L’investiture de Donald Trump bouleverse les relations internationales. De plus, la suppression de la majeure partie des aides par l’Agence de développement des Etats-Unis pèse déjà sur de nombreuses régions, dont l’Asie centrale. Mais que faut-il attendre pour la suite du mandat ?

Le média centrasiatique Cabar Asia a interrogé trois experts, qui estiment que l’administration du nouveau président américain poursuivra sa politique précédente à l’égard de l’Asie centrale. D’après l’un d’eux, les pays de la région ne se concentrent pas sur les États-Unis. Dans certains cas, les décisions de Donald Trump risquent de prendre un caractère inattendu et imprévisible. Cependant, les principales orientations de sa politique resteront inchangées, affirme un autre.

Novastan propose une série de trois entretiens sur la question avec des spécialistes. Dans cet article, un politologue tadjik qui a demandé l’anonymat estime que la politique américaine envers l’Asie centrale restera stable.

Cabar Asia : Peut-on s’attendre à une politique stable et prévisible envers les pays d’Asie centrale de la part de la nouvelle administration de Donald Trump ?

Sur certains points principaux, ce sera prévisible – cela concerne la pression continue sur l’Iran, le soutien d’Israël contre le Hamas à Gaza, une position dure contre la Chine. On peut supposer que Donald Trump essaiera de réduire les prix mondiaux du pétrole, ce qui est l’un des principaux postulats de son programme économique et géopolitique.

D’autre part, de nombreuses questions restent floues, notamment la manière exacte dont il compte atteindre ses objectifs et tenir ses promesses électorales. Par exemple, Donald Trump a promis de résoudre le conflit russo-ukrainien dans les plus brefs délais.

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Beaucoup dépendra de facteurs objectifs ainsi que des événements politiques et économiques auxquels Donald Trump devra réagir. Il est tout à fait possible que dans certains cas, ses décisions ou actions soient inattendues et imprévisibles. Cependant, les principales orientations de sa politique resteront stables.

Comment le format C5+1 fonctionnera-t-il à l’avenir ? Peut-on parler de sa disparition ?

L’avenir du format C5+1 et la politique des États-Unis envers l’Asie centrale dépendront également en grande partie de facteurs objectifs, tels que le développement et le déroulement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine ou la situation en Afghanistan.

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En général, il ne faut pas s’attendre à des changements majeurs dans la politique américaine à l’égard de notre région. Tout d’abord, la stratégie de politique étrangère des États-Unis, dans ses grandes lignes, est déterminée pour les années à venir. Ainsi, quel que soit le nouveau président, il ne pourra pas modifier radicalement la stratégie et la politique de l’État.

Quel pays de la région peut devenir un partenaire clé de Washington ?

Très probablement, sous les républicains, les États-Unis maintiendront des relations avec tous les pays d’Asie centrale. Cependant, l’Ouzbékistan est considéré par les Américains comme un potentiel partenaire de premier plan. La raison en est que, contrairement à ses autres voisins, il est moins « restreint » économiquement et politiquement par la Chine et la Russie.

Si Donald Trump parvient à mettre fin aux hostilités, quel impact cela aura-t-il sur les pays d’Asie centrale ? La Russie pourra-t-elle rétablir dans la région l’influence qu’elle exerçait avant l’invasion de l’Ukraine ?

Si Donald Trump parvient à obtenir la fin à la guerre en Ukraine, cela aura un impact extrêmement favorable sur l’économie de la région, notamment en raison de la reprise du marché du travail russe, qui emploie des millions de migrants d’Asie centrale.

Dans une certaine mesure, cela permettra à la Russie de rétablir son influence dans la région, mais à peine au niveau précédent d’avant-guerre. Néanmoins, pendant cette période, d’autres partenaires, principalement la Chine, ont renforcé leurs positions dans la région, auxquelles la Chine n’a pas l’intention de renoncer.

Quel avenir attend les projets d’infrastructures intergouvernementales dans la région, d’autant plus que beaucoup d’entre eux réduisent la présence économique de la Russie ?

