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« Les artistes qui ne sont pas des rebelles, à quoi servent-ils au fait ? » – entretien avec Viatcheslav Akhounov

L'art contemporain en Ouzbékistan se trouve dans une impasse et ne pourra pas rivaliser avec l'art contemporain à l'étranger selon le peintre ouzbek Viatcheslav Akhounov. Dans un grand entretien le peintre parle du développement et de la commercialisation de l’art contemporain ouzbek.

Rédigé par :

agoulevskaya Nazira 

Ouzbékistan Art Culture Viatcheslav Akhounov
Viatcheslav Akhounov dans son atelier.

L’art contemporain en Ouzbékistan se trouve dans une impasse et ne pourra pas rivaliser avec l’art contemporain à l’étranger selon le peintre ouzbek Viatcheslav Akhounov. Dans un grand entretien le peintre parle du développement et de la commercialisation de l’art contemporain ouzbek.

Novastan reprend et traduit ici un article publié le 1er décembre 2020 par le média ouzbek Hook.report.

Le média ouzbek Hook.report s’est entretenu avec le peintre ouzbek Viatcheslav Akhounov pour comprendre la différence entre un vrai artiste et celui appelé « artiste » habituellement. Dans son entretien, il explique comment l’art contemporain a été changé et d’où naît l’intérêt commercial des artistes ouzbeks.

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Hook.report : Pourquoi en Ouzbékistan les artistes ne jouent aucun rôle dans la société ?

Viatcheslav Akhounov : Parce qu’à l’époque soviétique « l’intelligentsia artistique » faisait principalement de l’art commercial – c’était soit des commandes de l’État, soit des œuvres sans intérêt refourguées aux kolkhozes.

Par exemple, les peintres allaient dans des kolkhozes lointains et se proposaient pour faire des tableaux dont personne n’avait besoin en cédant 20 % de la commande au directeur du kolkhoze. Et plus élevé était le montant de la commande, plus le directeur touchait.

Il y avait un peintre nommé oncle Chanya (NDT : Aleksandre Viner). Spécialisé en natures mortes grises, il allait d’un kolkhoze à l’autre, vendait ses tableaux de la sorte. Était-il soucieux de l’art ? Il s’en fichait. Pour faire de l’art, il faut passer du temps, réfléchir, préparer des expositions. Et s’il n’y a pas d’acheteurs ? Après la mort de l’oncle Chanya, sa fille a épousé un milliardaire (NDT : Irina Viner-Uosmanova, la femme d’Alicher Ousmanov). Elle a détruit deux maisons en mettant les gens dehors et a construit à leur place une galerie dédiée aux peintures de son père.

Aujourd’hui, c’est tout pareil. Les artistes ne font que du commerce. Personne ne s’intéresse aux problèmes de la mer d’Aral, des minorités, de la corruption, ça ne rapporte pas.

Lire aussi sur Novastan : La mer d’Aral, un enjeu devenu social en Ouzbékistan

Trois générations consécutives d’artistes prenaient l’exemple de leurs aînés. Et tous les aînés – « artistes du peuple » (NDT : le plus haut titre honorifique pour les réalisations exceptionnelles dans le domaine de la peinture, la sculpture, le graphisme, l’art monumental, la décoration artisanale, au théâtre, cinéma et dans les œuvres télévisuelles), académiciens – leur disent que l’art contemporain, c’est de la mauvaise qualité, personne n’en achète, ni les musées, ni les collectionneurs.

Ouzbékistan Art Culture Lénine
Le bureau du peintre.

Tachkent, depuis son origine, est condamnée à rester telle qu’elle est car elle s’était développée comme un marché de grossistes. Il n’y a pas eu de place pour les artisans céramistes, graveurs ou les forgerons. On y amenait des tasses, des cuillères et de la laine pour vendre. 

Ici, il n’y a jamais eu de culture telle qu’elle existait à Kokand, Boukhara, Khiva. Comment avoir des peintres et écrivains parmi ces marchands ?

