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Décolonialisme : entretien avec les organisateurs du festival Artbat au Kazakhstan

Dans un entretien, les organisateurs d'un festival artistique kazakh expliquent comment ils essaient d'engager le dialogue sur la perception de la crise écologique et du capitalisme.

Kazakhstan Art Vargas Suarez Space Junk
Une oeuvre de Rafael Vargas-Suarez, Space Junk. Photo : The Village.

Dans un entretien, les organisateurs d’un festival artistique kazakh expliquent comment ils essaient d’engager le dialogue sur la perception de la crise écologique et du capitalisme.

À Almaty se tient le festival d’art contemporain Artbat fest. Ce festival convie les entreprises InDrive et Chevron, ainsi que l’akimat (la mairie, ndlr) de la ville d’Almaty et la Fondation Rosa Luxembourg en Asie centrale.

En l’espace de trois mois, les organisateurs ont créé des événements allant de discussions publiques à la présentation d’expositions d’artistes locaux et étrangers, en passant par des performances et des projections de films.

Le thème de cette année, « Anthropocène ? », est formulé comme une question pour une bonne raison. L’anthropocène parle d’une époque dans laquelle l’impact de l’Homme sur son environnement est irréversible. Ce terme est utilisé pour présenter les problèmes écologiques, mais fait rarement le lien direct entre ces problèmes, l’économie et la politique coloniale.

Le média kazakh The Village a discuté avec Vladislav Sloudski et Dmitri Mazorenko, organisateurs du festival, des divers problèmes sociaux que les auteurs de l’exposition ont pu traiter en faisant usage d’une force douce : l’art.

The Village Kazakhstan (TVK) : Comment êtes-vous arrivés au thème du festival : « Anthropocène ? »

Vladislav Sloudski : Nous avons vu une atomisation drastique au sein de la société après les événements de janvier (les manifestations réprimées au Kazakhstan en 2022, ndlr) et le début de la guerre en Ukraine. Les gens étaient perdus et nous avons voulu organiser un dialogue dans le champ académique. Pour que les gens ne se contentent pas de montrer leurs émotions, de se désunir, disant : « Allez, annulons ça, démolissons ça », mais pour qu’ils puissent articuler leurs problèmes avec l’impérialisme.

Nous avons donc mené une série de discussions sur ce sujet. Après, il y a eu des séminaires avec des groupes de 20 personnes : des artistes, des designers, des chercheurs et des réalisateurs de films. Là, nous avons discuté de la manière de parler de ce thème difficile dans l’espace public.

Dmitri Mazorenko : La discussion s’est tenue autour de textes théoriques. Nous avons pris des livres classiques comme The Hungry Steppe de Sarah Cameron, et d’autres plus spécifiques comme L’impérialisme au XXIème siècle de John Smith. La guerre a relancé la très vieille discussion sur l’impérialisme, qui ne s’était pas tenue aussi activement ces 20 dernières années. Une nouvelle vague d’intérêt pour ce thème s’est déclenchée, et nous avons essayé de nous y intégrer.

On ne peut pas tenir un dialogue sur le passé et les traumatismes historiques sans parler du futur. Au Kazakhstan, il y a beaucoup de problèmes écologiques : des feux de forêts à la crise sur le territoire du polygone nucléaire de Semipalatinsk, en passant par l’assèchement des réservoirs et de la mer Caspienne, les problèmes des fleuves transfrontaliers et des troupeaux.

Cela nous coûte cher, et le point de départ de ces problèmes se trouve dans l’exploitation intensive de la terre, autant à l’époque soviétique que maintenant. C’est pourquoi le projet écologique fait partie intégrante des discussions décoloniales.

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Tout au long de l’Histoire, une partie de l’humanité a toujours été exclue de sa définition : les femmes, les peuples indigènes, les minorités ethniques et raciales. À la veille du XXème siècle, l’archétype de l’Homme était représenté comme un colon européen blanc, irrespectueux de l’environnement qui l’entoure, le subordonnant à une production industrielle infinie et à une accumulation de ressources économiques.

