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Tadjikistan : 20 ans après la guerre civile, l’heure est au souvenir

La guerre civile tadjike a laissé des traces quasi-indélébiles pour les citoyens de ce pays pauvre d’Asie centrale. Déplacements, famine, violences : rien n’est oublié, malgré les deux décennies écoulées.

Guerre civile Tadjikistan 1992 1997
Une scène de guerre civile à Douchanbé, la capitale du Tadjikistan, entre 199é et 1997.

La guerre civile tadjike a laissé des traces quasi-indélébiles pour les citoyens de ce pays pauvre d’Asie centrale. Déplacements, famine, violences : rien n’est oublié, malgré les deux décennies écoulées.

Novastan reprend et traduit ici un article publié à l’origine par Asia Plus.

« On se réjouissait de voir nos cours annulés, on jouait à la corde à sauter pendant les longues heures de queue pour le pain, on se partageait une paire de rollers à deux. Et on cherchait du travail, on étudiait, on mettait au monde de nouveaux enfants. La guerre civile battait son plein, mais la vie, elle, continuait. »

En mai 1992, peu après des élections présidentielles contestées qui mirent à la tête du Tadjikistan Emomalii Rahmon (l’actuel président du Tadjikistan),  des affrontements dégénèrent en guerre civile. Deux camps se font face : les communistes, soutenus par le gouvernement, et une coalition d’opposition menée par le Parti de la renaissance islamique, banni depuis septembre 2015.

Ce dernier groupe est constitué notamment de Tadjiks du Pamir et de Gharm : le conflit, politique, prend donc une dimension régionale et ethnique. Les violences, qui se concentrent dans la région de la capitale du pays, entrainent dès la première année plus de 50 000 morts, 600 000 déplacés internes et 80 000 réfugiés. Les accords de paix, signés le 27 juin 1997, fixent un quota de 30% des sièges du gouvernement pour l’opposition, mais les milices et mafias formées pendant la guerre gardent l’emprise à Douchanbé pendant plusieurs mois.

Vingt ans après les accords qui amenèrent la paix et la réconciliation au Tadjikistan, des rédacteurs d’Asia Plus, l’un des médias les plus importants dans le pays, racontent ce qu’ils ont vécu.

Zebo Tadjibaeva, rédactrice : « Les balles atteignent aussi ceux qui courent »

En 1992, j’avais quatorze ans. Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé le malheur qui avait frappé à notre porte. Même lorsque nous avons entendu les premiers coups de feu, nous ne comprenions toujours pas que la mort était tout près.

Puis un jour, on a amené dans notre cour un cercueil qui contenait le corps de mon voisin, un garçon seulement d’un an plus âgé que moi. Nous ne savions même pas pour quelle raison il avait été détenu plusieurs jours en prison. J’ai vu sur son corps des marques laissées par des brûlures de cigarette. C’est là que mon enfance s’est terminée.

Mes parents n’ont jamais cessé d’aller au travail,  même lorsqu’il n’y avait plus de transports publics. Un jour avec mon petit frère, nous avons regardé avec horreur notre mère sortir tranquillement du magasin alors qu’il y avait des tirs juste à côté d’elle. Je lui ai demandé plus tard : « Maman, pourquoi n’as-tu pas couru ? »  Ce à quoi elle m’a calmement répondu : « Les balles atteignent aussi ceux qui courent ».

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