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Entre Aral et Caspienne : histoire et archéologie du Turkménistan (2/2)

La richesse de l'héritage archéologique du Turkménistan témoigne du passage de nombreuses dynasties sur le territoire de l'actuelle République indépendante. Parmi les sites notables se trouvent Kounia-Ourguentch, une des capitales du Moyen-Orient au Moyen Âge, et Dehistan, florissant "pays des villages".

Rédigé par :

caanetwork 

Edité par : Paulinon Vanackère

Traduit par : dmillard

CAAN

Kounia-Ourguentch Turkménistan

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Panorama sur Kounia-Ourguentch. Photo: CAAN.

La richesse de l’héritage archéologique du Turkménistan témoigne du passage de nombreuses dynasties sur le territoire de l’actuelle République indépendante. Parmi les sites notables se trouvent Kounia-Ourguentch, une des capitales du Moyen-Orient au Moyen Âge, et Dehistan, florissant « pays des villages ».

Comme de nombreuses villes anciennes dont les origines se perdent dans les ténèbres d’un passé lointain, la chronologie de Kounia-Ourguentch ne peut être reconstituée que sur la base de découvertes archéologiques. Au début du VIIIème siècle, les Arabes sont arrivés et avec eux une nouvelle religion, l’Islam.

Si l’histoire de l’ancienne Gourgandj, nom persan de Kounia-Ourguentch, est pratiquement inconnue, la période musulmane a été en grande partie reconstituée grâce aux témoignages inestimables des contemporains, recueillis d’abord dans des sources arabes, puis dans des sources persanes et khiviennes.

L’histoire politique de l’essor de la ville persane de Gourgandj est couverte par de nombreux ouvrages historiques. Elle est devenue le centre des dominions unis en écartant la ville de Kyat, la capitale de la partie sud du Khorezm, dès le début du XIème siècle.

Une capitale du Moyen-Orient

Au cours du dernier millénaire, la ville a connu plusieurs cycles de prospérité, de déclin et de destruction. La première période est celle de la dynastie des Khwarezmchahs, au cours de laquelle le Khorezm est devenu le plus grand empire du Moyen-Orient, avec sa capitale à Gourgandj en 1097-1231.

L’invasion mongole a entraîné le déclin de cet Etat avec la destruction de sa capitale. Le dernier chah de la dynastie des Khwarezmchahs, Jalal ad-Din, est mort après avoir mené pendant dix ans la lutte contre les Mongols. La dynastie s’est éteinte avec lui.

Gengis Khan invasion carte
Carte des conquêtes de Gengis Khan. Carte: Wikimedia Commons.

La deuxième période est associée à l’incorporation du Khorezm dans la Horde d’or, soit le territoire de Djötchi, le fils aîné de Gengis Khan et de sa dynastie. Au début du XIVème siècle, soit un siècle après la défaite de la ville, la culture fleurit à nouveau sous l’égide de l’émir Kutlug-Timur. Peu après, la dynastie locale indépendante des Soufides a régné sur la ville, poursuivant une grande partie des travaux de construction qui avaient été interrompus en 1388.

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Après cela, la ville a perdu son ancienne importance et n’a cessé de se dégrader. Au XVIIème siècle, la pénurie d’eau a contraint les habitants à quitter cette ville et à se déplacer sur un autre lieu appelé La Nouvelle-Ourguentch, sur le territoire de l’Ouzbékistan moderne. Depuis lors, les ruines de l’ancienne Gourgandj sont connues sous le nom de Vieille Ourguentch, ou Kounia-Ourguentch. En 1831, après le creusement d’un canal, les Turkmènes du Khorezm se sont réinstallés au nord des ruines de la ville médiévale.

Minarets et mausolées précieux

Un minaret du XIème siècle et quatre mausolées sont les principales attractions de Kounia-Ourguentch. La tombe du chah du Khorezm Il-Arslan, datée de la deuxième moitié du XIIe siècle, est considérée comme la plus ancienne.

Ce petit monument ne possède pas de portail prononcé comme les autres mausolées musulmans, mais son entrée principale est particulièrement mise en valeur. Elle est divisée en trois niches profondes et arquées, décorée de carreaux de terre cuite sculptés d’un motif floral encadré de rubans épigraphiques. La tente à 12 côtés qui surmonte ce mausolée est décorée de briques vernissées, couleur bleu ciel, composées d’un simple ornement géométrique.

