Depuis leur création, les archives du Tadjikistan conservent des documents, qu’ils soient secrets ou qu’ils traitent de la vie quotidienne. Quels documents se trouvent dans les dépôts des archives de la République, qui y a accès et quels « secrets » y sont conservés ?Novastan reprend et traduit ici un article publié le 3 avril 2021 par le média tadjik Asia-Plus. Ces documents datent parfois du XIXème siècle. Certains sont classés secrets, mais d’autres sont des éléments anciens de la vie quotidienne, comme des actes de naissance ou de mariage : ce sont surtout ceux-là que les citoyens viennent consulter. Dans une interview à Asia-Plus, le spécialiste des archives gouvernementales du Tadjikistan Bahrom Gadourov explique le fonctionnement et le contenu de ces archives. En 1931 ont été créées les archives centrales d’État et les archives de la révolution d’Octobre de la République socialiste du Tadjikistan. Après 1991, ces archives ont trouvé leur nom actuel.
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Les archives d’État forment une institution conséquente, comprenant 13 annexes et 65 fonds d’archives interministérielles et privées. Les archives centrales et les archives de films, photos et audios se trouvent à Douchanbé, la capitale. Il existe aussi des annexes dans les oblasts de Soughd, Khatlon et du Haut Badakhchan, ainsi qu’un réseau d’archives interministérielles, qui sont rattachées aux gouvernements des régions, des villes ou des districts.
Des documents parfois très anciens, souvent méconnus du public
Par ailleurs, certains fonds privés sont inclus dans les archives nationales. Ces fonds ont été créés pour des individus qui ont contribué au développement de la République, de la science, de la culture, de la technologie et d’autres industries, ainsi que les personnes ayant reçu des prix d’État.
Ces documents archivés sont des témoignages de l’histoire du pays, des actions de personnes célèbres. De plus, il se trouve ici les données de tous les ministères et agences de la République, comme les données économiques et financières annuelles, leurs activités, leurs budgets, etc.
De quelles périodes proviennent les documents les plus anciens ?
Les archives renferment des documents datant des années 1850 : par exemple de très précieux documents historiques qui racontent la création du Turkestan. Des documents témoignent en outre des modes de vie et des évènements ancestraux. Le contenu des documents archivés peut être réparti en trois périodes : la première de 1850 à 1917, c’est-à-dire avant la révolution d’Octobre, la deuxième de 1917 à 1991, c’est-à-dire la période soviétique, et la troisième de 1991 à nos jours, soit la période du Tadjikistan indépendant. Lire aussi sur Novastan : « Les historiens du Tadjikistan indépendant n’ont pas à distinguer le bien du mal dans leur passé » En tout, ces 800 000 pièces sont réparties dans 2 136 fonds. Dans les archives se trouvent également plus de 100 000 documents photographiques et 65 000 documents vidéo, la déclaration d’indépendance et la vidéo du premier train à Douchanbé. Des documents racontent aussi le soulèvement de l’émirat de Boukhara, dont le territoire était situé sur celui du Tadjikistan actuel, ou de l’instauration du pouvoir soviétique dans le pays. Il existe également des vidéos de l’atterrissage du premier avion ou encore des photographies des premières voitures au Tadjikistan. L’un des documents les plus importants est la déclaration d’indépendance écrite le 19 octobre 1929 par le chef de la nouvelle République socialiste soviétique du Tadjikistan, Nousratoullo Makhsoum.
Quel est le délai de conservation des documents ? Qui y a accès ?
Aux archives nationales, la conservation se fait sans limite dans le temps. Les documents qui n’ont pas d’intérêt national, par exemple ceux qui concernent certains organismes, se conservent en général 75 ans.
L’accès est aujourd’hui ouvert à la majorité des citoyens du pays. Une salle existe pour la consultation. En fait, tout le monde ne s’intéresse pas à ces documents. En général, ce sont des chercheurs, des professeurs ou des étudiants. Les scientifiques examinent de nombreux documents au cours de leurs recherches. Par exemple, ils ont mis au jour des documents, des photographies mais aussi des films sur le déroulement de la construction de la grande route du Pamir en 1940. Il n’y a pas si longtemps, des documents provenant du fonds personnel de Ziyodoullo Chahidi (musicien tadjik, père de la musique symphonique perse au Tadjikistan, ndlr) ont aussi été rendus publics. Lire aussi sur Novastan : A la recherche des Rythmes du temps perdu au Tadjikistan Les sollicitations des citoyens concernent principalement des questions de travail. Ils demandent souvent des documents témoignant de leurs périodes de travail pendant l’ère soviétique ou pendant les premières années de l’indépendance, ou bien ils effectuent des recherches sur leurs ancêtres.
Les documents concernant la période soviétique ne sont pas encore déclassifiés
Après la chute de l’URSS, dans beaucoup de républiques post-soviétiques, la plupart des documents d’archives, y compris ceux qui concernent des personnalités condamnées et des documents du Parti communiste, ont été déclassifiés. Est-ce le cas dans les archives du Tadjikistan ? En 2014, les archives du Parti communiste du Tadjikistan sont tombées dans le domaine des archives gouvernementales. Mais pour l’instant, l’accès à ces documents est limité.
Il y a plus d’un million de documents dans ces archives. Pour étudier une telle quantité de sources, il faut beaucoup de temps et de la main d’œuvre. Avec le temps, les citoyens tadjiks pourront connaître toute la vérité sur les actions du Parti communiste, y compris ce qui reste encore à ce jour dans l’ombre.
Certains documents peuvent-ils devenir inexploitables ?
C’est une question très importante dans l’archivage. Après l’indépendance, l’acquisition de travaux sur l’utilisation de procédés chimiques pour garantir la conservation des documents, la création de méthodes de traitement préventif et la restauration des documents ont été très difficiles en raison du manque de spécialistes, d’équipements et de matériel moderne. Les nouvelles technologies informatiques n’ont pas été utilisées dans ces travaux.
Heureusement, ces dernières années, l’organisation des archives a connu des changements profonds. Un certain nombre de décisions gouvernementales ont été prises pour améliorer les archives. Par exemple, en 2009 a débuté le Programme de développement des archives en République du Tadjikistan pour la période 2009-2019. Beaucoup a été fait, y compris en ce qui concerne la question de la sauvegarde des documents photo, audio et vidéo au format numérique, ce qui permettra de les conserver pour une durée illimitée. Il faut également tenir compte des questions relatives à la sécurité et à la comptabilité publique.
Gsaïdar Chodiev Journaliste pour Asia-Plus
Traduit du russe par Clémentine Vignaud
Édité par Christine Wystup
Relu par Anne Marvau
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