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Comment les femmes trans sont discriminées au Tadjikistan

Au Tadjikistan, les femmes transsexuelles sont victimes de nombreuses discriminations. De l’accès à l’emploi aux services médicaux, ou encore à l’obtention de documents officiels, tout devient une épreuve due aux importantes stigmatisations dont elles sont victimes.

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Asia Plus 

Edité par : vlprzybylinski

Traduit par : ctrystram

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Manifestation Trans
Les femmes trans restent cachées au Tadjikistan (illustration). Photo : amnesty.org.

Au Tadjikistan, les femmes transsexuelles sont victimes de nombreuses discriminations. De l’accès à l’emploi aux services médicaux, ou encore à l’obtention de documents officiels, tout devient une épreuve due aux importantes stigmatisations dont elles sont victimes.

En 1993, le Tadjikistan a signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Cette convention souligne que les violences faites aux femmes constituent la première forme d’inégalité de genre. Le média tadjik Asia-Plus a publié les récits de femmes tadjikes sur la discrimination dont elles sont victimes.

« Rien sur nous sans nous » est un slogan suivi notamment par les journalistes qui écrivent sur les groupes vulnérables. Pour mieux comprendre les problèmes des personnes en situation de vulnérabilité, les principales sources d’information devraient être ces personnes elles-mêmes. Cependant, les femmes transsexuelles au Tadjikistan sont confrontées à un tel niveau de stigmatisation et de discrimination qu’elles ne peuvent pas communiquer avec les journalistes locaux, même de manière anonyme, sans risquer leur sécurité.

Les travaux les plus récents sur les personnes transsexuelles dans la presse nationale datent des années 2017-2018. Par la suite, la situation des femmes transsexuelles s’est aggravée non seulement au Tadjikistan, mais aussi là où elles tentaient d’émigrer, en Russie, où une loi interdisant le changement de sexe a été introduite. Elles en sont alors venues à refuser toute communication avec les journalistes.

Pour aborder la situation des femmes transsexuelles, Asia-Plus s’est appuyé sur les avis d’experts et les témoignages anonymes de femmes transsexuelles tadjikes, qui ont été publiés sur le site web du projet REAct.

L’histoire de Renata

Renata* choisit de quitter la Russie, où elle vivait et travaillait, pour se rendre dans son pays natal, le Tadjikistan, afin de modifier son statut de genre sur son nouveau passeport. Cependant, ses projets ont été sérieusement compromis à son arrivée. En effet, des policiers se sont intéressés à sa vie privée lorsqu’elle s’est rendue au poste pour soutenir une amie qui avait été arrêtée.

Après avoir appris qu’elle était transsexuelle, les forces de l’ordre l’ont interrogée avec insistance et ont saisi son téléphone, qui contenait un grand nombre d’informations personnelles.

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Bien que Renata ait été libérée par la suite, les policiers ne lui ont pas rendu son téléphone et ont continué à en surveiller le contenu. Elle a ensuite été invitée à revenir au poste de police car elle était accusée d’avoir envoyé de la pornographie. Il ne s’agissait en réalité que de photographies du processus de chirurgie mammaire envoyées à une amie.

L’absence des personnes transsexuelles dans la loi contre les discriminations

Cette histoire ne reflète qu’une petite partie du problème auquel sont confrontées les femmes transsexuelles au Tadjikistan. Bien que la transidentité ne soit pas punie par la loi, ces femmes sont contraintes d’endurer des humiliations constantes de la part de la population et de l’appareil d’Etat. Par conséquent, elles n’ont nulle part où se tourner pour obtenir de l’aide et une protection.

Les femmes transsexuelles n’essaient même pas de protéger leurs droits, connaissant à l’avance l’issue des tentatives de recours à la police. « Malheureusement, notre pays n’est pas un endroit sûr pour ces femmes », déclare Larissa Aleksandrova, spécialiste de l’égalité des genres et des droits humains. Elle explique que les femmes transsexuelles au Tadjikistan sont victimes d’une discrimination systémique.

