Les autorités du Kazakhstan ont annoncé avoir choisi l’emplacement d’une future centrale nucléaire. Au même moment, de nombreux événements politiques se sont produits dans le pays qui ont relégué cette décision sensationnelle au second plan. Néanmoins, les questions n’en ont pas disparu pour autant.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 26 janvier 2022 par le média kazakh LivingAsia.
C’est le village d’Oulken, sur les rives du lac Balkhach, qui a été retenu par les autorités kazakhes pour l’implantation d’une future centrale nucléaire. Les raisons de ce choix sont bien connues. L’emplacement est proche d’une région riche sur le plan démographique et économique, avec de nombreux consommateurs d’électricité et les ressources en eau nécessaires au bon fonctionnement de la centrale nucléaire. Ces ressources sont essentielles pour le système de refroidissement de la centrale.
Cette décision, prise le 27 décembre 2021, a immédiatement fait surgir des inquiétudes dans la population sur le risque que la centrale nucléaire ne vienne polluer le fameux lac Balkhach. Des experts se sont empressés de dissiper ces préoccupations en affirmant que les modes de refroidissement contemporains par l’eau sont en circuit fermé, ce qui empêche toute fuite d’éléments radioactifs à l’extérieur de la centrale.
Si elle fonctionne normalement, c’est effectivement tout à fait probable, même si, bien sûr, la question est cruciale et mérite d’être encore débattue. Mais l’idée de construire une centrale dans la région du lac Balkhach pose d’autres problèmes. L’un d’eux est le fonctionnement futur de la centrale dans le contexte d’une baisse probable du niveau du lac.
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La question du partage des ressources hydrauliques des rivières transfrontalières pose toujours d’importantes difficultés dans les relations entre le Kazakhstan et la Chine. Les écologistes kazakhs ont soulevé ce problème dès le milieu des années 1990, et il n’est toujours pas résolu. Déjà, en 1998, l’agence d’information indépendante Asia Press écrivait : « Du côté chinois, les rivières qui prennent leur source en Chine avant de passer par le Kazakhstan sont traitées avec la rationalité et l’intensité chinoises. Cela s’applique en particulier à la rivière Ili, qui afflue dans le lac Balkhach, lequel s’assèche rapidement ».
La question de la gestion de l’eau avec la Chine
La rivière Ili prend sa source en République populaire de Chine, et afflue ensuite par le sud dans le lac Balkhach. Elle représente environ 80 % du volume des rivières qui affluent dans le lac. Environ 44 % de la superficie de son bassin versant se trouve du côté chinois. L’assèchement du lac Balkhach est un problème largement connu et discuté, qui n’est pas récent. Il est apparu avec la création du lac artificiel de Kapchagaï en 1970, destiné à assurer le fonctionnement d’une centrale hydraulique. Depuis, le volume du lac Balkhach a baissé d’environ 2 kilomètres cube.
A partir des années 2000, la Chine a de plus en plus pesé sur la baisse du niveau de l’eau. Le développement de la région du Xinjiang, et notamment son accroissement démographique, est l’une des priorités de la politique de son gouvernement. Cela implique nécessairement la création de nouveaux emplois et l’intensification de la production agricole.
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Compte tenu des conditions naturelles et climatiques de la région, le développement du secteur agricole requiert beaucoup d’eau, qui est prélevée dans des rivières dont le cours se poursuit au Kazakhstan, en particulier les rivières Ili et Irtych. Il en va de même d’une autre industrie principale de la région autonome du Xinjiang : la production pétrolière. Au final, de moins en moins d’eau afflue vers le lac Balkhach. Les activités et les plans de Pékin, qui influencent indirectement mais fortement le futur du lac, ne seront pas amenés à disparaître ou à changer.
L’impact futur du changement climatique
Le changement climatique est un autre défi pour le lac Balkhach. Dans l’article Les rivières transfrontalières du Kazakhstan et de la Chine, des experts russes expliquent : « L’eau qui s’écoule dans le lac est dépensée en évaporation. C’est pourquoi le réchauffement continu du climat attendu à l’avenir devrait contribuer à sa réduction ».
L’article indique qu’en 2007, le Kazakhstan, conscient des problèmes auxquels a dû faire face l’étendue d’eau et auxquels elle devra encore faire face, a proposé à la Chine un contrat préférentiel de dix ans pour la fourniture de denrées alimentaires en échange de la sauvegarde du niveau d’eau de la rivière dans la région. Mais Pékin n’a pas accepté. Cette réaction est caractéristique.
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A l’heure du bilan, force est de constater que les risques écologiques pèsent sur le lac Balkhach, et notamment celui d’une baisse drastique du volume d’eau et d’un recul du niveau de sa berge. Est-il possible d’inverser la tendance ? Pour l’instant, pas de possibilités réelles à l’horizon. D’où cette deuxième question : comment, dans de telles conditions, planifier la construction de la centrale, si l’un des principaux arguments en faveur concernait l’eau du lac nécessaire pour le refroidissement des réacteurs ? Pas d’eau, pas de centrale ?
La rédaction de LivingAsia
Traduit du russe par Juliette Amiranoff
Edité par Anthony Vial
Relu par Emma Jerome
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