiste Culture Musique
Mourad Sadykov est l'une des figures soviétiques de la chanson turkmène (illustration).

Chanteur, musicien et poète, Mourad Sadykov est resté dans les mémoires au Turkménistan comme l’un des artistes les plus connus de l’ère soviétique. Avec la création du groupe Gounech, l’ethno-jazz turkmène est né.

Novastan reprend et traduit ici un article publié le 27 janvier 2021 par le média turkmène Orient.tm.

Mourad Sadykov, musicien, chanteur et poète turkmène, aurait fêté ses 85 ans en 2021. Le fondateur et directeur artistique du groupe de musique populaire Gounech (Гунеш) est décédé en 2013. Il laisse derrière lui le souvenir lumineux d’un artiste talentueux et d’un intellectuel reconnu.

Novastan est le seul média européen (en français, en allemand et en anglais) spécialisé sur l'Asie centrale. Entièrement associatif, il fonctionne grâce à votre participation. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de vous ! Vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, en réalisant un don défiscalisé à 66 %, ou en devenant membre actif par ici.

Mourad Sadykov est né à Achgabat, la capitale turkmène, le 3 septembre 1936 dans une famille d’instituteurs. Son père meurt alors qu’il n’a que cinq ans. Il commence alors à chanter très tôt et se produit dès l’âge de six ans devant des soldats blessés, déplacés des hôpitaux de Leningrad à Achgabat.

Mourad Sadykov continue le chant à l’orphelinat où il passe deux ans, sa mère ne parvenant plus à subvenir aux besoins de ses enfants. Il perpétue cette passion à l’école, ainsi que pendant ses études à l’Institut agricole national turkmène Kalinin, l’actuelle Université Agricole du Turkménistan. En 1960, Mourad Sadykov obtient son diplôme d’ingénieur hydraulique.

Les débuts complexes d’un prodige

A l’Institut, le jeune étudiant chante dans le spectacle amateur des étudiants et participe au festival mondial de la jeunesse et des étudiants à Moscou en 1957. Après avoir commencé à travailler dans sa spécialité à l’Institut, il prend des cours du soir au sein de l’école de musique nationale turkmène Ovezov, dans la section chant.

En 1964, il devient chanteur soliste à la radio et à la télévision, au service du comité d’Etat du conseil des ministres de la République socialiste soviétique turkmène. Trois ans plus tard, le destin lui offre l’opportunité de se faire connaître au-delà des frontières de son pays. Après ses performances à l’Expo 67 dans les villes d’Ottawa et de Toronto, un studio d’enregistrement canadien et un impresario lui proposent un contrat pour enregistrer un album et réaliser une tournée annuelle. Néanmoins, la direction soviétique s’y oppose.

Malgré cet obstacle, le talent et le dévouement sans faille du chanteur turkmène lui permettent d’acquérir une renommée internationale. Mourad Sadykov, sachant chanter aussi bien dans sa langue maternelle qu’en russe, finit par se faire une renommée en Union soviétique et se produit dans les plus grandes salles de concert de Moscou et de Leningrad.

D’une carrière solo flamboyante à la formation de Gounech

Sa carrière s’envole et il se produit à plusieurs reprises dans la salle des colonnes de la Maison des Syndicats, au Palais des Congrès, au théâtre de l’Estrade et même au Théâtre Bolchoï. Ses concerts sont filmés et diffusés par la télévision centrale et la télévision de Leningrad. Il est applaudi par le public en Bulgarie, en Pologne, en Mongolie, au Vietnam, au Laos, au Sénégal, en Guinée, en Guinée-Bissau, et dans bien d’autres pays encore. Le gouvernement de la République Socialiste du Vietnam va même jusqu’à lui décerner l’Ordre de l’Amitié et le titre de citoyen d’honneur d’Hô-Chi-Minh-Ville.

Lire aussi : Jazzirama, un groupe de world jazz venu d’Ouzbékistan

Mourad Sadykov obtient les titres honorifiques d’artiste éminent de la République Socialiste du Turkménistan (1973) et d’artiste du peuple de la République Socialiste du Turkménistan (1982). Il devient membre de la société musicale d’URSS et, dès 1989, il en intègre le Bureau. Il est récompensé de la médaille d’honneur de la Fondation soviétique pour la paix, pour sa participation active aux travaux de celle-ci.

