BRUXELLES-ASTANA : UN NOUVEAU PONT CLIMATIQUE ? – Le Kazakhstan est confronté à une crise climatique due à la hausse des températures et aux menaces écologiques. Le réchauffement de l’Asie centrale est deux fois plus rapide que celui de la planète, ce qui présente des risques pour l’agriculture et la société. Il est urgent d’agir, en mettant l’accent sur la durabilité et la collaboration mondiale.
Comment les implications économiques, sociales et géopolitiques du changement climatique se manifestent-elles en Asie centrale ? Quels sont les cas d’urgence qui nécessitent une action immédiate ? Les mesures d’atténuation sont-elles suffisantes ? Pour répondre à ces questions, Novastan lance « Bruxelles-Astana, un nouveau pont climatique ? », une série d’articles consacrés au changement climatique au Kazakhstan, un projet fondé par Konstantin Blondeau-Mikhaïlov et Camille Ramecourt.
Tous les articles de la série peuvent être trouvés ici.
Des relations qui s’intensifient
En octobre dernier au Luxembourg, lors de la 19ème réunion ministérielle Union Européenne (UE)-Asie centrale, le Haut Représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a souligné que « les relations entre l’UE et nos partenaires d’Asie centrale continuent de s’intensifier d’année en année. »
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Exploiter les énergies renouvelables en Asie centrale
Malgré le vaste potentiel de l’Asie centrale en matière d’énergies renouvelables, la réalisation de celui-ci pose des défis, notamment en termes d’investissements, d’avancées technologiques et de nécessité de partenariats stratégiques. Le rôle proactif de l’UE dans le développement de projets d’énergie solaire au Kazakhstan, mis en évidence par le protocole d’accord signé lors de la COP-27, témoigne d’une approche visant à réaliser ce potentiel.
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Le portefeuille de l’UE comprend environ 120 millions d’euros de projets régionaux pour toute l’Asie centrale, explique Johannes Baur, chef de la coopération pour la délégation de l’UE au Kazakhstan, dans une interview accordée à Novastan. Ces projets complètent les programmes bilatéraux de l’UE dans les cinq pays, notamment en Ouzbékistan, au Kirghizstan et au Tadjikistan.
Il convient de noter le soutien de l’UE au parc éolien de 100 MégaWatts de Janatas au Kazakhstan, qui témoigne d’un investissement important dans l’infrastructure de l’énergie éolienne. L’investissement total pour ce projet est estimé à 160 millions de dollars (147 millions d’euros), dont 70 % sont financés par des prêts d’un consortium d’institutions financières internationales, dont la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).
Élargir le champ d’action : le potentiel géothermique et hydroélectrique
Les abondantes ressources naturelles de l’Asie centrale, notamment les potentiels géothermiques et hydroélectriques inexploités dans des pays comme le Tadjikistan et le Kirghizstan, ont également attiré l’attention de l’UE. Bien que prometteuse, la région est confrontée à des défis pour exploiter efficacement ces ressources, comme la nécessité de développer les infrastructures et de surmonter les obstacles techniques.
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Cela comprend des projets importants tels que la construction de la centrale hydroélectrique de Rogoun au Tadjikistan et les projets géothermiques prévus au Kirghizstan.
Initiatives stratégiques pour un paysage énergétique durable
Certaines initiatives stratégiques de l’UE en Asie centrale visent à encourager les échanges transfrontaliers d’énergie et à améliorer l’efficacité énergétique.
Parmi ces projets, le Central Asia-South Asia (CASA-1000), commencé en 2016 et dont la livraison, plusieurs fois reportée, est prévue pour 2025, qui permet le commerce de l’électricité entre les pays de la région, reçoit le soutien de la Banque d’investissement européenne (BIE) et l’EBRD à hauteur de 170 millions de dollars (156 millions d’euros).
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En outre, l’UE plaide en faveur d’une harmonisation des politiques énergétiques dans la région, en participant au Programme de coopération économique régionale pour l’Asie centrale afin d’aligner les politiques énergétiques, les cadres réglementaires et les normes entre les pays participants. Ces efforts contribuent à la création d’un marché régional de l’énergie intégré et efficace.
L’eau, une ressource transfrontalière
Dans le domaine de l’eau, les initiatives de l’UE visent à encourager la coopération sur les ressources transfrontalières, à promouvoir l’efficacité de son utilisation et à soutenir des cadres politiques solides pour sa gestion durable. En 2019, la Commission européenne dépeint le sujet de la coopération dans le domaine de l’eau sous le prisme environnemental : l’UE contribue à la formation d’experts d’Asie centrale pour une gestion intégrée de l’eau. L’aspect sécuritaire est également souligné, la ressource commune étant de plus en plus rare.
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Alouddine Komilov, chercheur au Centre pour les réformes progressives en Ouzbékistan, constate auprès de Novastan la présence croissante de l’Europe, dont la région peut bénéficier. Il cite par exemple le Fonds européen pour le développement durable Plus, qui est une structure assez innovante.