La théorie décoloniale critique cette situation. Et au sein du festival, nous essayons de nous penser comme cette fraction oppressée de la nature, où l’Homme devient aussi objet et ressource pour la production. Nous avons besoin de dépasser la logique dans laquelle nous ne sommes qu’une biomasse organisée, incapable d’action politique, de critique, sans droit de parler, de faire, ni de porter de responsabilité.

TVK : Je pense que c’est important. Nous pensons encore ainsi, comme si nous n’avions aucune influence sur la réalité politique et économique. Parce que nous avons longtemps été à la place de cette biomasse qui était contrôlée. Et maintenant, nous essayons de nous défaire de cette façon de penser, mais c’est un processus difficile et dense. C’est bien que vous ayez soulevé ce thème, en utilisant une palette d’instruments aussi large.

Vladislav Sloudski : Et cela se voit au travers de l’art ?

TVK : C’est ce que je voulais vous demander. Je pense que l’art est l’un des instruments les plus forts parmi toutes les pratiques décoloniales. La question est celle de l’audience qu’il regroupe.

Vladislav Sloudski : En réalité, nous ne savons pas. C’est comme cela que fonctionne la culture : on ne sait jamais pourquoi on fait les choses. Mais cette année, nous avons réalisé une enquête via QR-code pour voir ce qu’écrivent les spectateurs à propos du festival. Afin de voir comment les pensées investies dans l’exposition trouvent leur chemin jusqu’au destinataire supposé. Parfois, les pensées du spectateur découlant de ses interprétations sont bien plus intéressantes que celles que l’auteur voulait faire passer.

Dmitri Mazorenko : Je suis parfaitement d’accord avec le fait que l’art est un bon moyen de commencer une discussion sur les problèmes sociaux. Les objets d’art n’expliquent pas un problème, ils incitent plutôt à poser des questions.

C’est le cas de Rafael Vargas-Suarez et de son travail sur les déchets spatiaux. C’est une construction complexe faite de métal et de déchets spatiaux, qui montre la matérialité de la course à l’espace. Ce travail nous montre qu’il ne s’agit pas seulement d’une fantaisie utopique sur l’exploration de l’espace, mais aussi de déchets. Toxiques, radioactifs, ils s’accumulent autour de la planète.

Nous ne les voyons pas, mais d’ici quelques générations nous comprendrons que nous avons fait des choses énormes qui empirent grandement les conditions de vie sur Terre. Et alors, il ne nous restera plus qu’à quitter la planète, ou faire la paix avec l’idée de se détruire en même temps qu’elle. L’art nous permet de penser à cette échelle.

Cette année, nous sommes sortis des galeries et des bibliothèques et avons ouvert la voie à des interactions spontanées dans les rues de la ville. Nous avons organisé des projections de films, qui permettent déjà de s’immerger dans les problèmes, tout en donnant la possibilité d’en discuter. Nous interagissons avec les spectateurs par des moyens divers, et à chaque fois nous étendons cette audience.

TVK : L’anthropocène est un thème sur lequel je médite très souvent. Honnêtement, j’ai une vision pessimiste. Je ne pense pas que nous puissions faire renaître la planète, beaucoup de dégâts ont déjà été faits. Vraisemblablement, nous en mourrons tout simplement. Alors la planète pourra enfin se soigner d’elle-même. Aussi, je pense que ces groupes qui ont un pouvoir d’influence sur la crise écologique se sont déjà complètement détachés de ces problèmes, ils sont trop privilégiés. Alors que ceux qui sont directement concernés par ces problèmes ne peuvent rien faire. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Vladislav Sloudski : Je suis très pessimiste quant à cette question. Je pense que rien ne nous sauvera. Je me suis penché sur beaucoup de documentaires et de recherches, et il est évident qu’une grande partie du discours vert est un rebranding des combustibles fossiles. La biomasse, c’est la même sciure, recomposée différemment ; la majorité des grandes installations solaires sont immédiatement alimentées par du pétrole ou du gaz. Tesla fonctionne à l’électricité, mais nous ne savons pas comment décomposer les batteries.

