Tournée dans la chaleur intense du désert de Karakoum, la tragicomédie Kin-dza-dza !, chef-d’œuvre du réalisateur Gueorgui Danielia, aura laissé des souvenirs aux populations locales tant par les anecdotes de tournage que par le florilège d’expressions et de mots inventés encore entendus aujourd’hui au Turkménistan.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 6 juillet 2020 par le média turkmène Orient.tm
Durant l’été 2020, l’incroyable réalisateur Gueorgui Danielia, génie de son époque, aurait eu 90 ans. Aujourd’hui, en plus d’avoir réalisé l’un des classiques du cinéma soviétique, ses chefs-d’œuvre impérissables sont également célébrés au Turkménistan, parmi lesquels Afonia (1975), Mimino (1977), Le Marathon d’Automne (1979) ainsi que la plus fantastique des tragicomédies : Kin-dza-dza ! (1986).
Novastan est le seul média européen (en français, en allemand et en anglais) spécialisé sur l'Asie centrale. Entièrement associatif, il fonctionne grâce à votre participation. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de vous ! Vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, en réalisant un don défiscalisé à 66 %, ou en devenant membre actif par ici.
Nombreux sont ceux parmi les doyens du Turkménistan qui se souviennent que le tournage de cette dystopie de science-fiction s’est déroulé dans la chaleur intense du désert de Karakoum, non loin de Balkanabat, ou Nebit Dag à l’époque. Les populations locales s’étaient liées avec l’équipe de tournage et avaient invité chez eux les acteurs et le réalisateur pour boire un bol de thé vert désaltérant. Les photos souvenirs prises lors du tournage par les habitants sont innombrables.
Particulièrement populaire parmi les fans de Kin-dza-dza !, Evgueni Leonov était l’interprète du personnage de Ouaf dans le film. Son langage regorge de mots incompréhensibles, et c’est bien ce qui fait toute sa singularité. Le film a d’ailleurs exercé une forte influence sur le russe de l’époque, ajoutant à l’argot de ses contemporains un florilège d’expressions et de mots inventés, que l’on entend encore aujourd’hui, et pas seulement chez les cinéphiles.
L’origine du titre du film
Le titre du film relève de « l’abracadabra » et presque tous les spectateurs se sont demandé ce que pouvait bien signifier « Kin-dza-dza ». La tragicomédie fantastique s’appelait au départ La poussière cosmique jusqu’à ce que Gueorgui Danielia entende la chansonnette que fredonnait Evgueni Leonov en attendant le début du tournage, répétant trois fois la dernière syllabe du dernier mot prononcé, ce qui donne : « dans mon cartable-table-table j’ai de la coriandre-andre-andre… », coriandre qui se dit kinza en russe : kin-dza-dza-dza…
Lire aussi sur Novastan : “Le Soleil blanc du désert”, le western soviétique par excellence dans le désert turkmène
Ayant gardé en mémoire ces étranges paroles, Gueorgui Danielia a rapidement modifié le nom, semant ainsi le mystère jusque dans le titre du film. Dès le début, les prises de cette dystopie se déroulant dans la galaxie fictive de Kin-dza-dza ont été accompagnées de situations curieuses, de telle sorte que l’on pourrait tout à fait tourner une comédie sur le tournage de cette tragicomédie, qui serait tout aussi drôle et divertissante.
Un tournage épique dans le désert
Le tournage lui-même s’est déroulé dans des conditions très particulières. « Notre groupe est arrivé à Krasnovodsk, au Turkménistan, tandis que les décors sont partis pour Krasnoïarsk, en Sibérie. L’équipe s’est retrouvée dans le désert, dans lequel on a erré pendant deux semaines en attendant les décors. Puis ils sont arrivés, on a commencé à tourner, on a travaillé d’arrache-pied », se souvient Stanislav Lioubchin, qui a joué le rôle du contremaître Diadia Vova, l’un des personnages principaux du film.
Lire aussi sur Novastan : “L’étape décisive”, la guerre civile russe vue sous l’angle d’une histoire d’amour turkmène
D’autres problèmes sont également apparus avec les costumes. Lorsque l’actrice Irina Schmeljowa a atterri à Balkanabat, il s’est avéré qu’il n’y avait pas du tout de costume pour elle. Heureusement, grâce à l’ingéniosité des costumiers, ce problème a été vite résolu.
Envie d'Asie centrale dans votre boîte mail ? Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter hebdomadaire en cliquant ici.
Tourner dans le désert, sous 60° C, a été éprouvant pour les acteurs. Il aurait été difficile de survivre sans thé vert. Il n’a pas non plus été possible de filmer toutes les scènes essentielles en une seule expédition à Karakoum. C’est pourquoi plusieurs allers-retours ont été nécessaires pour apporter les dernières finitions aux décors, ainsi qu’aux effets spéciaux. L’apparition d’une grande roue dans le décor du film a été très remarquée.
Le tournage a été long mais il aura apporté à l’équipe, outre la sympathie du public, de nombreux prix, dont le prix spécial du jury du Festival international du film de Rio de Janeiro, en 1987, pour « la conception la plus originale ». Bien plus tard, en 2002, c’est au réalisateur lui-même, Gueorgui Danielia, que sera décerné le prix Wanderer (« Strannik », en russe), qui récompense chaque année la littérature fantastique en Russie, avec la mention « légende du cinéma fantastique ».
Lire aussi sur Novastan : « Abdullajon », une critique de la société ouzbèke par la science-fiction comique
En 2013 un long-métrage d’animation fantastique, Kou! Kin-dza-dza a été produit. Il est adapté du scénario de Rezo Gabriadzé et de Gueorgui Danielia, dont ce sera le dernier film.
Selbi Tcharyeva
Journaliste pour Orient.tm
Traduit du russe par Elizabeth Lallier
Édité par Carole Pontais
Relu par Anne Marvau
Merci d'avoir lu cet article jusqu'au bout ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@novastan.org. Merci beaucoup !