Kounia-Ourguentch Turkménistan
Le mausolée d’Il-Arslan à Kounia-Ourguentch. Photo: CAAN.

Le mausolée du chah du Khorezm Ala ad-Din Tekish présente presque les mêmes éléments, mais à une échelle plus monumentale. Il présente un prisme carré à la base et un haut tambour ondulé divisé en 24 niches. La frise épigraphique circulaire, composée de plaques rectangulaires recouvertes d’écriture arabe, entièrement recouvertes d’une glaçure bleue, est particulièrement précieuse. Certaines de ces plaques ont été perdues depuis longtemps, et plusieurs copies se trouvent dans la collection du département oriental du musée d’État de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.

La khanqah

Un autre bâtiment inhabituel, la khanqah (lieu de vie de mystiques musulmans, ndlr) du célèbre cheikh soufi Najm al-Dîn Kubrâ, est situé dans les limites de l’actuelle Kounia-Ourguentch. Le portail bien proportionné de la façade principale était autrefois recouvert de carreaux de faïence avec des épigraphies et des ornements floraux typiques des céramiques architecturales khorezmiennes.

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Mais l’attraction principale se trouve à l’intérieur du bâtiment : là, le cénotaphe monumental – la pierre tombale au-dessus de la tombe du cheikh – a subsisté, bien que très endommagé. Ce portail et ce cénotaphe étaient entièrement revêtus de carreaux de faïence aux ornements complexes dans la palette bleue et blanche traditionnelle du Khorezm. Ce sanctuaire date du XIVème siècle. Depuis lors, il est l’épicentre du complexe religieux de la ville et un objet de pèlerinage.

Le mausolée Turabek-Khanym

Le mausolée Turabek-Khanym de Kounia-Ourguentch est sans aucun doute la structure la plus admirable du complexe. Un petit vestibule à coupole est situé derrière le portail haut et profond, et sur l’axe principal se trouve une salle hexaédrique d’une centaine de mètres carrés, dont les murs sont richement décorés de mosaïque.

Mausolée Turabek Khanym Kounia-Ourguentch Turkménistan
Le plafond du mausolée de Turabak-Khanym. Photo: CAAN.

Une coupe sphéroïdale inversée surplombe la salle, sur laquelle est appliqué un panneau de mosaïque du plus bel effet, un girih aux couleurs intenses, c’est-à-dire un motif géométrique d’étoiles et de polyèdres rempli d’ornements floraux et végétaux. Les bords extérieurs du mausolée sont décorés de quatre niches profondes et élancées, entre lesquelles se trouvent des ouvertures de grandes fenêtres cintrées.

Le chapiteau à glaçure bleue de forme conique, dont seul un petit morceau a été conservé, surplombait l’édifice sur un haut tambour. Toutes les façades, y compris le tambour et le portail, étaient couvertes de tuiles vernissées dans des cadres de briques claires.

Il n’existe pas de données exactes concernant la date de construction de ce monument remarquable, mais il est fortement associé au nom de Turabek-Khanym, épouse de l’émir Kutlug-Timur, décédé en 1335. La question de savoir si le monument a été construit sous leur règne ou même plus tard, dans les années 1360-70, lorsque le Khorezm était gouverné par les Soufides, reste ouverte.

Une grande variété de techniques

Les monuments de Kounia-Ourguentch, inscrits sur la liste du patrimoine mondial depuis 2005, montrent une variété frappante de techniques et de décorations de l’architecture islamique en Asie centrale. Des constructions faites de boue et de briques brûlées y sont représentées, tout comme de simples structures à dôme. S’y trouvent aussi des bâtiments avec parfois une longue histoire de développement, de réparations et de modifications.

Il existe également des types anciens de mosquées à cour, qui avaient la forme d’une salle hypostyle, mais qui sont depuis longtemps enfouies sous terre. Les monuments les plus variés montrent également l’évolution du traitement de la surface intérieure des voûtes, des voiles cellulaires aux muqarnas, décorations en forme de nid d’abeilles.

