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Kirghizstan : la police jugée inefficace face au harcèlement

Au Kirghizstan, la police a refusé la plainte d'une jeune fille dénonçant le harcèlement dont elle avait été victime de la part d'un chauffeur de taxi. Ce n'est pas la première fois que les femmes victimes d'agression voient leurs plaintes être ignorées par la police.

Police Voiture
Au Kirghizstan, les victimes de harcèlement se disent ignorées par la police (illustration). Photo : Pexels.

Au Kirghizstan, la police a refusé la plainte d’une jeune fille dénonçant le harcèlement dont elle avait été victime de la part d’un chauffeur de taxi. Ce n’est pas la première fois que les femmes victimes d’agression voient leurs plaintes être ignorées par la police.

Le 2 octobre dernier, une jeune fille de 17 ans s’est rendue au commissariat à Och au Kirghizstan afin de dénoncer le harcèlement qu’elle venait de subir de la part d’un chauffeur de taxi. Une vidéo de la jeune fille en pleurs a circulé sur les réseaux sociaux. Comme le rapporte le média kirghiz Kloop, elle se plaint d’avoir été raccompagnée à la porte du poste par les policiers, qui n’ont pas pris la pleine mesure de ce qu’elle leur disait.

Cette jeune fille n’est pas la seule à subir les comportements abusifs des chauffeurs de taxis au Kirghizstan et à faire face à une police peu réactive.

Des agressions généralisées

Les agressions dans les taxis sont généralisées. 81 % des femmes ayant répondu au questionnaire en ligne réalisé par la campagne d’information sur la sécurité des taxis en Asie centrale ont déjà été victimes de harcèlement et d’agression dans les taxis. Dans 71 % des cas, il s’agissait de harcèlement verbal : elles subissent des blagues et sous-entendus obscènes. Pendant le trajet, les chauffeurs insistent afin d’apprendre à les connaître plus intimement.

Les témoignages de harcèlement verbal sont nombreux : « Il a commencé à dire des choses absurdes sur ce qu’il ferait s’il avait mon âge », « il s’est tourné vers moi et m’a dit que nous devrions avoir une petite romance ». Certaines racontent que le chauffeur a bloqué les portes du véhicule lorsqu’elles refusaient des avances.

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29 % des femmes disent également avoir subi des agressions sexuelles de la part d’un chauffeur de taxi. Le danger du harcèlement dans les taxis est qu’une fois victime, la personne peut toujours être recontactée par son agresseur car ce dernier dispose de son numéro de téléphone et de son adresse.

Le harcèlement vu par la législation

Les victimes de harcèlement ne dénoncent que très rarement les faits aux autorités. Comme l’indique l’ONU, les victimes doivent faire face à des défis majeurs. Premièrement, il n’existe aucune loi protégeant les victimes de harcèlement sexuel dans le pays. Les femmes ne se sentent donc pas protégées par la loi, et dénoncer les agressions subies leur parait inutile.

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Adinaï Japaralieva, militante des droits humains, résume ainsi la situation des victimes de harcèlement au Kirghizstan : « Les femmes sont critiquées lorsqu’elles parlent des cas de harcèlement dont elles sont victimes. La plupart du temps, elles disent que même leur famille ne les soutient pas, sans parler des lois. J’ai aidé plusieurs femmes qui se sont officiellement plaintes, mais il n’y a pas de base législative pour punir un harceleur. »

Une police souvent indifférente

Les femmes ayant tenté la démarche se sont heurtées à une police brutalement sarcastique et déconnectée. En 2019, l’association kirghize des femmes juges a réalisé une étude sur le harcèlement sexuel. Ces recherches révèlent que « la victime sera le plus souvent blâmée pour cette situation, sous-entendant qu’elle a provoqué le harcèlement par son comportement. C’est la principale raison pour laquelle les victimes ne s’adressent pas aux forces de l’ordre ».

La plupart des femmes savent que « si elles essaient de soulever la question du harcèlement, elles deviendront l’objet de moqueries sarcastiques », indique Adinaï Japaralieva.

Une jeune femme témoigne de son agression et du déroulement de la procédure : selon elle, « on préférait qualifier [l’agresseur] de romantique, […] on se contentait de lui parler de son comportement et de classer l’affaire ». En effet, comme le mentionne cette jeune femme, aucune distinction n’est faite entre flirt et harcèlement. Beaucoup font l’amalgame en pensant que les compliments bien intentionnés seraient en quelque sorte balayés par la lutte contre le harcèlement.

Des dysfonctionnements de la justice

Si l’inaction de la police est connue en matière de harcèlement, elle l’est aussi pour des cas plus graves. En septembre dernier, l’agression particulièrement violente d’une femme par son ex-mari a révolté le pays, rapporte Kloop. La population a été bouleversée tant par l’acte lui-même que par la réaction des autorités.

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Un homme a en effet coupé le nez et les oreilles de son ex-femme, alors même qu’elle avait sollicité la police à de nombreuses reprises, craignant d’être attaquée. La société kirghize a remis en question le fonctionnement de la police, mais aussi celui de la justice, les condamnations dans de telles affaires n’étant souvent pas jugées à la hauteur.

Pour la société civile, ce cas est loin d’être isolé et il faut chercher des « solutions systémiques » au problème.

Camille Chilla
Rédactrice pour Novastan

Relu par Charlotte Bonin

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