Dans le cadre de la réforme du secteur électrique, le gouvernement tadjik prévoit de faire appel au secteur privé, et notamment à des multinationales, alors que le principal acteur énergétique du pays est en mauvaise posture financière. Tour d’horizon des principaux impacts que pourrait avoir une telle privatisation dans un pays où les ressources hydrauliques restent largement sous-exploitées.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 22 septembre 2020 par le média tadjik Asia-Plus
Dans le cadre de la réforme du secteur électrique au Tadjikistan, la restructuration de Barqi Tojik, l’opérateur énergétique public du pays, se poursuit depuis 2012. Barqi Tojik est à la fois responsable de la production, de la transmission et de la distribution électrique au Tadjikistan. Cette restructuration, qui a notamment pour objectif d’assainir la situation financière de l’opérateur, nécessite la mise en place de procédures adaptées.
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Si cette restructuration devait initialement s’achever à la fin de l’année 2018, c’est seulement en juin 2019 que deux nouvelles sociétés par actions issues de Barqi Tojik ont été créées par décret : Réseaux de transmission électrique et Réseaux de distribution électrique. Même si ces entités n’ont toujours pas commencé à fonctionner, la holding a indiqué à Asia-Plus que ces entreprises devaient se mettre au travail en 2020.
Entre temps, au ministère de l’Énergie et des ressources hydrauliques, divers mécanismes de collaboration avec le secteur privé sont étudiés, notamment pour attirer des sociétés multinationales. Le ministère considère que l’implication du privé peut contribuer à la formation d’un secteur transparent et durable, ainsi qu’à l’amélioration de son financement.
Est-il vraiment question de privatisation ?
L’industrie électrique au Tadjikistan, comme dans la majorité des pays du monde, relève du monopole naturel de l’État. La totalité des actions de Barqi Tojik est actuellement détenue par l’État. La direction du Comité d’État chargé des investissements et de l’administration des biens publics, mais aussi le ministère de l’Énergie, ont démenti à plusieurs reprises la possible privatisation du secteur électrique.
Le chef de ce comité, Farroukh Khamralizoda, déclarait récemment qu’« il n’[était] pas question de privatisation ». Il a indiqué que, dans certains pays, la privatisation avait produit des résultats positifs, et, dans d’autres, négatifs. « Nous ne pouvons nous permettre aucune erreur, nous devons étudier de manière exhaustive les conséquences d’une restructuration et d’une privatisation de Barqi Tojik », a-t-il poursuivi.
Cependant, le simple fait de créer des sociétés par actions ouvertes, statut à peu près équivalent à celui de la société anonyme, ouvre de jure un cadre juridique pour l’acquisition d’actions, y compris par des entités privées.
Le Tadjikistan a déjà une certaine expérience dans ce domaine. Le système électrique de la région autonome du Haut-Badakhchan a ainsi été transféré au secteur privé en 2002. En effet, sur la base de négociations entre le gouvernement du Tadjikistan, la direction du fonds Aga Khan pour le développement économique et la Société financière internationale de la Banque mondiale (IFC), le parc électrique de l’oblast a été confié pour une durée de 25 ans, jusqu’en décembre 2027, à la compagnie privée Pamir Energy.
« La privatisation ne serait pas un mal »
Les experts indépendants, quant à eux, ne voient aucun mal dans la privatisation partielle du parc énergétique : au contraire, ils la considèrent comme le sauvetage d’un système opéré de manière inefficace par Barqi Tojik. L’endettement total de Barqi Tojik au début de l’année 2020 atteignait 26 milliards de somonis (1,9 milliard d’euros), dont 21 milliards (1,5 milliard d’euros) représentaient des projets d’investissements dans le secteur électrique. La holding doit les 5 milliards de somonis (362 millions d’euros) restants aux deux centrales hydroélectriques de Sangtuda-1 et Sangtuda-2, détenues par Orienbank notamment.
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« Tout converge vers la privatisation des succursales de Barqi Tojik. Et c’est une solution naturelle et juste au vu de la situation actuelle. Bien sûr, inutile d’espérer un transfert immédiat au secteur privé. C’est un processus qui nécessite la mise en place de procédures adaptées », a expliqué à Asia-Plus l’expert en énergie Radjabali Sodikov.
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L’économiste Khourched Alizova, estime, lui, que peu importe qui détiendra le parc énergétique, c’est la façon de le gérer qui comptera. « Quelle différence fait-il que le parc énergétique soit géré par le gouvernement ou par une entreprise privée ? L’essentiel est que le système tombe entre de bonnes mains et fonctionne normalement, que l’État perçoive ses impôts et que des services de qualité soient rendus aux usagers », conclut-il.
Un potentiel hydraulique restant à exploiter
Le secteur électrique est considéré comme le plus prometteur de l’économie tadjike, la République disposant d’énormes ressources hydrauliques. Le ministère de l’Énergie estime le potentiel hydroélectrique du pays à 527 milliards de kilowatt-heures (kWh) par an, dont seulement 5 % sont exploités actuellement.
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Au regard de cet indicateur, le Tadjikistan occupe la 8ème place au classement mondial du potentiel hydraulique (derrière la Chine, la Russie, les États-Unis, la RDC, l’Inde et le Canada), la seconde position à l’échelle de la Communauté des États indépendants (CEI), et la première place en Asie centrale. L’essentiel de ses ressources hydroélectriques se concentre sur les bassins des rivières Piandj, Vakhch, Kofarnikhon, et Zeravchan.
Payrav Chorshanbiev
Journaliste pour Asia-Plus
Traduit du russe par Arnaud Behr
Édité par Carole Pontais
Relu par Anne Marvau
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