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Enfin, les meilleurs monuments de cette ville sont hautement décoratifs. Ils offrent de brillants exemples d’arabesques classiques en terre cuite monochrome et en émail aux couleurs vives. Le jeu effréné des couleurs qui anime la sèche géométrie de l’ornementation ne concurrence pas mais anticipe la polychromie totale des monuments beaucoup plus tardifs de Samarcande, Chakhrisabz, Hérat, Ispahan, Khiva et de nombreuses autres villes d’Asie.

Les traditions architecturales d’Ourguentch se sont répandues sur un vaste territoire du monde musulman et peuvent être retracées dans les structures, les formes et le décor de nombreux bâtiments de la Transoxiane, de la steppe kazakhe et des villes de la Horde d’or de la région de la Volga, ainsi qu’en Transcaucasie, en Turquie, en Iran et en Inde. Bien entendu, les liens architecturaux les plus étroits sont avec les districts du Khorezm, autour de Kounia-Ourguentch. Il s’agit tout d’abord de la ville de Dehistan, avec ses ruines monumentales, dans le sud-ouest du Turkménistan.

Dehistan

La vaste étendue du plateau de Misrian, aujourd’hui une zone désertique entre la mer Caspienne et les éperons occidentaux du Kopet-Dag, était une oasis luxuriante et peuplée, avec de nombreuses villes fortifiées parmi les champs de blé au XIIIème siècle. Leurs traces sur le terrain sont encore visibles par satellite aujourd’hui.

Dehistan Turkménistan
Dehistan en 1887. Photo: CAAN.

Cette région était appelée Hyrcanie par les Grecs et les Parthes, et Dehistan par les Perses, ce qui signifie littéralement le pays des villages. Ses habitants ont créé un vaste système d’irrigation dans un passé lointain. Tant qu’il fonctionnait, l’agriculture y était florissante. Le principal cours d’eau était le fleuve Atrek, aujourd’hui très peu profond. Son cours sert de frontière naturelle entre le Turkménistan et l’Iran.

Une singularité historique

Le plus grand centre du Dehistan était la ville du même nom, souvent appelée Mashhad-i Misriyan, ou simplement Misrian. Sa partie centrale est fermée par un double mur de forteresse avec des tours semi-circulaires et un fossé, et occupe une superficie d’environ 200 hectares. Un vaste ribat (une petite forteresse, ndlr) la jouxtait, zone suburbaine constituée de quartiers d’artisans où se trouvent de nombreux vestiges d’ateliers de poterie et les fondations de plusieurs mosquées et caravansérails.

Dehistan Mosquée Turkménistan
Le portail de la mosquée Mohammed II après sa restauration, en 2020. Photo: CAAN.

Le ribat sud comportait des structures d’aménagement de jardins et un marché, tandis que le ribat ouest présente les traces de bâtiments résidentiels denses. Le haut niveau de développement de la culture urbaine au Dehistan est attesté par son aménagement paysager : on peut y observer les vestiges de systèmes d’approvisionnement en eau et d’évacuation des eaux usées, des bains et des pavés en briques.

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De son architecture ne subsistent que quelques ruines impressionnantes, qui ont une valeur artistique considérable en tant qu’exemples de la culture islamique. Il s’agit notamment du portail de la mosquée de Mohammed II, récemment reconstruit, et des deux minarets qui le jouxtent, ainsi que de plusieurs mausolées médiévaux dans l’ancien cimetière situé à sept kilomètres du village. Se dressant sur une haute plateforme, la mosquée commémorative de Machad-Ata, avec son magnifique mihrab (niche architecturale, ndlr) de très belle facture datant du IXème siècle, se distingue parmi eux.

Les monuments du Dehistan ne sont pas encore inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Ils le mériteraient par leur valeur architecturale, leur singularité historique et leur état de conservation. Ils possèdent cependant un élément très important qui est l’authenticité de chaque bâtiment avec une intervention parcimonieuse des restaurateurs qui souhaitent préserver l’esprit d’époque et ne pas transformer ces structures médiévales en décorations artificielles imitant l’antiquité.

La première partie de l’article est disponible ici.

Rouslan Mouradov
Journaliste pour Central Asian Analytical Network

Traduit du russe par Delphine Millard

Edité par Paulinon Vanackère

Relu par Elise Medina

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