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Obchoron, un village tadjik sans eau ni électricité depuis 10 ans

Près de Khoudjand au Tadjikistan, des terres ont été distribuées aux habitants. Mais aucune infrastructure n’a été construite pour leur permettre de vivre correctement. Ils n’ont ni eau ni électricité.

Rédigé par :

Asia Plus Madeleine Le Page 

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Tadjikistan Khodjand Obchoron
Une famille d'Obchoron.

Près de Khoudjand au Tadjikistan, des terres ont été distribuées aux habitants. Mais aucune infrastructure n’a été construite pour leur permettre de vivre correctement. Ils n’ont ni eau ni électricité.

Novastan reprend et traduit ici un article publié le 19 janvier 2021 par le média tadjik Asia Plus.

Voilà maintenant 10 ans que les habitants d’un petit village tadjik utilisent des lampes de poche et chargent leurs téléphones au travail. Ils n’ont également pas d’eau courante.

Le village d’Obchoron se situe à deux kilomètres de Khoudjand dans la province de Sughd. En 2010, des terres ont commencé à y être distribuées, et chacun leur tour, les habitants sont devenus propriétaires de 5 à 6 ares de terrain.

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Mais il s’est avéré que la proximité de la ville ne leur offrait aucun avantage particulier. Depuis près de 10 ans, le village est privé d’électricité et n’a pas d’eau potable.

Nulle part où aller

Il est difficile de croire qu’à 15 minutes de la ville moderne de Khoudjand, les habitants rêvent de choses élémentaires : allumer le réfrigérateur et regarder la télévision. Le village abrite 50 familles avec des enfants : ceux qui sont restés n’ont nulle part où aller. Il y a des constructions inachevées sur tout le territoire.

Tadjikistan Khodjand Obchoron
Les habitants ne sont pas pressés de finir la construction des maisons (illustration).

Les propriétaires ont posé des clôtures autour des terres attribuées par l’État, mais ils ne se pressent pas pour construire.

Des récriminations qui restent ignorées

« Si nous n’avions pas ce problème d’électricité, le village serait construit en l’espace d’un an. Beaucoup des familles possédant un logement ici sont obligées de louer un appartement en ville. Est-ce vraiment ce dont ils rêvaient, lorsqu’ils ont eu la joie de recevoir leur terre ? Donnez-nous de l’électricité, et les gens retourneront tous dans leurs maisons », raconte Tokhir, un habitant du village.

Tokhir est un Tadjik avec beaucoup d’expérience. Appelant affectueusement sa vieille automobile son cheval de bataille, il raconte fièrement qu’il a construit sa maison avec de l’argent gagné honnêtement.

Tadjikistan Khodjand Obchoron
Des habitants d’Obchoron.

Mais ses récriminations restent ignorées. Lassés des promesses constantes des pouvoirs locaux, il ne reste plus rien aux habitants, si ce n’est la possibilité de regarder avec tristesse les lumières de la nuit à Khoudjand.

Un manque d’infrastructures

« La route principale sera ici. D’après le plan d’ensemble, une école, une garderie et un hôpital devraient être construits dans le village. Mais qui donc va construire des infrastructures pour 50 familles ? Tant que le problème de l’électricité ne sera pas résolu, personne ne reviendra ici. Voilà bien le paradoxe », estime Tokhir.

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La journaliste d’Asia Plus s’arrête à la première maison habitée, sans finitions extérieures. Ici, en règle générale, aucune maison ne possède une façade véritablement décorée.

Tadjikistan Khodjand Obchoron
Les enfants d’Obchoron ne connaissent pas le confort (illustration).

Les parents et leurs trois enfants vivent dans l’unique chambre. Il semble impensable d’élargir l’habitation sans conditions de vie élémentaires.

Des enfants habitués à des conditions de vie difficiles

Les parents ne sont pas à la maison : ils sont partis à l’enterrement d’un proche. Lorsque les journalistes demandent aux enfants s’ils ont froid sans électricité, les petites filles secouent la tête. Il semblerait que pour ces enfants qui ont vécu toute leur vie sans ampoule au-dessus de leur tête, cette vie est simplement la norme.

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Des enfants d’Obchoron.

Depuis leur enfance, ils sont loin d’être gâtés en termes de confort. Pour aller à l’école par exemple, ils doivent parcourir une longue distance : aller à pied jusqu’à la route centrale, puis, de là, prendre un minibus.

Puisque la population est peu nombreuse et les enfants en constituent la moitié, les transports en commun ne vont tout simplement pas jusqu’ici.

Des systèmes rudimentaires

Une famille d’Ouzbeks vit juste au-dessus. Des fils pendent sur la façade de la maison. Le propriétaire raconte qu’il y a 4 mois, l’un des habitants de l’exploitation voisine, Dadoboï Kholmatov, avait partagé sa ligne électrique. Il avait pris pitié des trois enfants de la famille.

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La famille a installé par ses propres moyens des pylônes et étendu plus d’un kilomètre de câble. Cependant, le voltage n’est suffisant que pour une ampoule.

Tadjikistan Khodjand Obchoron
Des câbles relient une maison d’Obchoron à une exploitation voisine.

« Nous payons au compteur, mais même cette électricité n’est qu’un phénomène temporaire pour nous. Ils veulent couper la ligne. Mais utiliser constamment le générateur est un plaisir qui me revient trop cher », explique le propriétaire de la maison.

