Les conséquences de la pandémie n’ont pas épargné les zones franches du Tadjikistan. À travers les exemples de celle de Soughd et de l’entreprise DP Fortuna-Ko, le média tadjik Asia Plus brosse le portrait économique encourageant d’une zone franche en temps de crise.Novastan reprend et traduit ici un article publié le 17 décembre 2020 par le média tadjik Asia Plus. Le Tadjikistan compte cinq zones franches, mais seules deux d’entre elles, Soughd et Danghara, fonctionnent vraiment. Asia Plus s’est intéressé à celle de Soughd : comment la zone franche survit-elle à la pandémie de coronavirus ?
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À Khodjent, dans la zone franche de Soughd, 30 entreprises commerciales sont actuellement enregistrées. Parmi elles, 14 sont d’ores et déjà en activité, tandis que les autres sont en construction ou en recherche d’investisseurs. En 2018, la zone franche de Soughd a célébré son dixième anniversaire, et depuis sa création, la production n’a cessé de croître. Seule la crise économique mondiale de 2009 avait rendu cette augmentation négligeable.
Davantage d’investissements
Le montant des investissements fin 2020 a atteint les 15,2 millions de somonis (environ 1,15 million d’euros), soit 175 % de plus qu’à la même période un an auparavant. Une telle augmentation est due au fait que les entreprises récemment créées n’ont pas stoppé les chantiers de construction et l’importation de matériel de production.
Environ dix millions de somonis (760 000 euros) d’investissements ont été levés par la société ouzbèke Okhankor. L’usine est en cours de construction et produira des lingots métalliques qui seront ensuite exportés en Ouzbékistan. Quant à l’entreprise nationale de fruits secs Donai Almos, sa construction est presque achevée. Malgré la pandémie, les entreprises de la zone franche ont conservé pratiquement le même volume de production que les années précédentes, pour un montant total de 143,4 millions de somonis (près de 11 millions d’euros). Ce résultat est porté par des entreprises spécialisées dans la production de châssis de portes et de fenêtres en aluminium et en plastique, de jouets et de vélos pour enfants, de meubles, ou de tuyaux de canalisation. Lire aussi sur Novastan : Tadjikistan : la fin du Covid-19, une affirmation “très improbable” Les entreprises de services ne sont pas en reste, générant 700 000 somonis (53 500 euros) de plus qu’en 2019, atteignant les 4,3 millions de somonis (327 000 euros). La zone franche compte également une école technique regroupant 300 étudiants en provenance de tout le pays. Le montant des droits de douane payés par les entreprises a diminué de 1,5 % et s’élève à 18,5 millions de somonis (1,4 million d’euros). Cependant, à cause des mesures de quarantaine, le nombre d’emplois a diminué. En 2019, si les entreprises avaient recruté 65 nouveaux employés, l’année 2020 ne dénombre que 38 nouvelles embauches.
L’impact de la pandémie sur les entreprises
L’une des principales entreprises de la zone franche de Soughd est DP Fortuna-Ko, qui produit des portes en bois. Elle a été créée par un entrepreneur local, Dadokhon Ochilov, et fait partie de l’Association des constructeurs et des transformateurs Kedr.
Comme toutes les entreprises, DP Fortuna-Ko a dû faire face à une grande incertitude lors de la pandémie. « En observant ce qui se passait dans les pays où avait été instaurée une quarantaine, nous avons pu mieux nous y préparer », déclare Moumine Oumarov, vice-président du conseil d’administration. « Mais personne ne s’attendait à ce que la pandémie dure aussi longtemps. La dévaluation de la monnaie nationale était prévisible, et nous avions mis en place un “tampon de sécurité”. Cependant, ce dernier ne nous a pas permis de tenir éternellement, et la nouvelle dévaluation a constitué pour nous une perte directe », continue-t-il. Avec la fermeture des frontières terrestres au début de la pandémie, l’entreprise a commencé à rencontrer des difficultés pour importer des matières premières. Toutefois, la reprise du fret international en juin 2020 a permis un approvisionnement dans les temps pour ne pas gêner la production.
Des performances en baisse
Les performances enregistrées à la fin du troisième trimestre de l’année 2020 sont nettement plus basses que celles de la période équivalente en 2019, avec une production qui a chuté de 25 % et des ventes qui ont diminué de 20 %. Selon Moumine Oumarov, il s’agit d’une conséquence directe de la pandémie. Lire aussi sur Novastan : Le Tadjikistan appelle la Banque asiatique de développement à l’aide Pour minimiser les conséquences de la pandémie de COVID-19, une cellule anticrise a été mise en place dans l’entreprise dès mars 2020, ce qui a permis de résoudre rapidement les problèmes de production et de pouvoir traiter les commandes des clients. « Notre objectif principal est d’empêcher que la production ne s’arrête », précise Moumine Oumarov, « mais il est aussi essentiel pour nous d’assurer la sécurité des employés et d’éliminer la crainte qu’ils ne contractent la maladie sur leur lieu de travail. Des conditions sanitaires strictes ont été mises en place dans tous les secteurs de l’entreprise. Nous avons également soutenu nos employés de toutes les manières possibles, des colis alimentaires aux primes ou aux récompenses financières ».
Toutefois, si les crises financières passées avaient constitué une sorte d’opportunité pour le développement de l’entreprise, la situation actuelle est fondamentalement différente des précédentes. D’après Moumine Oumarov, cela s’explique par le fait qu’ils ne fabriquent pas de produits de première nécessité.
Comment soutenir les entreprises ?
Beaucoup d’entrepreneurs n’ont pas pu développer des programmes de lutte contre la crise, se retrouvant seuls face à leurs difficultés. Selon lui, dans ce contexte de pandémie, les prestations de conseil qui tiennent compte du fonctionnement propre de l’entreprise et de l’état du marché vont être d’actualité. Cela s’applique en particulier aux domaines de l’optimisation des processus de gestion, de la communication en ligne, des systèmes de gestion de documents électroniques, de sécurité de l’information, de l’évaluation et de la durabilité des risques. La pertinence de ces domaines est indépendante des facteurs externes car elle repose sur un changement de mentalité et une nouvelle approche des affaires.
« Pour soutenir les petites entreprises, nous pensons que des incitations financières sont nécessaires », poursuit Moumine Oumarov. Bien entendu, toutes les entreprises n’ont pas besoin d’aide, les secteurs alimentaire et pharmaceutique ont par exemple connu une augmentation significative des volumes de production et de vente. Les banques pourraient aussi accorder des prêts anticrise, dits prêts rapides, à leurs clients, afin qu’ils puissent maintenir leurs entreprises à flot. Il est nécessaire d’aider les entreprises les plus fragiles à faire face aux effets de la crise, pour qu’elles puissent les surmonter à moyen terme.
Aliya Khamidoullina Journaliste pour Asia-Plus
Traduit du russe par Salomé De Baets
Édité par Laure de Polignac
Relu par Anne Marvau
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