Une équipe d’archéologues a découvert un garde-manger datant des VIIème et VIIIème siècles sur le site de Kafir-Kala, au sud de Samarcande, en Ouzbékistan. Cette forteresse était une place forte et commerciale des rois Sogdiens, marchands prospères sur l’ancienne route de la Soie, à l’époque pré-islamique. La découverte de denrées alimentaires et de matériaux d’art confirme que les rois Sogdiens avaient adopté différentes cultures et traditions, distinctes géographiquement et historiquement.
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C’est une découverte d’importance. En septembre 2019, l’institut d’archéologie d’Ouzbékistan, en collaboration avec l’Académie des Sciences d’Ouzbékistan, l’université Tezukayama de Nara et le Musée national d’ethnologie du Japon découvrent un garde-manger sur le site de Kafir-Kala, à 12 kilomètres au sud de Samarcande, dans le centre de l’Ouzbékistan. Ce garde-manger, long de 11,2 mètres et large de 3,1 mètres, faisait partie d’un lieu clé de l’ancienne route de la Soie reliant la Chine à Europe par l’Asie centrale, comme l’a relaté le journal japonais Asahi Shimbun le 2 avril dernier. Les chercheurs ont publié leurs résultats en août 2020 dans la revue Acta Asiatica.
Ce que contient le garde-manger
Dans une interview donnée à Novastan, Alisher Begmatov, chercheur à l’Académie des Sciences de Berlin-Brandebourg et membre de l’expédition archéologique, date ces découvertes de la fin du VIIème et du début du VIIIème siècles, “ d’après les pièces de monnaie présentes dans la strate dans laquelle ces objets ont été découverts”. Il précise que le garde-manger contenait “un grand nombre de céramiques, quelques vases en bois » ainsi que des pièces de monnaie, des empreintes de sceau et des matières organiques “actuellement soumises à l’étude”. Il s’agirait d’ail et de haricots, de traces de céréales, de boissons et de noix dont la présence pourrait révéler l’existence d’une domestication du fruit dans la région dès cette époque, d’après Alisher Begmatov.
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“Il est assez rare de trouver un si grand nombre de matières organiques dans les plaines centrasiatiques en général”, précise Alisher Begmatov. Mais des traces similaires sont présentes dans les hauteurs de la Sogdiane, l’ancien nom de l’Asie centrale actuelle, car les régions montagneuses conservent mieux les matières organiques.
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Dans les années 1930, des documents économiques en langue sogdienne, retrouvés dans les Monts Mough au Tadjikistan, avaient révélé la consommation de blé, de haricots et de vin. Les récentes fouilles de Kafir-Kala devraient donc en donner une nouvelle preuve matérielle.
Qui étaient les rois Sogdiens ?
Les Sogdiens sont associés à la région historique de la Sogdiane. Cette zone est située au cœur de la route de la Soie, désignant ces itinéraires commerciaux complexes reliant la Chine à l’Europe depuis l’Antiquité. Les rois sogdiens sont donc des figures incontournables de la période pré-islamique en Asie centrale. Grands commerçants, ils possédaient des comptoirs en Chine, au Siam et même à Byzance entre le IIème et le VIIIème siècle.
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Kafir-Kala était une citadelle, à la fois place forte et place commerciale. Il s’agit d’un site archéologique important, qui avait déjà révélé plusieurs sceaux au début des années 2000. Ces nouvelles découvertes confirment que les rois sogdiens avaient adopté différentes cultures et traditions provenant notamment des civilisations grecques et est-asiatiques, selon l’Asashi Shimbun. Et cela se traduit notamment dans certains matériaux d’art.
La découverte d’un art pré-islamique complexe
Le site révèle en effet bien d’autres richesses. “Nous avons découvert de nombreux matériaux d’art sogdiens, qui montrent la complexité de l’art local pré-islamique, celui-ci combinant plusieurs traditions artistiques, y compris des cultures géographiquement et historiquement éloignées à travers l’Eurasie”, explique Alisher Begmatov. Environ 700 sceaux ont par exemple été mis au jour, “la plus grande quantité découverte jusque là en Asie centrale”, précise le chercheur.
Ces sceaux “représentent certaines facettes uniques de l’art sogdien, incorporant diverses traditions artistiques; hellénistique, gréco-romaine, kushan, sassanide, kushano-sassanide, indienne et turque”, autant de traditions mêlées qui attestent du dyamisme des échanges culturels Est-Ouest au coeur de la Sogdiane.
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Parmi ces découvertes, Alisher Begmatov évoque en particulier des sculptures en bois, portant la figure de la déesse Nana originaire de Mésopotamie. Les Français pourront les découvrir en avril 2022 au Louvre, à l’occasion d’une exposition de plus de 350 artefacts venant d’Ouzbékistan.
Adeline Chaverot Rédactrice et trésorière adjointe de Novastan
Relu par Jacqueline Ripart
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