La culture à Tachkent était uniquement coloniale, importée. À l’époque soviétique, on y envoyait des gens. Dans chaque république, il devait y avoir au moins un compositeur ou réalisateur qui ferait des films types sur un gentil looseur célibataire vivant avec sa maman. Le réalisateur Ali Khamraev a tourné Où es-tu, ma Zoulfia ? et les Kazakhs ont fait de même.

Et plus tard, ils sont devenus des fondateurs. Moukhtar Achrafi (1912-1975) est le fondateur du Conservatoire de Tachkent. Moscou a donné l’ordre de le fonder, il a été fondé. En quoi Moukhtar Achrafi est-il son fondateur ?

Tout cela, c’est de la bureaucratie, et c’est incompatible avec l’art. C’était que de l’imitation. Il y a eu une exposition à Moscou un jour. Des peintres du peuple et des académiciens y exposaient des tableaux sur le travail et sur la guerre. Après un certain temps, quelques répliques sont apparues – des répliques maladroites, mais des répliques tout de même. Sur les tableaux de Moscou, les soldats forment un rang comme ci, et chez nous, comme ça. Là-bas, on est assis sur une moissonneuse-batteuse d’une telle façon et chez nous d’une autre.

Ouzbékistan Art Culture Lénine
Le peintre montre le portrait de Lénine (1870-1924).

C’est de l’imitation, cet art imitatif se vendait parce que les communistes ne comptaient pas l’argent pour la propagande. Le quotidien laborieux de l’Ouzbékistan, la conquête des steppes affamées… Tout s’achetait. Et les peintres avaient l’impression d’être utiles, reconnus. La formule préférée du peintre ouzbek est « je peins pour le peuple ». Vous gagnez de l’argent, vous savez à l’avance qui va l’acheter. C’est une production industrielle.

Est-ce que les artistes doivent être des citoyens actifs ?

Là, on parle d’artistes avec leur propre vision du monde, qui réfléchissent constamment – par exemple, sur la corruption, l’État et la société – et qui ont leur propre position. Leur seule arme est la créativité. L’art contemporain occupe cette niche de la créativité contemporaine, car il est difficile de parler des problèmes contemporains à l’aide des anciens médias — peinture, classique, graphisme —, ils sont dépassés. Dans ce contexte, de nouveaux médias, comme l’art-action, la performance et l’art vidéo, entrent en jeu. Et ils sont très efficaces.

Russie Moscou Pussy Riot Art
« Prière-punk » du groupe Pussy Riot à la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou.

La performance réalisée par Pussy Riot, c’était un coup tellement fort, qu’elles ont été emprisonnées. Ou bien Piotr Pavlenski — quoi que le public dise sur lui, ce qu’il a fait est courageux. Et même dans la peinture, il y a aujourd’hui des peintres comme Vasya Lojkin et Nikolaï Kopeïkin qui font de magnifiques créations et se moquent du pouvoir en adoptant le style de loubok naïf. Il est même possible de se servir avec efficacité de la peinture ; l’important, c’est d’avoir non seulement une position citoyenne, mais également l’intelligence et, dans le contexte de l’Ouzbékistan, le courage.

Comment les artistes influencent-ils les gens et la société ?

Si l’on parle des peintres, il vaut mieux les différencier – peintre-designer, peintre-couturier et peintre-céramiste. Ils sont nombreux. Les peintres et les couturiers n’influencent pas la société ? Bien sûr que si ! Nouvelles technologies, nouvelles choses, c’est à eux qu’on les doit, et la société ne s’en rend même pas compte. On s’y est habitué.

La cinématographie, la photographie… Tout affecte la société, c’est pourquoi en URSS on appréciait tant les artistes, ils recevaient des prix, des datchas… L’important, c’était que les artistes travaillent au profit de la société soviétique.

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Viatcheslav Akhounov peint les camions d’aide humanitaire qui partiront en Yougoslavie d’avant-guerre.

Banksy est un bon exemple de l’influence de l’art sur les esprits. Avant, c’était le domaine des caricaturistes, aujourd’hui, c’est lui qui s’en charge en mettant des dessins créatifs dans l’art urbain. Il y a toujours des problèmes, il est toujours sur la lame du rasoir, il touche aux thèmes les plus actuels et cela influence les gens.

