Alors que la situation des migrants turkmènes en Turquie continue de se compliquer, la plupart essaient d’éviter de devoir retourner au Turkménistan.
Dans la complexité de la politique migratoire turque, la situation des migrants turkmènes devient de plus en plus épineuse. Depuis septembre dernier, les autorités intensifient leurs efforts pour repérer les travailleurs illégaux turkmènes, rapporte Radio Azattyk, la branche kirghize du média américain Radio Free Europe.
Devant la difficulté extrême d’obtenir un permis de travail, nombreux sont les Turkmènes qui travaillent illégalement en Turquie. Pour éviter de devoir retourner au Turkménistan, certains se dirigent vers la Russie.
Renouveler son passeport : le parcours du combattant pour les migrants
L’une des préoccupations cruciales des migrants turkmènes est la validité de leur passeport. Les ambassades turkmènes ont adopté une politique stricte, refusant de renouveler ou de remplacer les passeports expirés ou perdus à l’étranger. Au lieu de cela, elles exigent que les migrants retournent dans leur pays d’origine pour entreprendre ces démarches administratives.
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Les migrants turkmènes se retrouvent dans une impasse, cherchant des moyens de régulariser leur situation en Turquie tout en redoutant les conséquences potentielles d’un retour dans leur pays. Les restrictions de mouvement s’accentuent alors que le Turkménistan fait face à un déclin démographique régulier. Le problème, structurel, est illustré par l’absence de transparence du gouvernement sur les chiffres démographiques. En effet, tandis que les données officielles avançaient une population de 6,2 millions de Turkmènes dans le pays en 2020, de nombreuses enquêtes suggèrent que ce chiffre serait plus proche de 2,7 à 2,8 millions.
Les pressions pour un retour anticipé
Au cours des derniers mois, environ 2 500 Turkmènes détenus dans les centres de déportation turcs ont été renvoyés dans leur pays d’origine, en réponse à une répression accrue des travailleurs étrangers, lancée en juillet dernier. Pourtant, les défis liés à la migration ont des racines plus profondes. En septembre 2022, la Turquie, en réponse à une demande d’Achgabat, a mis fin au régime d’exemption de visa de 30 jours pour les Turkmènes, rapportait alors Radio Azatlyk.
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Cette mesure a eu l’effet escompté : selon les chiffres du Service turc des migrations, environ 198 000 citoyens turkmènes résidaient légalement en Turquie en septembre 2023, contre 230 000 en septembre 2022. Le Turkish Statistical Institute précise qu’en 2022, les résidents turkmènes ont constitué 4,8 % des personnes ayant émigré depuis la Turquie, soit la cinquième nationalité la plus représentée.
L’alternative russe
Face à ces défis en Turquie, de nombreux Turkmènes contraints à quitter le pays envisagent de s’installer en Russie. Dans le même temps, les relations entre la Russie et le Turkménistan florissent.
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Ainsi, selon l’agence de presse russe TASS, à l’occasion de l’anniversaire du président turkmène Serdar Berdimouhamedov, le Premier ministre russe Mikhaïl Michoustine a voulu mettre en avant leurs bonnes relations. « Je tiens en particulier à souligner votre contribution personnelle au développement de l’amitié et du partenariat stratégique entre la Russie et le Turkménistan », a-t-il déclaré.
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La quête d’un refuge pour les migrants turkmènes en Russie n’est pas de tout repos non plus. Cette problématique se pose de plus en plus depuis que Gourbanguly Berdimouhamedov a quitté ses fonctions en mars 2022, cédant le poste de président à son fils lors d’élections contrôlées. En effet, pour le chercheur et journaliste Bruce Pannier, le pouvoir turkmène est de plus en plus autoritaire, à mesure que les conditions sociales, économiques et politiques se détériorent. Selon lui, « le Turkménistan est tel qu’il a toujours été, peut-être même pire encore ».
Bülent Alhas
Rédacteur pour Novastan
Relu par Charlotte Bonin
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