Depuis le début de l’année, les autorités turkmènes imposent l’interdiction de « salir » les journaux d’Etat faisant l’éloge des Berdimouhamedov, sous peine de sanctions. La population utilise souvent le papier du journal pour des usages domestiques.
D’après une enquête de Radio Azatlyk, la branche turkmène du média américain Radio Free Europe, des fonctionnaires ont été menacés de licenciement s’ils utilisaient des journaux mettant en avant le président Serdar Berdimouhamedov et son père Gourbangouly Berdimouhamedov pour un usage autre que la lecture.
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Les quotidiens d’Etat et autres journaux sont rarement lus par la population. Ils sont utilisés à la place pour de nombreux usages du quotidien : allumer le feu, emballer des objets, pour la doublure des chaussures par temps de pluie, ou encore comme du papier toilette. Ces utilisations s’expliquent par les faibles revenus de la population.
Abonnement obligatoire aux journaux d’Etat
Les autorités exigent désormais que les fonctionnaires signent un engagement écrit pour « conserver les pages des journaux et des magazines avec des photographies » de la famille Berdimouhamedov au pouvoir, ont déclaré plusieurs responsables gouvernementaux ayant signé le document.
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Les fonctionnaires et les étudiants sont souvent obligés de s’abonner aux journaux d’Etat, qu’ils lisent peu.
Un fonctionnaire de la province de Balkan, dans l’Ouest du pays, qui s’est entretenu avec Radio Azatlyk sous couvert d’anonymat par crainte de représailles, a expliqué que les fonctionnaires de sa ville avaient reçu l’ordre dès le jour du Nouvel An de ne pas « salir » les journaux officiels. « Maintenant, nous avons peur de permettre aux enfants de toucher les journaux à la maison. Si un jeune enfant déchire ou dégrade une photo du président et la jette quelque part dans la rue, nous risquons de perdre notre emploi », a-t-il dit.
Pour contrôler le respect de la loi, les autorités ont déclaré qu’elles pourraient imprimer des QR codes sur chaque page des journaux. Selon un autre fonctionnaire de la même province, cela permettra aux responsables de savoir quels abonnés ont utilisé les journaux à d’autres fins.
L’espace médiatique sous contrôle
Le Turkménistan possède un environnement médiatique très verrouillé. Selon le dernier classement de Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté de la presse, le pays d’Asie centrale est classé 175ème sur 180 pays, après l’Iran et la Corée du Nord.
D’après RSF, la presse turkmène sert souvent à faire l’éloge du régime. Les journaux d’Etat vantent les derniers faits et gestes du président Serdar Berdimouhamedov et de son père.
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Depuis la démission surprise de Gourbangouly Berdimouhamedov au profit de son fils en 2022, la censure a été renforcée. D’autre part, la presse indépendante n’existe pas dans le pays. Les médias alternatifs turkmènes (Chronicles of Turkmenistan, Turkmen.news, Turkmen Yurt TV…) sont basés à l’étranger.
Une presse au service du culte de la personnalité
Le culte de la personnalité au Turkménistan est assez connu du grand public, dès la présidence de Saparmourat Niyazov à l’indépendance, considéré en son temps comme le Turkmenbachi (le guide des Turkmènes).
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Gourbangouly Berdimouhamedov, qui lui a succédé, est surnommé Arkadag, le protecteur. Ce dernier a été montré en train d’offrir son livre sur le thé à des responsables gouvernementaux pendant la fête de Norouz, chanter du rap avec son petit-fils pour promouvoir la pratique sportive, ou encore, faire le DJ pendant les soirées du Nouvel An.
Sous le régime des Berdimouhamedov, les journalistes subissent des intimidations. En août dernier, Radio Azatlyk a rapporté que son ancien correspondant Khoudaïberdi Allachov était mort au Turkménistan. L’homme de 35 ans avait été longtemps malade, après avoir subi des pressions et des tortures de la part des autorités.
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Autre fait plus récent, la journaliste Soltan Atchilova a été hospitalisée de force alors qu’elle s’apprêtait à se rendre à Genève pour récupérer le prix de la Fondation Martin Ennals. Elle a été récompensée en 2021 pour ses enquêtes journalistiques.
William Onkur
Rédacteur pour Novastan
Relu par la rédaction
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