En plus de subir une importante crise économique, le Turkménistan semble faire face à un déclin démographique de grande ampleur. La population est estimée à 2,7 millions d’habitants, soit moitié moins que les chiffres officiels.
Combien y a-t-il vraiment d’habitants au Turkménistan ? Alors que les données officielles estiment qu’il y avait 6,2 millions de Turkmènes en 2020 dans le pays, Radio Azatlyk, la branche turkmène du média américain Radio Free Europe, affirme que ce chiffre est plutôt de l’ordre de 2,7 ou 2,8 millions.
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Les sources du média proviennent de fonctionnaires chargés d’effectuer le recensement de la population, prévu pour 2022 et ordonné par le président du Turkménistan Gourbangouly Berdimouhamedov en janvier 2020, comme le relaie le média turkmène Turkmenportal.
« Nous avons fait du porte-à-porte pour compter la population, et avons également utilisé des méthodes supplémentaires, telles que l’obtention du nombre de conscrits dans l’armée, des diplômés des écoles, des étudiants universitaires, des enfants inscrits dans les jardins d’enfants, des populations carcérales, des données des agences de migration sur les arrivées et les départs, et des registres du bureau d’enregistrement sur les chiffres des naissances et des décès », a déclaré à Radio Azatlyk l’un des responsables des préparatifs du recensement. Les responsables ont qualifié les résultats de « choquants », bien que la crise démographique soit connue depuis un certain temps.
Un précédent recensement non publié
Selon Radio Azatlyk, le dernier recensement a eu lieu en 2012, mais le gouvernement n’a pas publié ses résultats. D’après l’analyste Serdar Aytakov interrogé par le média russe Nezavissimaïa Gazeta, la croissance démographique est l’un des fétiches du gouvernement. Pour l’expert, la rétention d’informations pose plusieurs défis aux autorités, tandis que les informations fournies par le gouvernement à la communauté internationale, comme l’état de l’économie ou la démographie, ne sont plus dignes de confiance.
« Les résultats scandaleux du recensement préliminaire indiquent la faillite des autorités et de leurs politiques. Gourbangouly Berdimouhamedov s’est emporté avec la construction de palais, d’hôtels, de stades, laissant la majeure partie de la population sans véritable travail, sans les infrastructures sociales nécessaires. Tous les investissements publics de plusieurs milliards de dollars, et il n’y en a pratiquement pas d’autres au Turkménistan, visant à créer des infrastructures industrielles, restent dans la catégorie « rien ». Comme déjà mentionné, il n’y a personne pour travailler dans les entreprises construites et il n’y a personne pour les servir, ils connaissent une grave pénurie de personnel », estime Serdar Aytakov auprès de Nezavissimaïa Gazeta.
La Turquie ou la Russie, lieux d’émigration privilégiés
Dans le détail, des centaines de milliers de turkmènes se sont rendus en Turquie avant la pandémie, profitant de l’accord de voyage sans visa entre les deux pays, estime Radio Azatlyk. Toutefois, la plupart d’entre eux ne sont jamais rentrés sur le sol turkmène. Le média rapporte qu’un grand nombre d’habitants tendent à obtenir des visas auprès des ambassades russes et ouzbèkes.
Cependant, la fermeture des frontières et les restrictions de voyage ont ralenti le processus. Selon les chiffres de Radio Azatlyk, durant l’année 2020, 2 451 Turkmènes ont reçu des passeports russes et 2 271 ont obtenu la résidence permanente en Russie. De plus, environ 87 200 citoyens turkmènes ont reçu des permis de séjour en Turquie.
Ces chiffres produits par Radio Azatlyk ne sont que les derniers en date montrant une véritable crise démographique au Turkménistan. Le média turkmène avait déjà estimé en mai 2019 que près d’1,9 million de Turkmènes avaient quitté le pays entre 2008 et 2018. À l’inverse, les autorités estimaient en 2006 qu’il y avait 6,7 millions de Turkmènes dans le pays, comme le relaient les dernières données produites par la Communauté des États indépendants.
Une situation économique et sociale désastreuse
Pour expliquer que le Turkménistan soit aussi dépeuplé aujourd’hui, Radio Azatlyk évoque une économie dévastée, un chômage endémique et un gouvernement autoritaire répressif. Le niveau d’éducation et la pénurie réelle de personnel qualifié ne permettent pas d’utiliser le potentiel des installations et infrastructures de haute technologie déjà construites, estime de son côté Serdar Aytakov à Nezavissimaïa Gazeta.
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La crise s’est aggravée au Turkménistan, avec des pénuries alimentaires et des hausses de prix. Les revenus liés aux ressources énergétiques n’ont profité qu’à un petit cercle d’élites gouvernementales et n’ont pas eu de retombées positives sur la population.
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Radio Azatlyk rapporte également que d’un point de vue social, de nombreux Turkmènes n’ont pas accès à des soins de santé adéquats, en particulier dans les zones rurales où les hôpitaux manquent d’équipements modernes. Dans le même temps, le gouvernement prive la population de ses droits et de ses libertés, comme l’accès à Internet ou aux réseaux sociaux.
Au milieu des difficultés financières et sociales, le taux de mortalité augmente alors que le taux de natalité, traditionnellement élevé, a baissé au cours de la dernière décennie, selon Radio Azatlyk. « En 2019, le nombre de morts au Turkménistan se situait entre 5 000 et 6 000 par mois. Mais en 2020, les chiffres mensuels sont passés à 8 000 et 10 000 à leur apogée« , estime le média turkmène.
Emma Vanzo
Rédactrice pour Novastan
Relu par Anne Marvau
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