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« Au Tadjikistan, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne sont pas abordées au niveau décisionnel. La loi sur l’égalité et l’élimination de toutes les formes de discrimination, récemment adoptée, en est un exemple. Alors qu’à la discussion, le projet de loi comprenait une interdiction des motifs de discrimination, y compris l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ces paramètres ont disparu du projet de loi final. Heureusement, la formulation reste inchangée, ce qui permet de protéger, entre autres, les personnes ayant d’autres orientations sexuelles et identités de genre, mais elles ne sont pas clairement énumérées, alors que ces groupes sont exposés aux formes de discrimination les plus fréquentes et les plus importantes dans notre société », ajoute Larissa Aleksandrova.

Les femmes transsexuelles privées de services de première nécessité

Selon les experts, les femmes transsexuelles n’ont pas accès aux services médico-sociaux élémentaires au Tadjikistan.

Par exemple, il n’existe pas de procédures d’accompagnement des adolescents, de visite et de suivi par un psychologue, ni de protocoles pour bénéficier d’une thérapie hormonale.

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De plus, il est presque impossible d’obtenir des papiers après leur transition, de sorte que les femmes transsexuelles ne peuvent pas accéder à des services de première nécessité tels que se rendre au centre de santé, ouvrir un compte en banque, trouver un emploi ou quitter le pays.

Une juridiction ambiguë

Pourtant, dans les lois tadjikes sur l’enregistrement par l’Etat des actes d’état civil et les documents certifiant l’identité, la modification des documents d’identité des personnes ayant effectué une transition n’est pas explicitement interdite. Selon la loi, les motifs de modification des documents officiels comprennent l’enregistrement d’un changement de prénom, de nom de famille ou de patronyme. Le bureau d’état civil autorise le changement définitif de nom sur présentation d’un document certifiant le changement de sexe, délivré par une institution médicale. Or, cette institution relève en fait du ministère de la Santé.

Larissa Aleksandrova explique également que « en tant que spécialiste des questions de genre, j’ai fait parvenir une lettre officielle au ministère pour demander des éclaircissements et quelques détails. »

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La lettre posait de nombreuses questions comme : « Les normes nationales relatives à l’aide médico-sociale des personnes transgenres et transsexuelles ont-elles été adoptées en s’appuyant sur le système de classification statistique international des maladies et des problèmes de santé connexes (CM-11) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ? […] Existe-t-il des formulaires de changement de sexe délivrés par les organisations médicales pour apporter des corrections, des modifications ou des ajouts au registre de l’état civil ? »

Des risques d’humiliations en présentant son passeport

Face à ces questions, la réponse du ministère de la Santé a été la suivante : « Sur le territoire du Tadjikistan, aucune opération de changement de sexe n’a été pratiquée dans un établissement de santé publique. »

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Sans ce formulaire, le bureau de l’état civil n’est pas en mesure de modifier l’acte de naissance, et sans celui-ci, un nouveau passeport ne peut être délivré. Les femmes transsexuelles sont alors contraintes de vivre avec un passeport établi à un nom masculin, et risquent de subir tout au moins des insultes et des humiliations s’il leur est demandé de le présenter. Les hommes transsexuels vivant avec un passeport établi à un nom féminin ne sont pas soumis à de tels risques d’agression.

Des procédures humiliantes

Les tribunaux discriminent également les personnes transsexuelles et les soumettent à des examens médico-légaux au cours desquels elles subissent des procédures humiliantes. Les médecins en question ne sont pas des spécialistes et les obligent à se déshabiller, à examiner leurs organes génitaux et à procéder à des analyses chromosomiques.

Ces inspections et analyses ne permettent pourtant pas de déterminer la transidentité. Néanmoins, des psychiatres et parfois des endocrinologues sont tout de même présents lors de ces expertises. Ce sont eux qui donnent les conclusions sur la base desquelles un changement de sexe est autorisé.

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Or, « selon les normes internationales, le changement de sexe n’est que l’une des méthodes auxquelles les personnes transsexuelles ont recours pour réaliser leur transition », insiste Larissa Aleksandrova.

*Le nom a été changé

La rédaction d’Asia-Plus

Traduit du russe par Coline Trystram

Edité par Vladimir Przybylinski

Relu par Charlotte Bonin

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