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Devoir de mémoire : des films sur les camps soviétiques au Kazakhstan

Aljir est un ancien camp du Goulag réservé aux femmes et enfants des ennemis du peuple, situé non loin de la capitale kazakhe. Par devoir de mémoire, plusieurs projets cinématographiques de grande ampleur ont pour sujet la tragique histoire des répressions politiques de masse en URSS.Novastan reprend et traduit ici un article publié le 24 mai 2017 par le média kazakh Vlast. Le thème des camps de rééducation par le travail a été délaissé par les cinématographes et documentaristes kazakhs pendant près de deux décennies. Aljir, sorti en 2017, est un drame historique qui retrace l’histoire du camp du même nom. Ce camp, actuellement situé à quelques kilomètres de Nur-Sultan, la capitale kazakhe, avait la spécificité d'être réservé aux femmes et aux enfants des ennemis du peuple.

Musee memorial des victimes de répressions politiques Aljir
Le mémorial des victimes de répressions politiques et du totalitarisme sur l'ancien site d'Aljir.

Aljir est un ancien camp du Goulag réservé aux femmes et enfants des ennemis du peuple, situé non loin de la capitale kazakhe. Par devoir de mémoire, plusieurs projets cinématographiques de grande ampleur ont pour sujet la tragique histoire des répressions politiques de masse en URSS.Novastan reprend et traduit ici un article publié le 24 mai 2017 par le média kazakh Vlast. Le thème des camps de rééducation par le travail a été délaissé par les cinématographes et documentaristes kazakhs pendant près de deux décennies. Aljir, sorti en 2017, est un drame historique qui retrace l’histoire du camp du même nom. Ce camp, actuellement situé à quelques kilomètres de Nur-Sultan, la capitale kazakhe, avait la spécificité d’être réservé aux femmes et aux enfants des ennemis du peuple.

Le scénario d’Aljir

Le drame historique Aljir a initialement été pensé comme une série en cinq épisodes. Il a été tourné à la demande de la chaîne de télévision Qazaqstan par le réalisateur Anouar Raïbaïev. Le personnage principal du film est une jeune femme russe moderne qui arrive au Kazakhstan à la recherche d’un certain Alikhane Seïd Akhmetov.

Il s’agit d’un soldat qui affronte sans peur le terrible directeur du camp d’Aljir, le major du Commissariat du peuple aux Affaires intérieures (NKVD), un certain Golovanov, en cachant le nouveau-né de Katia, la mère du personnage principal. « Le film narre la vie de beaucoup de femmes et d’enfants de l’ex-URSS et de l’étranger proche », racontent les créateurs du film. Les principaux motifs du film sont, selon eux, l’humanité, la fidélité, le courage et l’équité.

Les films de mémoire

En 1989, un film du même nom avait déjà été tourné par le réalisateur et journaliste kazakh Aïagane Chajimbaïev. À une époque où les informations sur les camps soviétiques étaient encore secrètes, il a réussi à réaliser un film unique sur les prisonnières de la section d’Akmolinsk du Karlag, le camp de Karaganda, dans le centre du Kazakhstan. En 1990, le film documentaire du réalisateur kazakh Alexandre Golovinski, dont le père a passé cinq ans au Karlag, voit aussi le jour. Le film La Table raconte cette histoire incroyable. Dans les années 1980, lors de l’inauguration d’un monument à la mémoire des victimes des répressions politiques dans le village de Malinovka (aujourd’hui Akmol), dans l’oblast d’Akmola, l’invité d’honneur n’est autre que l’ancien directeur du camp, qui s’assoit sans arrière-pensées à la même table que les anciens prisonniers. Le film de près de 50 minutes se distingue nettement d’autres films sur les camps kazakhs, puisqu’il n’aborde pas les horreurs du passé, mais l’absence de mémoire du présent.

Le thème des répressions politiques

Après les années 1990, le thème des répressions politiques durant la période soviétique et du passé concentrationnaire du Kazakhstan a longtemps disparu du pays. C’est seulement dans les années 2000 que des films sont à nouveau appelés à retrouver le souvenir de ces événements tragiques. En 2007, par exemple, le service de radio et de télévision du président, avec le soutien de la municipalité d’Astana, a créé un documentaire de 21 minutes, Le froid féroce d’Aljir. Ce film est encore montré lors des visites, des commémorations et des conférences. Dans le film, Noursoultan Nazarbaïev déclare : « Les autorités de notre pays ont massacré leur propre peuple. Cela ne s’est jamais vu dans aucun autre pays ! »Lire aussi sur Novastan : Décommunisation au Kazakhstan : beaucoup de pathos mais peu de concret En 2008, un film de 46 minutes intitulé Aljir : la mémoire restituée a été réalisé par le groupe artistique DALI à la demande du musée et du mémorial des victimes des répressions politiques. Le documentaire est principalement consacré à la création dans le musée de Malinovka d’un mémorial pour les victimes des répressions politiques. L’architecte Saken Narynov explique pourquoi ce monument de deuil est construit sous forme d’arc.