« J’ai acheté un moteur à gaz. Il peut fonctionner jusqu’à 9 heures sans interruption. Pour deux jours, cela m’a coûté 20 somoni (1,47 euro). Mais vous imaginez à quel point c’est bruyant ! Étendre le fil depuis l’exploitation voisine n’a pour moi aucun sens. Ma maison est la plus éloignée, le voltage n’est pas suffisant même pour une seule ampoule », raconte Tokhir.

Une vie comme au XIXème siècle

« Cela fait déjà 6 ans que je vis avec une lampe de poche. Et tout le monde dit que je vis au XIXème siècle. Mais pourquoi sommes-nous obligés de vivre sans électricité malgré notre proximité avec Khoudjand, tandis que dans le village voisin de Saïkhoun, où il n’y a pas de résidents permanents, l’électricité fonctionne constamment ? Pour qui est-elle là ? », demande Todjiddin, un habitant, en riant à travers ses larmes.

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Dans l’espoir que la situation s’améliore, les constructions se poursuivent (illustration).

Malgré l’abondance de terre, il n’y a quasiment pas d’arbres ni de végétation dans le village. Contrairement à ce que suggère le nom du village, qui se traduit par « le lieu riche en sources », le terrain n’en compte pas une seule.

Des difficultés pour s’approvisionner en eau

Les habitants expliquent qu’ils achètent l’eau potable en grosse quantité. Une voiture pleine coûte entre 80 et 100 somoni (entre 5,78 et 7,23 euros), et une telle quantité d’eau ne suffit même pas pour un mois.

Tadjikistan Khodjand Obchoron
Chaque maison a son réservoir d’eau (illustration).

Un puits qui sert de réservoir pour stocker l’eau a été creusé près de chaque maison. Il est bien fermé avec un couvercle métallique : en effet, il est important de préserver la fraicheur et la pureté de l’eau.

Dans une maison d’Obchoron

Tokhir invite la journaliste à rentrer chez lui. Sa femme et son fils adolescent réservent un accueil chaleureux à leurs rares invités. L’attribut principal de la maison est le petit poêle. Grâce à lui, il fait assez chaud dans la chambre.

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La salle avec les conditions les plus extrêmes est la salle de bain. Il y a également un poêle. Un seau en plastique, qui sert de pommeau de douche, est suspendu au plafond au-dessus de la baignoire.

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Une salle de bain improvisée.

« Je chauffe le poêle avec de l’huile déjà utilisée. Il y fait chaud comme dans un bain. Nous lisons une prière en famille 5 fois par jour, donc les ablutions sont une priorité », explique-t-il.

Des coulées de boue

Apparemment, les prières ont aidé à sauver la maison de Tokhir de la destruction des coulées de boue, descendues des montagnes.

La coulée puissante et pleine de pierres a par miracle divisé sa trajectoire en deux, épargnant la maison de Tokhir, tel un îlot intouché. L’homme montre comment les coulées de boue ont détruit la façade en béton de la maison voisine, en laissant derrière elle des déchets provenant de la décharge de la ville.

Tadjikistan Khodjand Obchoron
Le canal creusé par le riverain pour détourner les coulées de boue.

« A l’époque soviétique, il y avait un barrage ici qui arrêtait les coulées de boue et ne les laissait pas descendre », raconte Tokhir en désignant un point dans la direction du remblai de terre.

Il en faut peu pour être heureux

« Après que les terres aient commencé à être distribuées, ce barrage a été détruit. Maintenant le problème des coulées de boue est devenu un problème personnel pour les habitants du village. Après le dernier incident, j’ai creusé un large aryk (petit canal d’irrigation, ndlr) qui pourrait au moins affaiblir la force du flux », explique-t-il.

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Le soir, Tokhir met en route son générateur, afin de regarder la télévision. Il invite souvent ses voisins et leurs enfants, puisqu’ici un tel luxe n’est pas permis à tout le monde.

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Tokhir invite souvent ses voisins pour qu’ils se réchauffent et regardent la télévision (illustration).

« Parfois, si un concert est diffusé, les enfants commencent à danser. Je les rejoins moi aussi, je ne le cache pas. Si l’on pense constamment à ce qui va mal, on peut devenir fou. Je n’ai pas besoin de grand-chose pour être heureux. Il me faut juste un réfrigérateur qui fonctionne afin que je puisse y stocker de la viande, du lait et du kefir pour ma femme et mon fils », rapporte-t-il.

Les rêves de Tokhir

L’été est très difficile à passer sans frigo. À tous ces problèmes s’ajoutent les mouches, qui sont très nombreuses ici à cause de la proximité de la décharge de la ville. Des odeurs désagréables en proviennent.

« Mon fils sera forcément médecin. Je rêve de lui acheter un ordinateur. Que Dieu me bénisse, cette année, je veux acheter un panneau solaire. Apparemment, ce serait bien moins cher à Douchanbé », raconte Tokhir.

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Il rêve également d’avoir un jardin. Il a déjà longuement réfléchi à un système d’irrigation au goutte-à-goutte, et au vu de son attitude, ce rêve n’est pas si lointain.

« Mais si le problème de l’électricité venait enfin à être résolu, je danserais pendant un mois complet et, de joie, j’emmènerais les enfants gratuitement à l’école », déclare Tokhir, que ses larmes n’embarrassent pas.

Aliya Khamidoullina
Journaliste pour Asia Plus

Traduit du russe par Madeleine Le Page

Édité par Judith Robert

Relu par Charlotte Bonin

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