Hommes et femmes politiques, fils et filles de présidents, voleurs "légaux"... les pays centrasiatiques comptent chacun des personnages particulièrement influents.
Novastan reprend et traduit ici un article publié initialement par Kaktakto.
Cette sélection est forcément subjective, comme l'influence est difficile à mesurer, surtout en Asie centrale où les personnes les plus médiatiques ne sont pas toujours les seuls à influencer le cours des choses. Tentative de sélection pour avoir une idée de qui compte dans chaque pays d'Asie centrale.
Kazakhstan
Timour Koulibaïev
[caption id="attachment_18444" align="alignnone" width="720"] Timur Kulibaev[/caption]
A la fin de l'année 2017, le magazine Forbes Kazakhstan a publié une liste des hommes d’affaires les plus influents du pays, dans laquelle figuraient 50 entrepreneurs. Le premier d’entre eux n’est autre que Timour Koulibaïev, le gendre du président Noursoultan Nazarbaïev. Il détrône ainsi Boulat Outemouratov, pourtant l'homme le plus riche du pays qui figurait en tête de cette liste les cinq années précédentes.
Le magazine explique son choix par les excellents résultats obtenus par le gendre du chef de l’État kazakh en 2017. Ainsi, Halyk Group, l’affaire familiale gérée par lui et son épouse Dinara Koulibaïeva (née Nazarbaïeva), a acquis 96,81 % des actions de la deuxième plus grande banque du pays, Kazkommertsbank, ainsi que les compagnies d’assurance et les fonds de placement liés. Cet achat permet à la famille Koulibaïev de gérer aujourd’hui plus du tiers (35,08 %) de tout le secteur bancaire kazakh.
Le secteur de l’aviation lui a également permis d’augmenter son influence. L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) a en effet délivré en 2017 un permis d’exploitation à la compagnie aérienne Prime Aviation. Celle-ci appartient à 80 % à Timour Koulibaïev, les 20 % autres étant détenus par son associé Arvind Tikou.
Enfin, le milliardaire kazakh a également investi dans le lucratif secteur médical. La société Kouliev, à laquelle appartiennent plusieurs centres médicaux et entreprises d’équipement médical, a acquis la moitié des actions de l’hôpital Ilin, situé dans la banlieue de Moscou. L’inauguration de ce dernier est prévue pour le troisième trimestre 2018. Le projet comprend plusieurs centres médicaux de pointe et plurifonctionnels, pour une surface totale de 34 000 m2.
Goga Achkenazi
[caption id="attachment_18454" align="alignnone" width="640"] La femme d'affaires kazakhe Goga Achkenazi[/caption]
À seulement 38 ans, Goga Achkenazi (née Gaukhar Berkalieïva) a fondé sa propre entreprise de traitement d’hydrocarbures, MunaiGaz Engineering Group. Elle est également directrice de la maison italienne de haute couture Vionnet et élève ses deux garçons issus de sa liaison extraconjugale avec Timour Koulibaïev, qui lui a par ailleurs mis à disposition une demeure évaluée à 56 millions de dollars dans un quartier chic de Londres.
Le premier mariage de Goga Achkenazi, court et demeuré secret, l’a unie à Aïdar Akaïev, fils du premier Président kirghiz Askar Akaïev destitué en 2005. Elle épouse ensuite l’homme d’affaires américain Stefan Achkenazi. Outre ces trois hommes, la jeune femme a entretenu des relations avec le contre-amiral britannique et membre de la famille royale le prince Andrew, l’ancien directeur d’écuries de Formule 1 Flavio Briatore et le rappeur américain Puff Daddy, parmi d’autres célébrités et oligarques.
Boulat Outemouratov
[caption id="attachment_18453" align="alignnone" width="640"] L'homme le plus riche du Kazakhstan, Boulat Outemouratov.[/caption]
La fortune de l’homme le plus riche du pays est estimée à 2,6 milliards de dollars. Durant quelques années, Boulat Outemouratov, 60 ans, a été le bras droit du président Noursoultan Nazarbaïev. Aujourd’hui, le milliardaire se concentre sur ses affaires, avec des actifs dans les industries hôtelière et d’extraction minière ainsi que dans le secteur bancaire.