Le théâtre Ilkhom à Tachkent a invité des peintres de Kiev pour un concours organisé par les États-Unis. Les artistes ont présenté un truc de mauvaise qualité et se sont justifiés eux-mêmes par la suite. Nos peintres à nous ne vont rien présenter si on ne les paie pas en avance. On revient à la question de l’argent. Ainsi est éduquée cette génération.

Qui paie ? C’est déjà une autre question. On vient, on donne de l’argent, on leur dit « tu joues cette musique” et ils vont le faire. Corrompus qu’ils sont !

À Moscou, il y a eu une exposition. Il y a eu tant d’œuvres réalisées par les jeunes qui démontraient les points épineux de la Russie. On regarde les chroniques et on voit : les jeunes avancent, réfléchissent, s’intéressent à ce qui se passe en Russie. À travers l’art, ils peuvent évoquer des problèmes avec des métaphores. Notre artiste attend qu’on l’achète. Je n’ai jamais vu un artiste chez nous qui foncerait et réaliserait sans qu’on le lui demande.

Mais n’est-il pas peut-être injuste de blâmer les artistes commerciaux ?

Non, le commerce est un commerce. Dans le système de l’art, le commerce est une fin en soi. Ils ont besoin de subvenir aux besoins de leurs familles, ils vont le faire contre leur gré. Et c’est pour cela qu’ils le font n’importe comment, sans aucun professionnalisme. L’art commercial est un artisanat et ceux qui le pratiquent ne valent pas mieux que ceux qui fabriquent des bouilloires et des pots.

Nous parlons des artistes avec un A majuscule, de ceux qui s’inquiètent pour le destin de la patrie et l’art de l’Ouzbékistan. C’est très important. L’art est l’un des ambassadeurs de notre pays. Plus les artistes exposent en Occident, plus leurs noms apparaissent sur des listes prestigieuses, dans des expositions, mieux c’est. Mais chez nous, on se réjouit pour les boxeurs, car c’est de la mafia, c’est bas, c’est profane.

Et pour ce qui est grand, aucun politicien n’y pige rien. Sharof Rashidov était la première et dernière personne qui s’en souciait.

L’art et l’artiste ont toujours besoin du soutien du gouvernement, des mécènes. Ils peuvent se dépasser s’ils sont soutenus. Pourquoi en Occident et à Moscou, à une époque, engageait-on des peintres ? Parce qu’ils sont de bons créateurs. Ils faisaient des affiches, des performances, des shows et créaient de cette façon l’image du parti.

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« Le parti communiste est le cerveau, l’honneur et la conscience de notre époque ! »

En ce qui concerne l’art contemporain, il permet justement de créer l’image d’un politicien. Il faut inviter, d’un côté, un écrivain pour faire des textes et, de l’autre côté, des peintres. Tout, des affiches jusqu’aux flyers, est le domaine des peintres : « Akhmed va s’en occuper, il sait se servir de l’ordinateur ».  

J’ai proposé récemment à des amis biélorusses d’organiser une action : 20 000 personnes sortent de chez elles, se divisent en groupes et arrivent dans des hôtels de police : « Nous sommes venus nous rendre ». Qu’est-ce que le pouvoir peut en faire ? Cela n’a pas de sens, il est impossible d’emprisonner tout le monde, il n’y a pas assez de place. Et puis, c’est rigolo quand 20 000 personnes se mettent dans une file d’attente pour se rendre. Quelques jours plus tard, je reçois la réponse : les peintres ont réagi à mon idée et l’ont réalisée.

Et si vous preniez comme exemple la Biélorussie, car les deux pays se ressemblent — ils ont eu un passé soviétique. Comment se fait-il qu’ils aient réussi ? Où se trouve la différence ?

Nous avons Chernyaevka (NDT : village ouzbek situé à la frontière avec le Kazakhstan). Et derrière, c’est le Kazakhstan. Si nous avions la Pologne derrière, et la Lituanie de l’autre côté, et un accès libre à l’Europe…

Dans le cas de la Biélorussie, l’Europe n’est pas loin, les Biélorusses voyagent, regardent et les jeunes partent travailler à l’étranger. Et nous, nous n’avons pas cette opportunité. Nous pouvons juste aller en Russie pour bosser comme maçons. Et puis, les peintres biélorusses veulent faire leurs preuves. Ils ont deux ou trois nouvelles expositions par mois. Et les nôtres ne veulent que se vendre, obtenir une place dans l’Académie des arts d’Ouzbékistan.