Quand on commence à regarder le fond du problème, on voit qu’il n’y a aucune issue, il n’y a qu’une conversion ou un report de l’échéance de ces mêmes problèmes.

Ce qui pourrait nous sauver, c’est d’arrêter de consommer. Mais, évidemment, nous ne le faisons pas et nous ne l’envisageons même pas pour recycler cette masse critique de déchets. De plus, il y a ce chiffre terrible : en 2020, le poids de tout ce qu’a fait l’Homme a dépassé le poids de tout ce que la Terre a produit.

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Le monde est fait de telle façon que nous allons probablement tous mourir. Mais j’apprécie qu’on rassemble des avis différents. Par exemple, dans les travaux des Vorobiov (Danil et Evguéni Vorobiov, deux chercheurs en biologie, ndlr), il y a cette pensée incisive : « Oui, nous avons saccagé la terre, nous laissons des traces. Mais si nous ne sommes plus là, si on enlève l’anthropos de l’anthropocène, alors qui profitera de tout ça ? »

Dans ce cas, il faut enlever aussi l’art de l’équation : un singe est écologiquement responsable, mais il ne fait pas d’art. D’un côté, qu’est-ce que cela peut faire qu’il n’y ait pas d’art ? De l’autre, j’aime cette civilisation. Donc ce qu’on fait au sein de ce festival n’est pas la panacée mais plutôt l’encadrement d’un dialogue au travers d’opinions différentes.

Dmitri Mazorenko : Je vois un sens pratique dans ce que l’on fait. Le début de chaque nouvelle discussion sur ce sujet, c’est une tentative d’unir plusieurs communautés. Le but du festival n’est pas d’attirer l’attention sur le fait que tout est horrible, que nous produisons des milliards de tonnes de plastique et ainsi de suite. Nous essayons de mettre en lumière un problème systémique : comment nous comprenons la crise écologique.

Ce n’est pas seulement l’anthropocène, il y a un point d’interrogation. Nous posons la question pour savoir si le problème vient réellement de l’anthropocène, du fait qu’en tant que société, nous existons dans la béatitude de la consommation, et que notre seul problème, c’est la dégradation de l’environnement. Non, en fait ce n’est pas le seul problème.

Une grande partie des problèmes économiques d’aujourd’hui est liée aux demandes de groupes privilégiés. Je ne parle pas des citoyens moyens, je parle de ce pourcentage de la population qui peut s’envoler à Milan tous les week-ends en jet privé et laisser une empreinte carbone dont beaucoup ne peuvent même pas rêver.

Une grande partie des émissions de CO2 dans l’atmosphère est produite par ce même pourcentage de super riches. C’est précisément eux qui veulent telle ou telle fraise unique de l’autre bout du monde pour le petit déjeuner, on la leur apporte, et tout le monde en fait les frais.

Et ce n’est pas seulement un problème personnel, c’est aussi un problème géopolitique. Les pays européens et les États-Unis sont responsables d’une grande partie des émissions produites sur Terre. Ce sont ces mêmes pays qui s’attachent aujourd’hui à un agenda écologique, sans proposer d’instruments pour aider les autres. Tout est encadré par le problème de l’attrait d’investissements, et si vous n’avez pas ça, alors vous continuerez de souffrir de problèmes environnementaux qui, dans leur globalité, n’ont pas été causés par vous.

Par exemple, la production de coton, dont le Kazakhstan a beaucoup souffert sous l’URSS, n’était pas seulement un besoin soviétique : c’est ainsi que l’économie était organisée sur le plan international.

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Nous devons soulever la question, pas simplement du fait qu’il y a des gens qui laissent des traces. Il y a des groupes sociaux définis auxquels sont liés ces problèmes. Ces groupes sont très privilégiés et parasitent d’autres groupes sociaux qui portent tous les coûts écologiques. Une fois de plus, les couches les plus riches peuvent s’offrir des îles privées ou s’élever haut dans les montagnes et ne jamais rencontrer les embouteillages d’Al-Farabi (artère majeure d’Almaty, réputée pour ses embouteillages réguliers, ndlr).

