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Au Tadjikistan, des plaintes concernant les dommages environnementaux causés par l’extraction de l’or

La coentreprise Zarafchon est la plus grande société minière aurifère du Tadjikistan, mais elle fait l'objet de critiques croissantes en raison de ses activités présumées nuisibles à l'environnement. Au début de l'année, plus de cent habitants de la région ont écrit une lettre publique aux autorités pour dénoncer ces dommages. Depuis près de cinq ans, dans le district de Pendjikent, dans l'ouest du Tadjikistan, les habitants des villages de Ching et de Kozataroch se plaignent des activités de la société d'extraction d'or tadjiko-chinoise Zarafchon. Selon eux, l'entreprise cause des problèmes environnementaux et sociaux majeurs dans la région, menaçant la santé humaine aussi bien que la faune et la flore. Une lettre ouverte intitulée La société Zarafchon donne de l'or aux autres et nous empoisonne a été publiée à la mi-janvier 2022 sur le site de l'agence de presse Pressa.tj. Elle a été signée par cent quarante-sept habitants des villages voisins et adressée au président du pays, Emomali Rahmon.

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La rivière Zerafchan, au nord du Tadjikistan (illustration).

La coentreprise Zarafchon est la plus grande société minière aurifère du Tadjikistan, mais elle fait l’objet de critiques croissantes en raison de ses activités présumées nuisibles à l’environnement. Au début de l’année, plus de cent habitants de la région ont écrit une lettre publique aux autorités pour dénoncer ces dommages. Depuis près de cinq ans, dans le district de Pendjikent, dans l’ouest du Tadjikistan, les habitants des villages de Ching et de Kozataroch se plaignent des activités de la société d’extraction d’or tadjiko-chinoise Zarafchon. Selon eux, l’entreprise cause des problèmes environnementaux et sociaux majeurs dans la région, menaçant la santé humaine aussi bien que la faune et la flore. Une lettre ouverte intitulée La société Zarafchon donne de l’or aux autres et nous empoisonne a été publiée à la mi-janvier 2022 sur le site de l’agence de presse Pressa.tj. Elle a été signée par cent quarante-sept habitants des villages voisins et adressée au président du pays, Emomali Rahmon.

Le danger du traitement des déchets

La coentreprise tadjiko-chinoise Zarafchon exploite l’or de Pendjikent depuis 1997. Comme l’explique la lettre, l’entreprise a construit sa station de traitement des déchets à environ trois cent ou quatre cent mètres d’une zone habitée et a rempli trois bassins de rétention de produits chimiques toxiques en l’espace de vingt-quatre ans.

L’implantation de ces installations à proximité des villages nuit à la qualité de l’air, au sol, aux pâturages et à la santé des habitants. Ces derniers, notamment les personnes âgées et les enfants, se plaignent de maladies fréquentes. « Chez les jeunes, les cas d’infertilité se multiplient. Par ailleurs, il y a de plus en plus de décès dus à des naissances prématurées », déplorent les habitants. En 2007, des citoyens de la municipalité ont donné cinquante-trois hectares de terrain à la coentreprise Zarafchon pour la construction d’une station de traitement. En contrepartie, la direction de l’entreprise avait promis aux citoyens d’attribuer des terrains de mêmes dimensions dans d’autres zones du district de Pendjakent. Cependant, cette promesse n’a pas été tenue. En 2019, Zarafchon a lancé la construction d’une nouvelle station de traitement dans le village de Tchoumgaron, à côté de la source d’eau du village qui sert à la fois à l’approvisionnement en eau potable et à l’irrigation de cent hectares de terrain.

Des discussions qui n’aboutissent pas

Les habitants de Tchoumgaron se sont tournés à plusieurs reprises vers la direction de l’entreprise, le gouvernement municipal et l’organe exécutif de la province de Soghd pour empêcher la construction de cette station, mais ils disent avoir été ignorés. « Si la construction de cette installation est nécessaire, nous demandons à Zarafchon de reloger les habitants dans une autre région. Malheureusement, l’entreprise a décidé de ne relocaliser que 47 ménages sur 147 », ont écrit les habitants dans leur lettre ouverte. Jusqu’à présent, toutes les discussions menées concernant l’arrêt de la construction d’une nouvelle station de traitement n’ont abouti à aucun résultat satisfaisant. Malgré les plaintes et les protestations des habitants de Tchoumgaron, la direction de Zarafchon a décidé arbitrairement de lancer les travaux. L’achèvement et la mise en service de cette installation qualifiée de « dangereuse » par les habitants sont prévues pour la fin du deuxième semestre 2022 et toutes les protestations publiques, principalement menées par des femmes, sont ignorées par les autorités et la société minière Zarafchon.

