Accueilli en grande pompe à Bichkek, le président de l’Ouzbékistan Chavkat Mirzioïev était en visite d’Etat au Kirghizstan au mois de janvier. Sa venue marque définitivement un tournant dans les relations ouzbéko-kirghizes, sur fond d’un contexte politique mouvementé au Kirghizstan.
La rencontre a enfin eu lieu. Le 26 janvier dernier, le président ouzbek Chavkat Mirzioïev a atterri à Bichkek et été accueilli par le président kirghiz Sadyr Japarov, dans le cadre d’une visite d’Etat de deux jours. Ce voyage officiel a été de nombreuses fois reporté : d’abord prévue fin novembre, la visite a été décalée à la première quinzaine de décembre, puis toute fin 2022, avant d’être officiellement annoncée pour le 26 janvier, rappelle Radio Azattyq, la branche kirghize du média américain Radio Free Europe.
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Rafael Sattarov, un expert ouzbek en relations internationales interrogé par Radio Azattyq, estime que cette longue attente autour de la rencontre est due à la situation politique agitée au Kirghizstan, même si les autorités ouzbèkes invoquent la situation climatique et énergétique difficile en Ouzbékistan depuis le début de l’hiver.
La rétrocession de Kempir-Abad définitivement actée
En effet, la visite du président ouzbek fait suite à la signature des accords sur le réservoir de Kempir-Abad, situé dans la région d’Och au Kirghizstan. A la suite de cet accord, le Kirghizstan conserve plus de 19 000 hectares de terres et cède à l’Ouzbékistan 4 485 hectares, dont le très important et stratégique réservoir de Kempir-Abad. Selon le projet d’accord, le Kirghizstan et l’Ouzbékistan établiront une coentreprise pour gérer le réservoir, relate le média ouzbek Kun.uz.
C’est ce qui a provoqué de vives manifestations de la société civile kirghize, opposée à la rétrocession du réservoir. En octobre dernier, les responsables kirghiz et ouzbeks annonçaient avoir établi un accord concernant un tronçon de frontière comprenant le réservoir de Kempir-Abad. Les autorités kirghizes ont arrêté et emprisonné plus d’une vingtaine de politiciens et militants qui s’y opposaient.
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L’accord a été signé par les deux ministères des Affaires étrangères début novembre dernier et adopté par les deux parlements dans les semaines suivantes, puis les présidents ont signé le traité séparément à la fin du mois, rappelle The Diplomat.
Une vingtaine d’accords de coopération signés
Lors de la visite, une vingtaine d’accords ont été signés entre les deux pays, comprenant une coopération économique et politique dans de nombreux domaines, reprend Gazeta.uz. Un des accords les plus importants est sans doute celui permettant aux citoyens ouzbeks et kirghiz de franchir la frontière commune des deux pays avec leur seule carte d’identité.
La « frontière de l’amitié », comme l’a appelée le président kirghiz, pourrait être le réel point de départ d’une coopération beaucoup plus approfondie entre les deux pays. Il s’agit d’un vrai « moment historique » pour les deux pays, note l’expert Arakady Doubnov auprès de Radio Free Europe, car l’amitié entre les deux pays revient de loin.
La fin d’une période de tension entre les deux pays
Une des plus grandes épines des relations ouzbéko-kirghizes résidait dans la gestion de l’eau. Au Kirghizstan, la construction de la centrale hydraulique de Kambarata aurait un impact sur le volume d’eau acheminé jusqu’en Ouzbékistan via la rivière Naryn, ce que l’ancien président Islam Karimov voulait à tout prix éviter.
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Le choix de Chavkat Mirzioïev d’une diplomatie ouverte a été décisif dans l’amélioration des relations avec le Kirghizstan et les autres voisins de l’Ouzbékistan. C’est ce qu’illustre l’accord pour construire conjointement avec le Kirghizstan et le Kazakhstan la centrale de Kambarata. Un rapprochement qui se traduit directement dans les chiffres du commerce. Entre 2016 et 2020, les échanges commerciaux entre l’Ouzbékistan et le Kirghizstan ont déjà été multipliés par 3,5, jusqu’à atteindre 903 millions de dollars (833 millions d’euros), notait en 2021 le Central Asian Analytical Network, plateforme issue du programme de la George Washington University.
Emma Collet
Rédactrice pour Novastan
Relu par Charlotte Bonin
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