C’est pour cela que le travail théorique sur lequel nous nous appuyons est Capitalocène de Jason Moore. Il pose la question de comment est bâtie notre société, et de comment parler d’écologie avec vérité.

TVK : Je suis d’accord avec vous. Les gens qui disent que c’est aux couches les plus modestes de la population de s’occuper du recyclage des déchets se trouvent à un niveau tel qu’ils ne sont pas confrontés à ces déchets.

Vladislav Sloudski : Il me semble que nous nous situons à un point où, assurément, de gros dommages ont été causés, mais nous n’avons pas encore utilisé toutes nos chances. Tout ce qu’il nous reste, c’est la ressource suivante : avoir des exigences politiques. C’est ce dont ont été privés les gens par les classes privilégiées pendant plusieurs siècles.

Comme je l’ai dit, ils ont été évincés au-delà de la catégorie de personne, on ne leur a pas donné le droit de disposer de leur propre vie, de la terre sur laquelle ils vivent. Mais nous ne pouvons plus être des objets passifs, et nous avons besoin de commencer à exiger des changements dans la production technologique.

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Aujourd’hui, dans l’économie, le seul principe est celui de produire autant qu’il faut pour que les propriétaires, les actionnaires des entreprises et les financiers à différents niveaux aient des ressources. Dans ce cas-là, il n’y a aucune approche parcimonieuse, même si on parle des investissements verts : c’est essentiellement de la profanation, pour continuer à faire ce qu’ils font, mais avec une apparence éthique.

Nous devons très sérieusement poser la question de comment rebâtir l’économie. C’est pour cela qu’apparaissent de nombreuses nouvelles conceptions au sein des sciences économiques, comme la décroissance. Aujourd’hui, nous n’avons pas besoin de produire plus, nous avons besoin de rebâtir le système de répartition des ressources.

TVK : C’est plutôt philosophique, mais je considère que même si la situation semble sans espoir, on peut en parler. C’est une question de responsabilité et de conscience : quand on sait ce qu’on fait, on sait à quoi ça mènera et on fait un choix. Du côté du décolonialisme, la situation semble plus optimiste. Qu’en pensez-vous, où nous dirigeons-nous ?

Vladislav Sloudski : Je pense que nous pouvons encore devenir une nation saine. Si on applique la bonne politique culturelle, c’est-à-dire plus de contacts horizontaux, une interconnexion des communautés des villes, alors la volonté politique dont parle Dmitri est possible au travers de réformes.

Après tout, le style de vie nomade des Kazakhs a laissé très peu de traces. Nous ne disons pas qu’il faut retourner dans les yourtes, c’est peut-être précisément au travers de la technologie qu’on peut avoir une influence sur ces processus.

Je ne pense pas qu’on puisse fondamentalement repenser le capitalisme, mais on peut adapter plusieurs stratégies. Nous sommes très mobiles, nous avons des ressources, et la taille de la société a aussi son importance : il est plus difficile de changer 40 milliards de personnes que 18.

Dmitri Mazorenko : En dépit du commencement de discussions extensives sur l’Histoire, la culture et la langue, les questions économiques en sont absentes. Malheureusement, nous sommes fortement dépendants de la Russie sur le plan économique.

Entre 70 et 80 % des exportations de notre pétrole dépendent de la Russie. 30 à 40 % des marchandises importées au Kazakhstan dépendent de la Russie. Le business russe arrive et rachète les actifs stratégiques, les gisements d’uranium et des produits de l’industrie nationale. Ce champ économique nous mettra constamment à terre, nous rendra dépendants. Nous l’avons déjà vu avec la discussion sur la centrale nucléaire qui découle des intentions de l’entreprise Rosatom (première entreprise russe dans le nucléaire, ndlr).

Nous nous opposons à des choses en particulier, mais nous ne regardons pas le problème dans son entièreté. Ce serait bien d’inclure l’agenda économique aux discussions décoloniales. Parce qu’en réalité, toutes ces questions linguistiques, culturelles et autres sont liées à l’économie.