Des poissons meurent près d’une fabrique de chaux

La station de traitement n’est pas le seul objet des plaintes des habitants du district de Pendjakent concernant les activités de Zarafchon. En juillet 2019, une hécatombe de poissons a été découverte sur les rives de la rivière Ching. Un résident local, le journaliste et poète Ismoïl Zarifi, a été parmi les premiers à protester. Il soupçonne les eaux usées de l’usine de chaux de Zarafchon, déversées dans la rivière, d’avoir causé la mort des poissons. La rivière Ching prend sa source dans la région des Sept lacs, ou Khaft-koul, et est considérée comme l’une des sources d’eau naturelle les plus propres de la vallée du Zerafchan. Ismoïl Zarifi a exhorté les dirigeants tadjiks, y compris le gouverneur de la province de Soghd, à réagir immédiatement à la catastrophe environnementale causée par la coentreprise. Lire aussi sur Novastan : L’héritage de Tabochar : l’extraction d’uranium au Tadjikistan et ses conséquences Le comité de protection de l’environnement du gouvernement tadjik a effectivement réagi : un groupe de responsables de l’agence a lancé une enquête sur les causes de la mort massive de ces poissons. Lors d’une conférence de presse fin juillet 2019, le chef adjoint du département de la protection de l’environnement de la région de Soghd, Bouniod Abdoumaliksoda, a déclaré que les experts du comité avaient trouvé une décharge de chaux appartenant à la société minière Zarafchon à cinquante mètres de la rive de la rivière Ching. « Les dommages se sont élevés à environ 200 000 somonis (près de 19 000 euros) et une amende de 11 000 somonis (environ 1 000 euros) a été infligée », a déclaré Bouniod Abdoumaliksoda aux journalistes.

Pas de preuves

Cependant, la question de la contamination a été ignorée par l’écologiste adjoint de la province de Soghd. Selon lui, le climat chaud de l’été et les dommages aux berges ont entraîné le déversement d’une partie des déchets de chaux dans la rivière. « Un grand torrent a détruit le barrage du lac, l’eau s’est échappée, les poissons se sont retrouvés sans eau et sont morts dans une coulée de boue », a souligné Bouniod Abdoumaliksoda. Il ajoute : « En outre, les résultats de trois expertises n’ont pas confirmé la présence de substances toxiques dans les corps des poissons morts. » En 2010, l’usine de production de chaux SP Zarafchon LLC a été construite dans le village de Ching, près de la rivière du même nom. Il y a deux fours pour la chaux, laquelle est utilisée dans la production aurifère. L’entreprise emploie seize personnes et a produit 7 200 tonnes de chaux en 2021. Une inspection de l’autorité environnementale en juillet 2019 n’a révélé aucun écart majeur quant aux normes applicables. « L’usine de production de chaux a été construite dans le cadre de l’exploitation de la mine d’or. Les conditions socio-économiques et la santé des riverains ainsi que l’impact sur l’environnement ont été pris en compte lors de la construction de cette entreprise », a déclaré le chef adjoint du comité de protection de l’environnement.

