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L’enregistrement à Tachkent, une réforme ambitieuse aujourd’hui en panne

A écouter les paroles des plus hauts responsables politiques ouzbeks, l’enregistrement était une pratique administrative désuète dont les jours étaient comptés. Pourtant, des paroles aux actes, il n’y a qu’un pas que l'administration ne semble pas prête à franchir, tant le projet de réforme final ne propose pas de changement profond.

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Une réforme ambitieuse en panne.

A écouter les paroles des plus hauts responsables politiques ouzbeks, l’enregistrement était une pratique administrative désuète dont les jours étaient comptés. Pourtant, des paroles aux actes, il n’y a qu’un pas que l’administration ne semble pas prête à franchir, tant le projet de réforme final ne propose pas de changement profond.

Novastan reprend et traduit ici un article publié en mars 2020 par le média ouzbek Hook.report.

En janvier dernier, lors de son adresse au Parlement, Chavkat Mirzioïev était sans équivoque :  « Cela fait 30 ans que le système actuel d’enregistrement enchaîne nos citoyens”.  Le président de la République d’Ouzbékistan faisait alors référence à l’obligation, héritée du système soviétique mais encore en vigueur aujourd’hui, pour tout citoyen ouzbek de devoir justifier d’une autorisation similaire à un permis de séjour dans la ville où il réside officiellement. 

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Ce système, véritable frein aux migrations internes, est régulièrement critiqué comme étant un facteur de ralentissement du développement. 

Un projet de réforme ambivalent

Or, contres toutes attentes, la réforme proposée par le Ministère de l’Intérieur semble prendre une direction opposée. Si le discours de Chavkat Mirziyoye avait pu laisser penser que le système d’enregistrement serait, sinon purement supprimé, au moins considérablement simplifié, le projet publié rend le processus encore plus complexe qu’il ne l’était.

Un nouveau système électronique intitulé Manzil (adresse en ouzbek) a été mis en place. Une personne qui change de lieu de résidence dispose dorénavant de 10 jours pour fournir les nouveaux documents nécessaires à son enregistrement.

La liste des personnes pouvant prétendre à un permis de séjour permanent à Tachkent reste la même, et, surtout, les conditions d’obtention de ce type de permis ne sont pas moins nombreuses. 

Au contraire, une condition supplémentaire est apparue. Aujourd’hui, les habitants enregistrés hors de Tachkent ont la possibilité d’acheter collectivement des biens immobiliers dans de nouveaux bâtiments de la capitale, ce qui leur permet de recevoir un permis de séjour. Cela ne sera plus possible avec cette réforme, dans la mesure où un propriétaire unique pour être indiqué par appartement. 

Le projet de réforme affecte également le permis de séjour dit « familial ». Aujourd’hui, une personne peut obtenir un permis de séjour à Tachkent si elle se marie avec une personne enregistrée dans la capitale. En cas de divorce, le permis obtenu devient caduque au bout d’un an. Le ministère de l’Intérieur propose de porter désormais cette période à trois ans.

Enfin, il est également question d’abolir la condition d’acquisition de biens, qui porte aujourd’hui uniquement sur des bâtiments neufs. Il est possible que cela permette le développement d’un marché immobilier de résidences secondaires.

Une réforme en contradiction avec les promesses initiales 

Alors où est le problème dans le projet du ministère de l’Intérieur ? Précisément dans le fait que cette réforme pourrait saper la confiance dans les autorités, car le document va clairement à l’encontre des nombreuses déclarations politiques et promesses qui ont été faites à ce sujet.

Dès le lendemain du discours du président ouzbek au Parlement, les représentants politiques se sont soudainement mis à critiquer le système administratif du permis de séjour.

On a pu notamment entendre le vice-premier ministre Djamshid Kutchkarov déclarer : « Le système de l’enregistrement ne dispose pas de base juridique, il doit être supprimé”.  Le directeur du Centre national des droits de l’homme, Akmal Saidov, estimait de son côté que  « du point de vue de la législation internationale, le permis de séjour est considéré comme une discrimination. »

Lire aussi sur Novastan : L’Ouzbékistan va annuler l’enregistrement des ressortissants étrangers

Puis, en février, le ministère de l’Intérieur lui-même, Aziz Ikramov, déclarait que le permis de séjour était “un système obsolète ». Dans le même temps, il annonçait le remplacement du permis de séjour par celui de l’enregistrement, en se basant sur des retours d’expérience internationale, inspirés notamment du Japon et de Malte. 

Toujours est-il que, en opposition frontale à ces déclarations, la dénomination « permis de séjour » compte pas moins de 194 occurrences dans le nouveau projet.

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Maintenir le système du permis de séjour alors que dans le même temps le gouvernement a annulé cette année la condition de son existence pour l’achat d’une propriété à Tachkent semble incompréhensible. 

Un système orienté vers le suivi des populations

En somme, s’il est difficile de prédire ce qu’il adviendra de cette réforme, il est possible que ces nouvelles règles aboutissent à une modification de la raison d’être de ce système. 

L’enregistrement ne serait alors plus un frein à l’installation de nouveaux arrivants à Tachkent, mais serait davantage un outil de suivi des mouvements de population. La mise en place d’un système numérique permettra également de mettre à jour les données plus rapidement. Enfin, l’enregistrement n’apparaîtra plus dans le passeport sous la forme d’un tampon administratif, mais constituera une ligne distincte sur la carte d’identité.

Yakov Chamoukhamedov et Darina Solod
Hook.report

Traduit du russe par Leonora Fund

Edité par Grégoire Odou

Relu par Guilhem Sarraute

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