Au printemps 2012, Boulat Outemouratov avait créé le scandale au Kirghizstan voisin lorsqu’il avait rencontré en secret le Premier ministre de l’époque et par la suite ex-candidat à l’élection présidentielle kirghize, Omourbek Babanov. On ne sait toujours pas de quoi se sont entretenus les deux hommes, mais quelques mois plus tard, Omourbek Babanov était forcé de présenter sa démission en raison de l’opposition croissante au sein des organes législatifs, puis de purement et simplement fuir le pays. Les raisons de cette fuite ont été durement critiquées par le président alors en fonction, Almazbek Atambaïev, et une enquête publique a même été ouverte à l’encontre du fugitif. L’ancien chef de l’État accusait sans concession Omourbek Babanov, et le nom de Boulat Outemouratov revenait parfois dans ses discours, qualifiant ce dernier de « rassembleur d’individus tels que Babanov » et d’« allié du Département d’État américain ».
Depuis, la situation a changé. Il y a à peine plus d’un an, le petit-fils du président kazakh, Aïsultan Nazarbaïev, a affirmé sur son compte Facebook qu’il était temps que s’arrête la campagne de diffamation à l’encontre de Boulot Outemouratov. Il a notamment déclaré être certain que si le milliardaire « avait pactisé avec le diable », l’affaire aurait été révélée depuis. Or, rien n’a été découvert, ce qui signifie soit que Boulat Outemouratov est innocent, soit qu’il est très proche du pouvoir.
Kirghizstan
Kamtchy Kolbaïev
[caption id="attachment_18451" align="alignnone" width="360"] Le "voleur légal" Kamtchy Kolbaïev[/caption]
Wikipédia décrit Kamtchy Kolbaïev comme « l’un des escrocs les plus respectés, reconnus et influents du Kirghizstan et de la CEI ». Parmi les « spécialisations » criminelles du millionnaire, on peut citer : trafic de drogue, d’armes, extorsion, racket, vol, fraudes immobilières, banditisme, vol de voitures, blanchiment d’argent, détournement de biens publics et meurtres avec préméditation.
En 2000, Kamtchy Kolbaïev a été condamné à 25 ans de prison après avoir été reconnu coupable de tentative de meurtre sur un autre criminel notoire, Ryspek Akmatbaïev, ainsi que du meurtre de deux personnes. L’escroc kirghize recouvrait déjà la liberté en 2006. En 2010, les organes judiciaires du pays le condamnaient à nouveau à 25 ans de détention, mais le « tueur de Bichkek » avait déjà pris la fuite.
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En 2013, l’homme a une fois de plus dû répondre à des accusations d’association de malfaiteurs, de recel de stupéfiants et d’armes, d’emploi de la force contre les autorités, d’enlèvement, de banditisme et de séquestration. Cependant, au cours du procès, les témoins sont revenus les uns après les autres sur leurs dépositions, affirmant avoir subi des pressions de la part des forces de l’ordre. L’une des victimes a même retiré sa plainte.
Le parquet a demandé une peine de 14 ans de prison à l’encontre de Kamtchy Kolbaïev, mais le truand n’a pourtant été condamné qu’à cinq ans et demi de détention en colonie pénitentiaire à régime strict, avec confiscation de ses biens. En deuxième et troisième instances, sa peine a été réduite à trois ans. Finalement, après son séjour en centre de détention provisoire, Kamtchy Kolbaïev ne sera resté qu’un an et demi en colonie pénitentiaire. Il est aujourd’hui à nouveau en liberté.
Les États-Unis et la Russie ont par ailleurs pris des sanctions à l’encontre du criminel. Kamtchy Kolbaïev a ainsi fait son apparition sur la liste des personnes soupçonnées de « participation à d’importantes opérations criminelles transnationales ». Par conséquent, l’ensemble de ses actifs financiers situés sur le territoire américain ont été gelés. En Russie, il a été déclaré persona non grata, de sorte qu’il est interdit d’entrée sur le territoire russe.
En juin, le « tueur de Bichkek » a fêté le dixième anniversaire de participation dans le syndicat du crime « Vory v Zakone », « voleur dans la loi », qui avait été célébré par les criminels notoires Vyacheslav Ivankov, dit « Japontchik », et Ded Khassan, aujourd’hui décédés.