De la chaux pour l’or et du poison pour la population

En 2017 pourtant, des journalistes du Centre de journalisme d’investigation du Tadjikistan ont enquêté sur la pollution de l’environnement par Zarafchon. Ils ont découvert de nombreux problèmes alors inconnus des habitants de la région. Le résultat de l’enquête a été publié par l’agence de presse locale Sughdnews en juillet 2017 sous le titre De la chaux pour l’or et du poison pour la population. L’article souligne que l’émission quotidienne d’une fumée épaisse, malodorante et toxique par l’usine de chaux expose les habitants des villages voisins à diverses maladies. Les journalistes signalent que l’usine a causé de grands dommages à la population, aux plantes, aux animaux et aux cultures depuis sa mise en service. Ils ont également interpellé à plusieurs reprises la direction de Zarafchon, les autorités locales et d’autres décideurs au sujet de cette pollution, sans résultat jusqu’à présent. Lire aussi sur Novastan : Quand l’or du Tadjikistan s’épuise Lors de la construction de l’usine de chaux en 2010, un rapport d’expertise de la commission environnementale arrivait à la conclusion suivante : « Il convient de noter que l’activité envisagée peut affecter l’environnement de diverses manières, par exemple par des effets sur les ressources en eau, sur la faune, la flore, et qu’elle entraînera des modifications du paysage de la zone sélectionnée. Par conséquent, lors de l’évaluation de l’impact environnemental d’un projet d’implantation, il est nécessaire de montrer la probabilité de son impact sur l’environnement et les moyens de l’atténuer. »

L’impact négatif de la chaux sur l’environnement

Selon les experts de l’industrie, la préparation de la chaux dans des fours rejette dans l’air des poussières organiques telles que du monoxyde de carbone, du dioxyde d’azote et du dioxyde de soufre. Le processus de filtration des déchets retient normalement 80 % des poussières émises et la quantité d’émissions atmosphériques dépend de la capacité de production de l’usine. Mais d’autres aspects de la production, comme le bruit des machines et la dégradation des sols, peuvent également avoir un impact négatif sur l’environnement. Les journalistes constatent que malgré l’adoption de l’avis de la Commission pour l’environnement, la majorité des points qu’il contient n’a pas été respectée. Kamil (le nom a été modifié), un habitant du village de Rachna dans le district de Pendjakent, observe qu’il n’a rien pu faire pousser sur sa parcelle de jardin depuis une dizaine d’années. Les arbres ne portent aucun fruit. « La source de la pollution est la fumée et les émissions de la mine d’or de Zarafchon », souligne Kamil. Lire aussi sur Novastan : Kazakhstan : des villes liées à l’extraction de l’or, pour le meilleur et pour le pire Au cours d’une enquête menée par deux journalistes reconnus au Tadjikistan, certains responsables ont déclaré que l’usine de chaux était une société indépendante ne relevant pas Zarafchon. Dans les faits, les documents publics de l’entreprise révèlent le contraire.

Une coentreprise « secrète »

La société Zarafchon est une coentreprise tadjike et chinoise, fondée par le ministère de l’Industrie et des Nouvelles Technologies du Tadjikistan et la société chinoise Zijin. Actuellement, le gouvernement tadjik possède 30 % du capital social tandis les 70 % restants sont détenus par la société partenaire chinoise. Selon le média tadjik Asia-Plus, la société existe depuis 1994 et produit 70 % de l’or du Tadjikistan. En 2017, Zarafchon et la Compagnie minière du Tadjikistan et de Chine ont reçu le titre de « meilleur contribuable du pays » lors du concours organisé par les autorités tadjikes. Selon le ministère tadjik des Finances, la dette extérieure totale du pays au 1er janvier 2022 était de 3,3 milliards de dollars, soit 37,6 % du Produit intérieur brut (PIB). La Chine représente 1,39 milliard de dollars (1,27 milliard d’euros), soit près de 34 % de la dette extérieure du Tadjikistan.

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Selon les termes de l’accord entre les fondateurs de Zarafchon, les informations sur la production, les innovations technologiques, la gestion, la planification financière et d’autres activités de l’entreprise sont confidentielles. Pour accéder à des informations sur ses opérations, il faut notamment obtenir l’autorisation des fondateurs de l’entreprise, qui ignorent généralement les demandes des journalistes. L’entreprise garde ses secrets. Seul le temps dira si les appels publics des cent quarante-sept habitants du village de Tchoumgaron seront entendus et si les problèmes environnementaux et sociaux de la région qui s’accumulent depuis des années seront résolus. Jusqu’à présent, la volonté politique semble faible, d’autant plus que la société Zarafchon occupe une place importante dans l’économie tadjike.

Aziz Roustamov Rédacteur pour Novastan

Traduit du russe par Justine Portier

Édité par Judith Robert

Relu par Élise Piedfort

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