En plus, c’est une autre culture, les manifestants ôtent leurs chaussures avant de monter sur un banc. C’est différent de ce que j’ai pu voir en 1991, quand je me suis retrouvé dans l’épicentre des événements de Ferghana – c’est un autre peuple, c’est une autre approche.

En parlant des expositions en Ouzbékistan, que pensez-vous de l’exposition En quoi elle était habillée ?

Cette exposition a fait le tour du monde. Le thème avait été repris tant de fois que son sens se perd. Comment peut-elle éduquer ? Les gens sont venus, ils étaient choqués. L’exposition se passe dans le monde entier, mais y a-t-il un public ciblé concrètement en Ouzbékistan ? Non.

Pourquoi chaque exposition doit-elle être provocatrice ? C’est très important, car ce n’est que comme ça qu’on peut attirer l’attention. Il existe l’art de la provocation et des artistes qui font cet art. Et ils arrivent à faire dialoguer le pouvoir sur des sujets fâcheux. C’est important quand les députés, les sénateurs s’expriment, c’est que comme ça que ça marche : quand on invite des personnes connues. Mais chez nous, y en a-t-il, des personnes connues ?

De l’autre côté, nous interprétons mal ce que les personnes connues doivent faire, compte tenu du fait que l’exposition était organisée par des filles inconnues et sans renommée. Cette mauvaise interprétation de la responsabilité fait que les députés ne viennent que lorsqu’ils sont conviés par des personnes connues.

Nous parlons de l’art de la provocation. Ils pourraient envoyer des lettres, des mèmes à des députés et après annoncer « vous avez été invités, mais vous avez refusé de venir ». Et si vous avez refusé de venir, c’est que le sujet ne vous intéresse pas ! Ça, c’est de la provocation, c’est comme ça qu’on peut les faire sortir de leurs tanières.

Le flash mob Exhibit était-il plus efficace ?

Bien entendu, car c’était une performance avec des gens vivants. Le pouvoir s’est inquiété que ça fasse l’effet de chaîne, que ça appelle à l’action. Les expositions ne sont plus d’actualité, c’est une forme d’expression vieillie. Il faut un art de la provocation. Nous avons organisé une exposition dans une ferme avec des animaux, la presse en a parlé. Et puis rien. Silence, comme si de rien n’était. Mais c’est bien. C’est ce qui crée de la résonance. Qu’on fasse comme si de rien n’était. Pas un seul artiste ouzbek ne nous a soutenus. 

Qu’est-ce qui éduque l’artiste ?

Le groupe d’artistes dont il fait partie. À ce niveau, cela laisse beaucoup à désirer en Ouzbékistan – il n’y a pas d’artistes, ni de critiques d’art, ni d’histoire de l’art. Il n’y a aucune discussion autour des expositions avec les questions : « Comment ? Pourquoi ? À quoi ça amène ? ». Pourquoi avant c’était la nouvelle vague et aujourd’hui la nouvelle tendance ?

L’artiste est obligé d’être à la fois théoricien et critique d’art. Mais chez nous, les artistes ne peuvent pas créer, exprimer leurs idées, et c’est un grand problème. Ils ne peuvent pas créer ce qu’ils veulent, c’est un concept dont ils paraissent adeptes et donc c’est l’impasse.

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Vyatcheslav Akhounov et la critique d’art Viktoria Erofeeva.

Il nous manque les bases de l’éducation, des institutions, des critiques d’art. Et c’est comme ça, la boucle est bouclée. Il n’y a pas d’artistes, pas de critiques d’art, pas de spécialistes, pas d’éducation. Partout, c’est un trou. Si un décret pour créer un département d’art contemporain sort maintenant de la part du gouvernement, une fois encore, nous serons confrontés à l’imitation : « d’autres ont ça, donc, il nous le faut aussi ».