Des documentaires sur le Karlag et le Steplag

En 2009, l’agence kazakhe Khabar a envoyé une équipe de tournage dans l’oblast de Karaganda, dont le but était de tourner un documentaire de 30 minutes, La saga du Karlag. Les auteurs racontent dans quelles conditions un « État d’esclaves » tout entier est apparu. En outre, les journalistes ont examiné l’histoire du Steplag, lui aussi situé non loin de Karaganda, un camp spécial pour les prisonniers politiques condamnés de 10 à 25 ans de travaux forcés. Les réalisateurs ont interviewé les insurgés encore en vie du soulèvement de Kengir de 1954, pendant lequel les prisonniers du Steplag avaient pris possession du camp pendant plusieurs semaines. Par ailleurs, en 1991, le réalisateur et scénariste Guennadi Zemel, dont les parents ont purgé une peine au Karlag, où il est né, a tourné le film Cannibale sur les mêmes événements de 1954.

Les documentaires de 2011 et 2013

En 2011, un drame populaire, Jerouïyk, est sorti dans les salles de cinéma kazakhes. Le film de près de deux heures décrit la période des répressions politiques mais n’illustre pas la vie des camps. Le film est consacré au sort des peuples déportés au Kazakhstan et à la façon dont les habitants locaux ont dû accueillir des « mauvais éléments » venus de l’Extrême-Orient, du Caucase et de la région de la Volga. Le film se fonde sur la pièce Memory de Lavrenti Son, membre de l’Union des écrivains soviétiques et de l’Union des réalisateurs du Kazakhstan. Il a écrit pour Kazakhfilm un scénario pour un long-métrage appelé Aljirou la prison des mères, mais ce scénario n’a pas encore trouvé son réalisateur. En 2013, la fondation publique Ilyas Djansougourov et le Nedelka Project, avec le soutien du fonds Soros-Kazakhstan, ont réalisé le projet artistique 1937 : Territoire de mémoire | Élégie. Le groupe d’auteurs s’est rendu dans les camps de rééducation par le travail dans les oblasts d’Almaty et de Karaganda afin de rassembler des images pour le court-métrage.

Après 2013

L’année 2014 a vu naître de nombreux documentaires sur le sujet, avec l’aide de l’agence Khabar et du ministre des Affaires étrangères kazakh. Les oubliés du Karaganda est l’un d’eux. Le film raconte l’histoire des prisonniers espagnols du Karlag. L’idée naît en 2013, lorsque le Kazakhstan transfère à l’Espagne 152 dossiers d’archives. Le long-métrage de 60 minutes a été sacré meilleur film documentaire de 2014 par plusieurs festivals de cinéma. Lire aussi sur Novastan : Malinovka, mémoire des goulags kazakhs Il faut remarquer que le Karlag est moins souvent traité dans les films et les programmes qu’Aljir. Néanmoins, en 2012, un documentaire scientifique sur le Karlag a été diffusé dans tout le pays. Plus tard, des poursuites judiciaires ont été engagées pour détournement de biens d’autrui à l’encontre du directeur du musée de la Mémoire des victimes de répressions politiques du village de Dolinka. L’ancien directeur est désormais employé dans un autre musée et le film n’a finalement pas été diffusé. En 2015, un film de dix minutes sur Aljir a été diffusé dans le cadre du projet public en ligne National Digital History of Kazakhstan. Aljir : une décision, des milliers de morts est presque entièrement constitué d’entretiens avec les employés d’un musée de la région d’Akmola, dans lequel ils racontent comment les anciens prisonniers du camp ont vécu jusqu’à leurs derniers jours dans la peur des hommes en uniforme. Ils racontent également comment le premier musée des victimes des répressions politiques au Kazakhstan a été fermé et que les corbeaux ne quittent jamais cet endroit, été comme hiver.

Les nouvelles formes de représentations

En 2016, le thème des répressions politiques au Kazakhstan a pris de nouvelles formes. La chaîne KTK, en collaboration avec la fondation du premier président, a diffusé un court-métrage de trois minutes sur l’Aljir dans le cadre du projet Un peuple, un pays, un destin. Le scénario est basé sur une histoire assez connue. Elle illustre la façon dont les habitants des villages voisins jetaient du kourt, des petits fromages secs traditionnels, aux prisonniers d’Aljir, que les gardiens de camp prenaient pour des pierres. Un an plus tôt, la chaîne avait d’ailleurs déjà diffusé un film journalistique de 40 minutes, La Grande terreur, qui raconte les années de répression stalinienne.

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En 2016, Qazaq TV a commencé à tourner une série d’émissions appelée Les Secrets des musées, dont le premier sujet était justement le musée d’Aljir. L’émission de 20 minutes est consacrée à l’histoire de la prisonnière allemande Gertrude Platheis. « Tous les camps pour prisonniers politiques de cette époque étaient terribles, mais c’est au Kazakhstan que la plupart ont survécu. Cela a été rendu possible grâce au peuple kazakh, qui, après avoir connu les privations et la faim, n’a pas perdu sa qualité particulière : l’empathie et le désir d’aider son prochain », estime le film. C’est une idée reprise par de nombreux documentaires et films de fiction du Kazakhstan qui portent sur la période des répressions politiques des années 1930 à 1950.

Margarita Botcharova Journaliste pour Vlast

Traduit du russe par Camille Calandre

Édité par Johanna Regnaud

Relu par Charlotte Bonin

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