Accueil      Guerre en Ukraine : des ressortissants centrasiatiques condamnés pour mercenariat

Guerre en Ukraine : des ressortissants centrasiatiques condamnés pour mercenariat

Pour la première fois depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, des ressortissants ouzbeks, kirghiz et kazakhs ont été condamnés à des peines de prison pour avoir participé aux hostilités.

Procès Condamnation
Des ressortissants centrasiatiques ont été condamnés pour mercenariat (illustration). Photo : Towfiqu Barbhuiya / Pexels.

Pour la première fois depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, des ressortissants ouzbeks, kirghiz et kazakhs ont été condamnés à des peines de prison pour avoir participé aux hostilités.

Le 23 octobre dernier, une première condamnation a été prononcée en Ouzbékistan pour des faits de mercenariat dans le cadre de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, rapporte le média ukrainien Obozrevatel. I. K., 38 ans, a été condamné à cinq ans de prison, reconnu coupable du crime de mercenariat, conformément à l’article 154 du code pénal d’Ouzbékistan.

Aidées par la base de données ukrainienne Peacemaker, qui recense les « ennemis de l’Ukraine » depuis 2014, les autorités ouzbèkes ont pu identifier I. K. comme mercenaire, détaille Radio Ozodi, la branche tadjike du média américain Radio Free Europe.

Grâce à un répertoire accessible sur Internet, la justice a découvert que l’accusé aurait travaillé entre 2014 et 2015 dans l’armée de la République autoproclamée de Donetsk. Si les noms des personnes consignées sur ce site Internet ne constituent en rien des informations officielles, elles permettent néanmoins d’établir que le jeune homme était bien en Ukraine à cette période.

I. K. a bien essayé de démentir les accusations en soulignant que l’arme qui apparait sur la photo utilisée comme preuve est en fait une arme à air comprimé, en libre vente au Tatarstan, où il était parti travailler. Mais deux témoignages et plusieurs messages ont joué en sa défaveur. Dans une conversation par messages, il aurait partagé des informations sur les « opérations militaires en Ukraine », indiquant qu’il se serait déplacé pour participer aux hostilités.

L’appât du gain

Au Kazakhstan, l’accusation de mercenariat est passible d’une peine d’emprisonnement de sept à dix ans, parfois avec confiscation des biens.

Ainsi, A. C., 34 ans, originaire de la région de Karaganda, a été condamné pour mercenariat, rapporte Radio Azattyq, la branche kazakhe de Radio Free Europe. Il devra effectuer une peine de six ans et huit mois de prison et payer une amende de 205 590 roubles (2 091 euros), pour avoir rejoint les rangs de Wagner entre avril et mai 2023. Le tribunal l’a déclaré coupable « pour avoir commis une infraction grave contre la paix et la sécurité de l’humanité », visant à « renverser ou atteindre l’ordre constitutionnel ou à violer l’intégrité territoriale d’un Etat. »

Lire aussi sur Novastan : Un an de guerre en Ukraine : qu’est-ce qui a changé pour l’Asie centrale ?

Selon l’enquête, A. C. aurait été enrôlé sur les réseaux sociaux. Sa motivation principale : un salaire juteux. Etant alors au chômage, une offre d’emploi proposant un salaire de 240 000 roubles (2 445 euros) par mois l’aurait décidé à rejoindre Wagner.

« Il n’y a pas de guerre, mais une opération de libération de la population »

Parti en avril, il aurait signé dès son arrivée un contrat pour aller au front et participer aux hostilités. Il est alors déployé dans la région de Bakhmout et travaille dans l’artillerie. Au début du mois de mai, il est chargeur de canon et reçoit un éclat d’obus dans le bras. Après son hospitalisation, il reçoit une récompense de 235 000 roubles (2 392 euros) et retourne au Kazakhstan : il est arrêté et détenu à Petropavlosk dans la région de Karaganda.

Envie de participer à Novastan ? Nous sommes toujours à la recherche de personnes motivées pour nous aider à la rédaction, l’organisation d’événements ou pour notre association. Et si c’était toi ?

Le condamné a fait appel à deux reprises, une première fois en septembre, une seconde fois en novembre. Il a demandé l’annulation de la condamnation, un nouveau jugement et un allègement de peine, demandes réexaminées par la Cour mais rejetées.

Selon A. C., il aurait été induit en erreur par le groupe Wagner, qui lui aurait assuré qu’il ne violait pas la loi car « il n’y a pas de guerre [en Ukraine], mais une opération de libération de la population civile. »

Kirghizstan : une relaxe…

Deux condamnations ont été prononcées depuis le début de la guerre en Ukraine au Kirghizstan.

A Bichkek, le ressortissant A. K. a été arrêté en janvier 2023 et condamné en mai à dix ans de prison. Il était accusé d’avoir participé à des opérations de reconnaissance et fourni des installations de mortiers et des munitions sur la ligne de front pour l’armée russe, rapporte le média kirghiz Kloop.

Lire aussi sur Novastan : Comment la Russie recrute des citoyens centrasiatiques pour la guerre en Ukraine

Mais après avoir fait appel, A. K. a réussi à démentir partiellement les accusations : il a expliqué qu’il s’était engagé dans l’armée pour obtenir un passeport russe mais qu’il n’a jamais participé aux opérations militaires.

Après réexamen de son dossier en août dernier, la Cour suprême a finalement annulé la peine de l’accusé, condamné finalement à trois ans de surveillance probatoire.

…Et une condamnation

Une autre condamnation pour mercenariat aux côtés de la Russie a été rendue en janvier dernier au tribunal de Naryn. B. B., 27 ans, a écopé de cinq ans de prison pour avoir combattu dans les rangs de Wagner, écrit Kloop.

Envie d'Asie centrale dans votre boîte mail ? Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter hebdomadaire en cliquant ici.

Selon la femme de l’accusé, son mari se serait rendu en Russie en 2020 pour y travailler, mais se serait fait arrêter un an après pour possession de drogues. C’est à la fin de l’année 2022 qu’il aurait été recruté en prison et envoyé sur le front ukrainien.

Ainsi, B. B. est le deuxième Kirghiz à être jugé par les tribunaux de son pays pour participation aux hostilités en Ukraine.

Ottilie Pascal
Rédactrice pour Novastan

Relu par Charlotte Bonin

Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@novastan.org. Merci beaucoup !

Commentaires

Votre commentaire pourra être soumis à modération.