TVK : Durant l’année et demie passée, j’ai lu beaucoup de choses sur le décolonialisme. La plupart d’entre elles semblent tourner autour du concept sans expliquer au citoyen lambda ce que c’est, ni à quoi il sert. Qu’est-ce que le décolonialisme aujourd’hui, et comment l’approcher ?

Dmitri Mazorenko : Le décolonialisme a des principes définis. Ils se concentrent autour de l’idée du regain de la dignité humaine, qui ne peut pas être séparée de la dignité politique.

Mais le paradoxe de la théorie décoloniale est qu’elle est apparue quand la théorisation académique s’opposait à la pratique politique. Après la chute de l’Union soviétique, une crise idéologique s’est déclarée. Les théoriciens décoloniaux ont vu l’échec du projet soviétique et ont conclu qu’il n’y avait pas assez de pratiques politiques.

C’est pour cela qu’il fallait aborder une reconstruction fondamentale de la conscience.  Regarder vers la culture, l’éducation, la langue, vers la façon dont nous interagissons au quotidien, quelles narrations nous utilisons pour parler de nous-même.

Quand une théorie n’est pas pensée pour proposer un programme alternatif au développement de la société, elle est confrontée à de nombreuses difficultés. Parce que, parfois, nous ne comprenons pas du tout de quoi nous parlons quand nous évoquons le décolonialisme. Nous comprenons que nous ne pouvons pas vivre comme avant, mais nous ne savons pas encore comment vivre autrement.

C’est de cela dont parle, par exemple, Madina Tlostanova (chercheuse travaillant sur le genre et les études décoloniales, ndlr). Elle a été déçue par le chemin intellectuel de la transformation.

Elle observe aussi la crise dans le champ des études décoloniales depuis le début de la guerre en Ukraine, car beaucoup de théoriciens du décolonialisme se sont soudainement rangés du côté de l’agresseur, et essaient de justifier ses actions. Ils pensent que la Russie fait front à un mal occidental général, et c’est pourquoi il est important de compatir pour elle, de traiter les victimes et tout le reste avec compréhension. Et c’est complètement absurde.

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Madina Tlostanova ne comprend pas comment agir dans ce monde, et elle commence à parler de catastrophisme : qu’un futur sans espoir nous attend, et que nous ne comprenons pas quoi en faire.

La théorie du décolonialisme s’est récemment retrouvée coincée dans le piège du catastrophisme de l’économie moderne, du catastrophisme de l’anthropocène. Tout n’ira qu’en s’empirant et nous n’avons aucun pouvoir. C’est précisément pour cela qu’il est important de ramener les discussions sur le futur dans la théorie décoloniale et ne pas se contenter d’une critique émotionnelle du genre protestataire. Nous avons besoin de stratégies politiques et économiques, c’est ce qui manque à la théorie décoloniale.

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Vladislav Sloudski : Pour moi, ce que nous faisons, c’est une force douce, l’antithèse de la haine nue, de l’actionnisme (un mouvement artistique viennois des années 1960 lié au développement de la performance artistique et politique, ndlr) ou du fascisme.

J’aimerais que tous les changements dont nous avons parlé prennent un chemin tranquille. À travers les institutions, les expositions, l’éducation, les musées. Cela prendra du temps, mais garder un équilibre entre le passé et le futur, entre le revanchisme et la réflexivité, est plus important que d’arriver à un nouvel état plus vite.

Les temps actuels sont durs. Il y a moins de ressources dans le monde, il y aura une grande intensification des conflits. La région se militarise en fonction de l’Afghanistan et de la Russie.

De plus en plus de défis externes nous attendent, c’est pour cela qu’il faut construire délicatement un monde dans lequel nous pourrons coexister. Avec des origines culturelles différentes, des langues différentes, des géographies différentes, des valeurs différentes. Pour moi, l’art est l’instrument le plus compréhensible parmi ceux que je peux utiliser pour atteindre ce but.

Propos recueillis par Alexandra Akanaïeva
Journaliste pour The Village Kazakhstan

Traduit du russe par Mathilde Garnier

Édité par Victor Gomariz

Relu par Helene Witkowski

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