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Haut-Karabakh : le conflit vu depuis l’Asie centrale

La situation au Haut-Karabakh est l'un des conflits les plus anciens hérité du bloc soviétique. Si la Russie a un temps été au cœur des démarches d’apaisement, son affaiblissement pourrait bien redessiner les dynamiques à l’œuvre en Asie centrale.

Haut Karabakh
Le président azéri a cherché un soutien centrasiatique dans le conflit du Haut-Karabakh, tandis que l'Arménie fait partie d'une organisation de sécurité commune avec certains Etats centrasiatiques. Photo : Wikimedia Commons.

La situation au Haut-Karabakh est l’un des conflits les plus anciens hérité du bloc soviétique. Si la Russie a un temps été au cœur des démarches d’apaisement, son affaiblissement pourrait bien redessiner les dynamiques à l’œuvre en Asie centrale.

La visite était inattendue. Le 14 septembre dernier, le président azéri Ilham Aliev s’est rendu à Douchanbé, où il a rencontré le président tadjik Emomali Rahmon. Un échange qui suscite de nombreuses interrogations chez les observateurs, qui y voient un possible rapprochement entre l’Azerbaïdjan et la république centrasiatique tadjike, rapporte Ozodlik, la branche ouzbèke du média américain Radio Free Europe.

Il faut dire que les tensions s’aggravent dans la région. Le Haut-Karabakh, République non reconnue par plusieurs des pays d’Asie centrale et que se disputent Bakou et Erevan, organisait alors une élection présidentielle. Le 28 septembre dernier, la République annonce finalement sa dissolution, impuissante face aux forces armées de l’Azerbaïdjan.

A première vue, le conflit pourrait sembler éloigné des républiques d’Asie centrale, situées sur l’autre rive de la mer Caspienne. Et pourtant. Au-delà de son internationalisation, le conflit au Haut-Karabakh est révélateur de nouveaux enjeux qui parcourent la région, et contribue à redessiner l’échiquier régional.

Un conflit ancien qui s’accélère

Tout s’est accéléré depuis cette visite du 14 septembre. L’offensive militaire lancée cinq jours plus tard par l’Azerbaïdjan a abouti à la reddition du Haut-Karabakh, territoire de 4 400 kilomètres carrés dont une grande partie de la population est arménienne. Parfois qualifié d’imprévisible, l’assaut survient pourtant après plusieurs semaines de mobilisation de troupes azéries, rappelle Azattyq, la branche kazakhe de Radio Free Europe.

Dans ce contexte, la visite du président Ilham Aliev à Douchanbé est loin d’être anodine, et est analysée par les politologues Arkady Doubnov et Parviz Moullojanov, interrogés par Ozodlik, comme un moyen pour l’Azerbaïdjan d’assurer ses appuis diplomatiques dans la région.

En outre, les pays centrasiatiques – hors Ouzbékistan et Turkménistan – et l’Arménie sont rassemblés au sein de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), dont la Russie fait également partie.

L’OTSC fragilisée

Pendant un temps, Moscou a joué un véritable rôle de médiateur en déployant des forces de maintien de la paix dans la région, permettant notamment la signature d’accords de cessation des hostilités en 1994 et en 2020. Mais l’autorité de Moscou et son rôle au sein de l’OTSC sont désormais fragilisés par la guerre en Ukraine et les conflits entre ses membres, qui nuisent à son bon fonctionnement et à sa pérennité. A tel point que le président arménien Nikol Pachinian qualifie le mécanisme de sécurité “d’inefficace”, rapporte ainsi le site d’information russe Gazeta.ru.

En outre, les violents affrontements qu’ont connu le Tadjikistan et le Kirghizstan à leurs frontières et l’absence de réaction de la part de la Russie sont en partie responsables de la décision du Kirghizstan d’annuler des exercices militaires conjoints en 2022. En 2023, c’était au tour de l’Arménie d’héberger ces exercices, mais ceux-ci ont été annulés également et reportés au Kirghizstan.

Lire aussi sur Novastan : La tension descend entre le Kirghizstan et le Tadjikistan

La coopération kazakhe est quant à elle remise en question à la suite de désaccords dans la gestion des affrontements de janvier 2022. C’est d’ailleurs la seule fois que l’OTSC a accédé à une demande d’intervention. Mais après celle-ci, le Kazakhstan a pu avoir des inquiétudes face à l’invasion de l’Ukraine, alors qu’il partage lui-même 7 644 kilomètres de frontière avec la Russie.

L’affirmation de l’Asie centrale

Si le Kazakhstan et l’Ouzbékistan restent prudents et souhaitent que la Russie maintienne son rôle de « gendarme régional » selon le politologue Alicher Ilhamov, le président Emomali Rahmon évoque quant à lui le besoin de « respecter la région ». Une déclaration qui affirme la volonté croissante de la région de traiter avec Moscou sur un pied d’égalité et de s’en émanciper davantage.

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L’affaiblissement – relatif – de la Russie dans le conflit peut être ainsi perçu comme un révélateur du positionnement des républiques centrasiatiques. Alors que celles-ci prennent conscience de leur poids, les voilà perçues dans le même temps comme des interlocuteurs de choix.

Une coopération régionale pourrait s’avérer davantage fructueuse qu’un soutien unilatéral de la part des régimes russe, turc ou iranien, analyse le média tadjik Asia-Plus. La situation évolue très rapidement, le phénomène est donc à nuancer. Cependant, la visite du président azéri à Douchanbé pourrait bien constituer un premier pas vers un rapprochement avec les pays d’Asie centrale, à condition que ceux-ci agissent conjointement.

Pauline Ferraz
Rédactrice pour Novastan

Relu par Emma Jerome

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