Tadjikistan
Au Tadjikistan, impossible d’avoir une influence digne de ce nom sans faire partie de la famille du président en fonction, Emomalii Rahmon, ce qui explique que la liste des personnes influentes de ce pays ne compte que des proches du chef d’État. Si Emomalii Rahmon ne fait pas partie de ceux-ci, il va sans dire qu’il ne souffre aucune concurrence en ce domaine.
Ozoda Rahmon
La fille aînée du président jouit dans la presse officielle d’une image de femme intelligente, exemple de réussite. À 40 ans, Ozoda Rahmon dirige l’appareil exécutif de son président de père, est sénatrice à Douchanbé, la capitale, et préside le comité juridique de la Chambre suprême du parlement du Tadjikistan.
Son mari, Djamoliddin Nouraliev, est le premier directeur adjoint de la Banque nationale du Tadjikistan. Selon certains, ce dernier profiterait de sa position pour détourner les fonds destinés à financer la construction de la route de la Vallée de la Varzob, qui arrose notamment Douchanbé, vers la fortune familiale. À en croire les rumeurs persistantes, la fille aînée du président contrôle quant à elle l’ensemble du secteur textile du pays.
Rustam Emomalii
[caption id="attachment_18450" align="alignnone" width="960"] Le fils du président tajik, Rustam Emomalii.[/caption]
Le fils aîné du président tadjik a 30 ans à peine. Au cours des cinq dernières années, le jeune homme a remporté des succès professionnels spectaculaires dans l’arène politique. À 25 ans, il dirigeait l’Administration des douanes du pays, obtenant de la sorte le grade de major général. À 27 ans, son père le nommait directeur de l’Agence nationale anti-corruption puis, à 29 ans, maire de Douchanbé.
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Aujourd’hui, selon les experts et politologues tadjiks, Rustam Emomalii est tout simplement candidat à la succession de son père. Les spécialistes considèrent en effet que l’abaissement, voté il y a peu, de la limite d’âge de 35 à 30 ans pour un candidat à l’élection présidentielle a été prévu à son intention. Ainsi, même si Rustam Emomalii aura 32 ans au moment du prochain scrutin, il pourrait remplacer son père dès maintenant.
Hassan Assadoullozoda
[caption id="attachment_18449" align="alignnone" width="400"] Hassan Assadoullozoda[/caption]
Le beau-frère du président contrôle une grande partie des activités commerciales au Tadjikistan. S’il n’occupe officiellement que la fonction de président du Conseil d’administration de la banque « Orienbank », il est, dans les faits, à la tête de la plus importante usine de production d’aluminium du pays, « TALCO », et possède une compagnie aérienne privée, « Somon Air », une série d’hôtels et d’infrastructures de repos ainsi qu’une entreprise spécialisée dans le coton. On estime même qu’Hassan Assadoullozoda contrôle le marché des stupéfiants du Tadjikistan.
En 2008, des médias étrangers ont fait état d’un scandale familial survenu entre lui et l’une des nombreuses filles du président. Takhmina Rahmonova aurait ainsi exigé que son oncle lui cède la banque « Orienbank ». Rustam Emomalii, le fils aîné du président, se serait alors rangé du côté de sa sœur et aurait fait feu avec un pistolet sur Hassan Assadoullozoda au cours d’une dispute. Celui-ci s’est remis de sa blessure puis a décidé, après quelques années, de partager ses activités, mais au profit d’une autre fille du président, Zarina Rahmonova. Cette dernière est devenue vice-présidente d'« Orienbank » en 2017.
Turkménistan
Serdar Berdimouhamedov
[caption id="attachment_18448" align="alignnone" width="1023"] Serdar Berdymoukhamedov[/caption]
Le Turkménistan demeure l’un des pays les plus fermés au monde. On en sait donc peu sur les agissements du président, Gourbangouli Berdimouhamedov. On a toutefois constaté l’ascension, au cours de l’année passée, de son fils, Serdar, sur la scène politique. Celui-ci préside désormais le Comité du parlement national chargé du respect de la législation et des normes, a été fait commandant et s’est vu attribuer le titre honorifique d’« entraîneur honoraire du Turkménistan ». Le fils aîné du président avait auparavant occupé diverses fonctions publiques. Il possède par ailleurs plusieurs filatures de coton, une chaîne d’hôtels ainsi qu’une usine de captage d’eau.