Dans le cadre du programme Global Gateway qui promeut la politique d’investissement extérieure de l’UE, celle-ci encourage les investissements en Asie centrale en utilisant des garanties et une structure mixte, afin de réduire les risques liés aux investissements dans les activités durables.
Cadres politiques et réglementaires
L’UE travaille à la refonte des cadres politiques et réglementaires en Asie centrale, en se concentrant sur l’accélération de la réduction des émissions de carbone et l’atténuation des effets du changement climatique.
Le programme EU4Energy en est un exemple clair. Ce programme, fruit d’une collaboration entre l’UE et les pays d’Asie centrale, aide ces pays à affiner leurs cadres législatifs et réglementaires, spécialement conçus pour encourager l’adoption de pratiques énergétiques durables. Par exemple, il vise à améliorer les capacités en matière de collecte de données énergétiques, ce qui est essentiel à l’élaboration d’une politique énergétique fondée sur des données statistiques.
Je fais un don à NovastanCette assistance technique se concentre à la fois sur les réformes législatives et sur les investissements dans les infrastructures énergétiques clés, garantissant une approche globale de la transition vers un secteur énergétique plus durable. En influençant le paysage politique et réglementaire en Asie centrale, l’UE s’efforce de créer un environnement propice à l’adoption des énergies renouvelables, à l’amélioration de l’efficacité énergétique et à une réduction significative des émissions de carbone, conformément aux objectifs mondiaux.
Le corridor transcaspien se développe
L’engagement stratégique de l’UE en Asie centrale nécessite le développement d’une connexion logistique directe qui jouerait le rôle central d’itinéraire essentiel pour améliorer la connectivité et le commerce entre l’Europe et l’Asie centrale. Ce corridor, qui traverse des pays comme le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan, est essentiel pour la stratégie plus large de l’UE visant à diversifier les chaînes d’approvisionnement et à garantir un accès stable aux marchés d’Asie centrale.
Comme développé dans le rapport Liaisons de transport durables entre l’Europe et l’Asie centrale de l’EBRD, le développement de ce corridor prévoit des investissements importants dans les infrastructures, comme la modernisation des routes et des chemins de fer, qui sont essentiels pour faciliter un transport plus fluide et plus efficace des marchandises. La participation de l’UE à ce projet ne renforce pas seulement les liens économiques avec les pays d’Asie centrale, mais constitue également une démarche géopolitique visant à renforcer la présence et l’influence de l’UE dans la région.
Le Corridor transcaspien central (CTCN) devrait permettre de réduire considérablement les temps de transit, stimulant ainsi le commerce et la croissance économique tant en Asie centrale qu’en Europe. Selon le rapport, le CTCN, qui traverse le Sud du Kazakhstan, est considéré comme le corridor le plus durable parmi les trois options étudiées.
L’engagement de l’UE dans le secteur des métaux rares
Si l’engagement de l’UE dans le secteur des énergies renouvelables en Asie centrale est généralement perçu de manière positive, son engagement dans le secteur des métaux rares a fait l’objet de critiques. L’Asie centrale est riche en terres rares et en métaux essentiels pour diverses industries de haute technologie, y compris les technologies d’énergie renouvelable.
Des critiques s’élèvent ainsi, par exemple de la part d’Alouddine Komilov, qui soutient que l’intérêt de l’UE pour ces ressources pourrait conduire à une approche trop unilatérale à ses intérêts.
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De même, l’extraction des ressources semble prioritaire par rapport aux préoccupations environnementales et sociales, tel que l’expose la chercheuse Beril Ocaklı auprès de Novastan. Elle cite notamment le projet d’énergie verte dans la région de Janatas, dont la production sera utilisée en partie pour produire du phosphate vert, tandis que les populations locales se fournissent en énergie fossile.
Des complexités à prendre en compte
De plus, pour Beril Ocakli, les montants annoncées d’investissements sont probablement plus des effets d’annonces qu’un ajout de fonds. L’impact environnemental des activités minières et l’exploitation potentielle des communautés locales suscitent elles aussi ses inquiétudes.
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En outre, la concurrence géopolitique pour ces ressources, en particulier avec la présence significative de la Chine dans la région, ajoute une couche de complexité. L’UE doit relever le défi d’équilibrer ses intérêts stratégiques en garantissant l’accès à ces matériaux essentiels tout en veillant à ce que son implication respecte les principes de durabilité, de protection de l’environnement et de responsabilité sociale.
« Bruxelles-Astana, un nouveau pont climatique ? » est une série d’articles consacrés au changement climatique en Asie centrale. Tous les articles de la série sont disponibles ici. Ce projet a été fondé par Camille Ramecourt & Konstantin Blondeau-Mikhaïlov.
Thomas Amghar
Konstantin Blondeau-Mikhaïlov
Rédacteurs pour Novastan
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Vincent Gélinas, 2024-08-28
Je me demande pourquoi les projets se concentrent toujours autant sur le Kazakhstan.
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