Envie d'Asie centrale dans votre boîte mail ? Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter hebdomadaire en cliquant ici.

Mourad Sadykov acquiert une grande notoriété non seulement comme chanteur, mais également en tant que fondateur du groupe Gounech (« Solaire »), qu’il fonde à Achgabat en 1970. Il en propose le nom mais en devient également le chanteur principal. Gounech est devenu l’un de ces groupes populaires qui ont fleuri au début des années 1970 dans plusieurs Républiques de l’URSS. Le groupe a su rivaliser avec d’autres aussi connus que Poyushchiye Gitary (« Les Guitares Chantantes », Leningrad), Pesniary (Minsk), Tsvety (« les Fleurs », Moscou),  Vesyolye Rebyata  (« Joyeux Copains », Moscou), Iveria (Tbilissi), Yalla (Tachkent) et bien d’autres encore.

Le style Gounech 

Initialement, Gounech se présente comme un groupe typique de son époque, interprétant des chants populaires turkmènes et des œuvres de compositeurs turkmènes et soviétiques. Le répertoire du groupe s’enrichit progressivement de compositions jazz. Le style musical de Gounech se définit peu à peu comme jazz-fusion, ethno-jazz et rock progressif.

En 1972, Mourad Sadykov réussit à obtenir de la télévision et de la radio d’Etat de la RSS du Turkménistan l’allocation de moyens financiers importants. Ces derniers lui permettent d’acheter des équipements sonores professionnels et des instruments de musique à l’étranger. Il obtient ainsi un son de meilleure qualité et équipe ses propres locaux de répétition.

Grâce à sa capacité d’innovation et à la bonne rémunération de ses musiciens, Gounech attire des artistes talentueux du Turkménistan et d’autres Républiques soviétiques. Au total, quelques dizaines de musiciens se sont produits dans Gounech au fil du temps. Parmi eux se trouvent certains virtuoses comme Richard Chafiev d’Achgabat, qui a su éblouir le public grâce à sa capacité à jouer sur plusieurs percussions à la fois.

https://www.youtube.com/watch?v=Ell10rLglKg&ab_channel=BestDrummerShow

Gounech fait de nombreux concerts entre 1970 et 1986. Il reste jusqu’à présent le plus connu et reconnu des groupes musicaux du Turkménistan. Les musiciens du groupe turkmène se produisent sur la même scène que des groupes tels que Machina Vremeni (la « Machine à voyager dans le temps »), Avtograf  (« Autographe »), et bien d’autres.

Lire aussi : “Solioni arechki”, un groupe de jazz qui s’exporte

Le groupe Gounech connaît son pic de popularité entre 1976 et 1986. Lors d’une tournée mondiale à grand succès, les musiciens se produisent en Europe de l’Est, en Afrique et en Asie. En 1978, Gounech remporte le concours polonais Montagne Verte. Le groupe participe également au concours international bulgare l’Orphée d’Or. Il devient lauréat du concours des meilleurs chanteurs soviétiques organisé à Moscou en 1977, mais aussi lauréat du festival Les rythmes printaniers (Tbilissi, 1980), du concours de chanson et de pop-musique d’URSS (Erevan, 1981), ainsi que du concours international Asia Daucy (Alma-Ata, 1988).

Mourad Sadykov Turkménistan Artiste Culture Musique Gounech
Le groupe Gounech a été très connu durant l’URSS (illustration).

Le groupe, en comptant les compilations, sort en tout une vingtaine de disques, dont deux géants, enregistrés dans la maison de disques de l’Union soviétique Melodiya.

La fin d’une époque

En 1982, Gounech se voit attribuer le titre honorifique de « groupe artistique d’honneur de la république socialiste soviétique du Turkménistan ».

Au milieu des années 1980, Mourad Sadykov met fin à sa collaboration avec le groupe. Ainsi s’achève l’histoire du talentueux groupe turkmène, qui ne s’est reformé qu’à l’occasion de rares concerts « nostalgiques ».

Gozel Sakhatova
Rédactrice pour Orient.tm

Traduit du russe par Juliette Amiranoff

Édité par Emma Parisien

Relu par Emma Jerome

Merci d'avoir lu cet article jusqu'au bout ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@novastan.org. Merci beaucoup !

Commentaires

Votre commentaire pourra être soumis à modération.