Ces derniers jours, plusieurs dizaines de refugiés afghans ont été expulsés du Tadjikistan, sans que les raisons soient clairement expliquées par les autorités. Ces expulsions, en plus de les mettre en danger, placent leurs familles dans des situations précaires.
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a appelé Douchanbé à respecter les normes et obligations internationales pour la protection des réfugiés afghans après de nouvelles expulsions. Le média russe Fergana News relate que du 3 au 5 décembre, les autorités tadjikes ont expulsé au moins 41 citoyens afghans, dont 37 réfugiés, sans procédure régulière.
« L’expulsion de réfugiés vers un pays où ils risquent de subir des atteintes graves constitue une violation du principe de non-refoulement. Ce principe est inscrit dans l’article 33 de la Convention des Nations unies de 1951 relative au statut des réfugiés, dont le Tadjikistan est signataire », a rappelé l’agence de l’ONU.
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Interrogé par Radio Ozodi, la branche tadjike du média américain Radio Free Europe, un représentant du consulat afghan contrôlé par le régime taliban à Khorog, sous couvert d’anonymat, a affirmé le 5 décembre qu’environ 60 citoyens afghans avaient été expulsés via le passage de Cheir Khan Bandar. Le chef du Comité des migrants afghans au Tadjikistan, Mousavvir Bakhodouri, a confirmé la même information auprès du média tadjik Asia-Plus.
Des motifs officiels peu clairs
Selon ce dernier, conformément aux instructions des autorités tadjikes, un groupe compétent a arrêté des « contrevenants à la loi ». Ceux-ci ont été détenus et certains déjà expulsés du pays. Mousavvir Bakhodouri a expliqué que les autorités indiquaient le non-respect des règles de séjour au Tadjikistan pour justifier les expulsions.
Ils sont plus particulièrement expulsés pour « port d’une barbe indécente, port de vêtements étrangers et comportement inapproprié dans la société, consommation d’alcool, création de situations de conflit et de discorde dans la société, débats politiques sur les réseaux sociaux, propagande extrémiste et religieuse, travail sans documents officiels et offenses. »
Un témoin des arrestations a affirmé que les personnes expulsées possédaient des documents en règle et n’avaient en aucun cas eu un comportement « inapproprié ». Quant à la première accusation plus particulièrement, les Afghans, comme les Tadjiks, savent qu’il suffit d’une barbe trop longue pour avoir des problèmes avec la police et se gardent bien de la laisser pousser. Selon cette source, les personnes arrêtées ont été prises plus ou moins au hasard.
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Le chef du Comité des migrants afghans a appelé les agences de sécurité tadjikes, le bureau du HCR au Tadjikistan et d’autres organisations influentes à protéger leurs droits, mais ceux-ci affirment auprès des Afghans qu’ils « ne peuvent rien faire ». Mousavvir Bakhodouri affirme que ces expulsions sont dangereuses et peuvent même provoquer la mort de certains réfugiés, le pays étant actuellement dirigé par les talibans.️
Des difficultés pour les familles laissées derrière
Le représentant du consulat afghan de Khorog a déclaré : « Les Afghans expulsés vivaient et travaillaient à Vahdat (ville à une trentaine de minutes de la capitale, ndlr), dans le district de Roudaki et à Douchanbé. Leurs papiers étaient en règle, donc je ne connais pas la raison des expulsions. La plupart d’entre eux ont été arrêtés par la police de Vahdat. »
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Rouyo Hafizi, réfugiée afghane à Vahdat, raconte que son mari a été expulsé du Tadjikistan le 4 décembre dernier. Selon elle, personne n’a indiqué la raison de l’expulsion. Cette famille vivait au Tadjikistan depuis cinq ans.
« Mercredi, mon mari était au poste de police local, puis tous les détenus ont été emmenés à Douchanbé. Plus tard, mon mari a appelé de la frontière. J’ai cinq enfants. Nous vivons dans un sous-sol. Mon mari était le seul soutien de la famille, et je ne sais pas quoi faire maintenant », a-t-elle détaillé.
Des migrants afghans visent le Canada
Dans une interview à Radio Ozodi, le porte-parole du ministère tadjik de l’Intérieur, Nousratoullo Mahmadzoda, a déclaré qu’il n’avait pas été informé de l’expulsion de citoyens afghans. Selon lui, « conformément à la loi, les citoyens étrangers qui se trouvent au Tadjikistan sont passibles d’expulsion en cas de violation des règles de séjour dans le pays ».
Depuis le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan le 15 août 2021, des centaines de milliers de citoyens afghans ont fui le pays. Environ 10 000 vivent au Tadjikistan.
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Selon l’ONU, en 2022, les autorités tadjikes avaient déjà expulsé au moins 85 réfugiés afghans. Douchanbé n’a pas commenté le processus ni expliqué les raisons de cette décision.
Le média russe Meduza rappelle que le gouvernement canadien a promis d’accueillir au moins 40 000 réfugiés afghans. A Vahdat, nombre de ces réfugiés veulent s’installer au Canada, considérant le Tadjikistan comme une zone de transit malgré les proximités culturelles, à cause notamment des difficultés économiques et de la corruption des fonctionnaires.
William Onkur
Rédacteur pour Novastan
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Nicole Chavignot, 2024-12-12
Merci de nous tenir au courant des difficultés que vivent les Afghans dans le monde.
Où peuvent -ils échapper à un destin tragique ? Même les pays de même langue, même religion, comme le Tadjikistan et l’Iran les rejettent…
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Vincent Gélinas, 2024-12-13
Qu’est-ce qui a bien pu leur faire penser que séjourner au Tadjikistan serait une bonne première étape pour aller au Canada? Pauvre eux.
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