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Au printemps 2017, Serdar Berdymoukhamedov a entamé une série de visites à l’étranger, qui lui ont permis de rencontrer des fonctionnaires de haut rang, russes notamment. Au cours de sa dernière visite, effectuée à Astana en mars dernier, le vice-ministre des Affaires étrangères a pu s’entretenir avec les chefs d’État d’Asie centrale, parmi lesquels Noursoultan Nazarbaïev. Les prévisions le donnent déjà grand favori à la présidentielle lorsque son père fera un pas de côté.
Ouzbékistan
Chavkat Mirzioïev
[caption id="attachment_18447" align="alignnone" width="653"] Chavkat Mirziyoïev[/caption]
Pour la deuxième année consécutive, le président ouzbek se retrouve dans la liste des personnes et événements les plus influents sur la scène internationale. Cette liste est établie par le Barcelona Center for International Affairs (CIDOB). Les experts de l’organisation ont pris en compte les profondes réformes mises en place en Ouzbékistan depuis l’arrivée au pouvoir en décembre 2016 de Chavkat Mirziyoïev. Le CIDOB pointe notamment « la libération de dizaines de prisonniers politiques, la grâce accordée à près de 3 000 personnes, les milliers de citoyens supprimés des « listes noires » des services de renseignement nationaux et l’intérêt de la presse pour des sujets auparavant interdits. Tous ces facteurs, ainsi que les initiatives diplomatiques visant à améliorer les relations avec les États voisins, ont amené un vent de fraîcheur en Ouzbékistan et ont réveillé un optimisme que beaucoup n’attendaient plus, dans le pays comme à l’étranger », estiment les experts.
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Les changements survenus dans la République ouzbèke ont très agréablement étonné les observateurs. Sur quelles éminences grises s’appuie le président Mirzioïev, nul ne le sait. D’autant plus que le chef de l’État a entrepris un nettoyage en profondeur des institutions publiques, libérant le pouvoir des fantômes de son prédécesseur, Islam Karimov.
Alicher Ousmanov
[caption id="attachment_18446" align="alignnone" width="610"] Alicher Ousmanov[/caption]
À 64 ans, cet oligarque russe d’origine ouzbèke peut se vanter d’être le seul à exercer une influence sur le président ouzbek Chavkat Mirzioïev. Alicher Ousmanov a d’ailleurs lui-même expliqué que Chavkat Mirziyoïev venait le consulter et lui demander conseil. À l’en croire, l’homme d’affaires souhaite ainsi aider le pays à s’ouvrir au monde. Outre ses conseils, le milliardaire veut injecter des espèces sonnantes et trébuchantes dans l’économie du pays, investissant « autant que possible ».
Les journalistes avaient prévu avant l’élection présidentielle que l’influence d’Alicher Ousmanov sur la politique ouzbèke allait s’accroître grâce à Chavkat Mirzioïev. L’amitié entre les deux hommes est bien antérieure au décès du premier président ouzbek depuis l'indépendance, le 2 septembre 2016. En 2009 déjà, leurs familles se sont unies, célébrant le mariage de Diora Mirzioïeva, la nièce du futur président, avec le neveu de l’homme d’affaires, Baboura Ousmanov, ce dernier devant trouver tragiquement la mort en 2013 dans un accident de voiture.
Aujourd’hui, Alicher Ousmanov fait partie des dix plus grosses fortunes de Russie, l’ensemble de ses biens étant estimé à 13 milliards de dollars. Dans la liste des milliardaires établie par le magazine Forbes, l’oligarque occupe la 118e place, la 58e dans le classement des personnages les plus influents du monde. Parmi ses plus solides actifs, l’homme d’affaires possède 50 % de Metalloinvest, le plus gros producteur russe de minerai de fer. Il détient par ailleurs 30 % des parts du club anglais de football d’Arsenal, ainsi que des actions dans les secteurs métallurgiques et miniers, dans les médias (notamment la maison d’éditions russe Kommersant) et dans les télécommunications.
Sa fortune s’est bâtie dans les années 1990 grâce à la production de paquets en plastique. En 1980, Alicher Ousmanov, encore jeune à l’époque, a dû répondre à des accusations d’escroquerie et de détournement d’argent. Condamné à six ans de prison, l’homme d’affaires s’est vu innocenté plusieurs années plus tard par la Cour suprême d’Ouzbékistan, qui a déclaré que les accusations à son encontre avaient été montées de toutes pièces.
Marina Skolicheva
Journaliste pour Kaktakto