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« La prose de Hafiz Saïfoullaïev marque un tournant fécond dans la littérature tadjike de langue russe »

Le recueil de nouvelles Serre-moi dans tes bras, de Hafiz Saïfoullaïev, a été proposé pour le prix littéraire Sadriddine Aïny.

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Asia Plus 

Traduit par : ldaddazio

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Hafiz Saïfoullaïev
L'écrivain Hafiz Saïfoullaïev. Photo : Archives privées / Asia-Plus.

Le recueil de nouvelles Serre-moi dans tes bras, de Hafiz Saïfoullaïev, a été proposé pour le prix littéraire Sadriddine Aïny.

Le livre Serre-moi dans tes bras (Moscou, 2024), de l’écrivain tadjik Hafiz Saïfoullaïev, a été proposé par la section de Soghd de l’union des écrivains du Tadjikistan pour le prix littéraire Sadriddine Aïny. Cela représente sans aucun doute un jalon important dans le paysage littéraire tadjik russophone contemporain.

A première vue, les nouvelles de l’écrivain peuvent susciter un sentiment d’ambivalence. Certains les trouvent très personnelles, intimes, simples sur le plan linguistique, mais complexes au niveau de la perception et de la profondeur de la pensée qu’elles véhiculent. Certains y perçoivent une écriture plutôt cérébrale, rationnelle, animée par l’exigence d’exprimer les mots de l’âme, les fractures émotionnelles. Quoi qu’il en soit, en captant les subtilités du sous-texte, il est clair qu’un avenir prospère attend l’écrivain russophone, véritable sculpteur de mots.

Le média tadjik Asia-Plus a lu attentivement l’ouvrage Serre-moi dans tes bras, publié en 2024 par les éditions Perou à Moscou, et en a tiré les conclusions suivantes.

Un écrivain lyrique

Hafiz Saïfoullaïev est un écrivain lyrique, en qui l’Orient et l’Occident s’entremêlent de façon naturelle. Sa prose est imprégnée du monde qui l’entoure. L’arbre, la rivière de montagne, les sommets élevés, tous ces éléments se manifestent de façon philosophico-poétique dans sa production.

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Le trait le plus essentiel de ses nouvelles, c’est l’absence de déformation des idées sur le monde, sur les gens et leurs vies. Hafiz Saïfoullaïev exprime ses pensées et ses sentiments avec une telle sincérité que ses mots semblent surgir dans un moment de pure vérité, sans aucun artifice :

« J’étais assis sur un banc dans le parc. Dans les flammes orangées de l’automne, enveloppé dans ma veste noire, je ressemblais à un charbon qui ne s’est pas encore allumé. J’avais ouvert mon ordinateur portable et fixais l’écran. Je cherchais le Verbe. C’est un chat qui m’a distrait de ces élucubrations inutiles, s’étant glissé tout près sans que je m’en aperçoive. Il était gris, tacheté de blanc, presque transparent. Flottant, peut-être… »

Des récits emprunts de sincérité

L’écrivain est tout à fait conscient du fait que la perte de la sincérité et de la vérité intérieure est fatale à la littérature. Et pourtant, les nouvelles de Hafiz Saïfoullaïev ne se limitent pas à un simple récit de ce qu’il a vu ou vécu : elles prennent la forme de méditations philosophiques, de réflexions sur la vie et la mort, le passé et l’avenir, sur le combat irréconciliable entre le bien et le mal, sur la joie et le chagrin, l’instant et l’éternité :

« En voyant ma mère allongée dans son lit, d’un air étrangement sévère, je me suis approché d’elle et j’ai pris sa main refroidie dans les miennes. Son menton était maintenu par un bandage. « C’est fini, me suis-je dit, maman est morte. » Je la regardais, tentant de graver ses traits dans ma mémoire. Mais, à la place, revenait son visage jeune, son rire. Je suis resté ainsi, jusqu’à ce que je replace l’oreiller sous sa tête. Sous l’oreiller se trouvait un gilet de velours plié, celui que j’aimais. Je n’ai pas pu retenir mes sanglots et me suis penché vers elle, je l’ai prise dans mes bras. C’est alors que j’ai entendu sa voix : « Tu m’aimes ? » J’ai recommencé à respirer. La lumière de ma mère coulait dans ma poitrine. Personne ne l’a vu. Cela reste un secret entre ma mère et moi. »

Comme un retour en enfance

La prose de Hafiz Saïfoullaïev se distingue par la richesse de son lexique et la variété de son rythme.

La langue de ses œuvres est riche, métaphorique et simple, « presque matériellement tangible » d’après la critique Sanoat Azizova. Sa pensée est à la fois imagée et philosophique. L’absence, dans ses récits-miniatures, de grandiloquence ou de ton déclaratif, caractéristiques fréquentes chez les prosateurs habituels, dénote l’alliance d’un véritable talent artistique et d’une profonde intelligence.

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En lisant les miniatures de Hafiz Saïfoullaïev naît ce sentiment poignant de nostalgie : le souvenir de sa propre enfance. Dans nombre de ses récits, les couleurs sont plus vibrantes, la neige plus blanche, le ciel plus azuré et plus insondable. Dans la nouvelle Serre-moi dans tes bras, tout est justement ainsi : le souffle se coupe devant l’éclat des épithètes merveilleuses et colorées.

C’est un cas rare : lire un texte d’une telle cohérence et densité, écrit d’un seul souffle, au point qu’on regrette presque que les souvenirs d’enfance prennent fin, qu’ils s’interrompent…

Une musique et une pensée

Ce ne sont ici que quelques esquisses d’impressions nées à la lecture, ou à l’écoute, de ces récits musicaux d’un écrivain talentueux qui s’est imposé avec éclat dans la littérature russophone du Tadjikistan. En lisant ses récits-miniatures, le lecteur perçoit une musique et une pensée, enveloppées dans le vêtement de son imagination poétique :

« Il existe le Verbe. Celui qui a la fonction de réveiller l’homme. Et voilà qu’il surgit soudain dans le contexte d’une phrase, d’un récit. »

C’est exactement ce qui se produit dans les nouvelles du recueil Serre-moi dans tes bras.

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Hafiz Saïfoullaïev avance dans la littérature avec sérieux et assurance. Il lui faut continuer d’être toujours aux côtés des gens, de vivre les événements pleinement avec ses personnages. Car c’est l’essentiel pour un écrivain, un poète, un créateur. Et il n’est pas de plus grand bonheur que d’être compris de ceux pour qui l’on crée.

Un sculpteur de mots

Comme l’écrit la poétesse kabardino-balkare Tanzilia Zoumakoulova :

« Et pour sécher les larmes de quelqu’un,
Pour adoucir la douleur, ô poète, tu dois être
Non un acteur jouant un rôle,
Mais verser toi-même des larmes amères,
Et ne pas refouler la véritable souffrance »

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Pour conclure ces réflexions sur le livre de Hafiz Saïfoullaïev Serre-moi dans tes bras, une œuvre qui peut à juste titre être qualifiée de prose poétique, il est possible d’estimer que son auteur, véritable sculpteur de mots, mérite sans aucun doute l’attribution du prestigieux prix littéraire Sadriddine Aïny.

Sa prose, comme l’affirme le poète Nizom Kosim, « réunit en elle tout ce qu’il y a de meilleur : la force d’attraction de l’intrigue et des images, l’éclat de l’imagination et de la fantaisie, la finesse des thèmes et des caractères, une langue riche et imagée. Comment ne pas apprécier une telle prose ? »

Azim Aminov et Kamila Moulloïeva
Journalistes pour Asia-Plus

Traduit du russe par Lisa D’Addazio

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