Les projets d’infrastructure internationaux dans la région continueront de se développer dans les années à venir, car leur principal sponsor est la Chine, qui réduira probablement ses investissements dans cette direction. Il est peu probable que le gouvernement de Donald Trump interfère avec la mise en œuvre de ces projets, notamment le corridor transcaspien, qui permettra de contourner la Russie.

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Sa réalisation contribuera à affaiblir le rôle et l’influence de Moscou dans l’espace post-soviétique. Par ailleurs, ces nouveaux corridors de transport suscitent un grand intérêt de la part de nombreux acteurs régionaux et internationaux, ce qui compliquerait toute tentative de blocage de la part de Donald Trump, qui aurait peu de leviers pour entraver ces projets.

Dans le passé, Donald Trump a réussi à réduire considérablement l’isolement d’Israël dans le monde arabe, allant jusqu’à être sur le point de normaliser les relations entre l’Arabie saoudite et Israël. Sera-t-il capable d’obtenir le même succès maintenant ? Cela pourrait-il conduire à l’isolement de l’Iran ?

En ce qui concerne le conflit à Gaza, le gouvernement de Trump adoptera une position ferme en faveur d’Israël. L’année prochaine, les perspectives de négociations entre Arabes et Israéliens pourraient se renforcer, car les deux parties commencent à être épuisées par le conflit et ressentent le besoin de faire une pause. On pourrait dire la même chose pour le conflit en Ukraine.

La nouvelle administration américaine pourrait saisir l’opportunité de promouvoir un certain nombre de nouveaux accords entre les parties, ce qui permettrait au moins de mettre fin aux hostilités et de faire progresser le processus de paix. Il est possible qu’à l’avenir, les discussions sur la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes reprennent, mais cela semble peu probable dans un avenir proche. Les sentiments anti-israéliens au sein de la population des pays arabes ont trop grandi, et leurs dirigeants devront tôt ou tard en tenir compte.

L’Union européenne sera-t-elle un remplacement efficace pour les États-Unis qui contrebalancera la présence de la Chine et de la Russie dans la région ?

L’Union européenne ne sera pas en mesure de remplacer complètement les États-Unis dans la région, bien que son influence dans l’espace post-soviétique et en Eurasie dans son ensemble augmentera. Dans les années à venir, l’équilibre dans la région penchera vers la Chine, ce qui augmentera sa présence et son influence aux dépens de la Russie.

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En général, Vladimir Poutine et ses politiques ont causé des dommages graves et largement irréparables aux intérêts et à la présence russes à long terme dans la région. Sa guerre en Ukraine et la confrontation avec l’Occident ont perturbé l’équilibre existant dans la région et ont créé les conditions de l’émergence de nouveaux acteurs géopolitiques qui ont l’intention de combler activement le vide qui s’est créé.

Donald Trump est connu pour son attitude sceptique à l’égard du réchauffement climatique. Comment cela affectera-t-il le monde, y compris la région ? Après tout, la position des grandes puissances affecte le programme climatique mondial.

Donald Trump ne sera pas en mesure de changer de manière significative le programme de lutte contre le réchauffement climatique au niveau mondial. Il existe déjà un consensus établi sur cette question, qui est partagé par la plupart des pays développés à un degré ou à un autre. Donald Trump peut dans une certaine mesure retarder ou influencer le processus de résolution de ce problème, par exemple, en augmentant la production de pétrole aux États-Unis, mais pas violer le consensus existant.

Donald Trump n’a également jamais montré beaucoup d’intérêt pour les droits de l’Homme. Que devrait attendre la société civile des pays d’Asie centrale de la nouvelle administration ?

Pour ce qui est des droits de l’Homme et le soutien de la société civile, même sans Donald Trump, les programmes ont régulièrement diminué au cours des deux dernières décennies. Par conséquent, l’arrivée de Trump ne fait qu’accélérer ce processus.

Vous retrouverez les entretiens sur le même sujet avec Roustam Bournachev, professeur à l’université kazakhe-allemande, ici, et avec Temour Oumarov, chercheur au centre Carnegie de Berlin, ici.

Marat Mamadchoïev
Journaliste pour Cabar Asia

Traduit du russe par Lisa D’Addazio

Edité par Paulinon Vanackère

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