« Les artistes qui ne sont pas des rebelles, à quoi servent-ils au fait ? », c’est votre phrase. La négation et la rébellion sont-elles des conditions sine qua non ?

Si tu n’es pas un artisan, si tu veux promouvoir l’art et toi-même, tu dois batailler contre le conformisme. Toute l’époque du modernisme était rebelle. Paul Cézanne, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh… On ne les laissait pas faire, on leur interdisait de s’exposer et ils ont créé le Salon des indépendants. Plus tard, la France a connu le réalisme critique et la Russie, les Ambulants. C’était suivi par le modernisme en France et par le réalisme critique en Russie.

Pourquoi Joseph Staline était-il contre le naturalisme ? Il voulait des artistes, qu’ils décrivent le monde tel qu’il serait et non pas tel qu’il était. Or, les naturalistes peignent ce qu’il y a et non pas ce qu’il y aura.

Tout problème social était chassé des expositions encore sous Islam Karimov. Mais tout problème social est aussi un art critique. Le vrai artiste est celui qui veut promouvoir non seulement son talent, mais aussi l’art national – c’est un rebelle qui lutte contre le conformisme. L’Académie des arts joue toujours le même rôle. Être académicien, qu’est-ce que cela veut bien dire ? C’est juste savoir bien peindre.

Vous dites qu’il faut être né artiste contemporain.

Quelle que soit la façon dont vous élevez un artiste, ce qui est inhérent à sa personne ne se manifeste que dans un environnement propice.

L’artiste ne dépend de rien. Il s’en fiche s’il est payé ou pas, il le fait, parce que c’est sa vie et il est né pour ce style de vie. Nous sommes tous nés pareils et moi, je me souviens d’un gars de Sulukta qui faisait du jazz. Il est autodidacte. Le talent qu’il a, c’est inné.

L’époque Beatles a détrôné l’ère du Komsomol, ils sont devenus des leaders partout. D’où ça vient ? C’est inné. L’époque y était pour quelque chose, et ils ont réussi à s’y inscrire.

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Viatcheslav Akhounov dans son atelier.

Dans les années 1970, à l’aube du postmodernisme, je m’inscrivais avec brio dans cette recherche. Mais lorsqu’il n’y a pas de moments cruciaux, c’est le silence qui règne. Le moment crucial, c’était en 1949-1950, dans les années 1960 avec le pop art, après c’était l’art conceptuel et le photoréalisme. Et puis, c’était le postmodernisme et après, plus rien, aucune nouveauté. C’est tout, il n’y a plus de révolution dans l’art, car il n’y a plus d’art. Le système même s’est effondré. Toutes les ressources, toutes les réformes étaient épuisées.

C’était comme les échecs dans les années 1960. Il me semblait que le monde entier était devenu fou des échecs. Le temps a passé, le postmodernisme est arrivé. Est-ce qu’on sait qui est le champion du monde maintenant ? Non. Aujourd’hui l’un, demain l’autre.

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Et soudain, il s’est produit la chose la plus terrible, à mon avis, qui soit jamais arrivée à l’art en général. L’ordinateur a été inventé, cette intelligence artificielle. Et tout d’un coup, tous ces champions du monde d’échecs qui couraient autour de la planète comme des dieux perdent contre un fer à repasser. Donc, si l’art est à court de mouvements créatifs, alors les échecs, qui étaient appelés art, sont aussi à court de mouvements.

Et c’est tout. Le système s’est effondré et à sa place, on voit apparaître l’art de l’imitation, quand il n’y a que du montage à faire avec des détails déjà existants. Oui, ce sera une œuvre d’art intéressante, mais elle n’est constituée que de pièces anciennes, et la technique principale reste l’assemblage. En ce moment, la notion d’idée devient principale. Aujourd’hui, l’apparence importe peu, car toutes les formules ont vieilli. Il ne reste que l’art de penser, quant à la représentation, elle peut venir du passé, pourvu qu’elle porte du sens.

Mais nos artistes ont du mal à le comprendre. Ils jouent encore les peintres traditionnels, qui louchent devant le chevalet.

Écrit par Vlad Avdeev
Journaliste pour Hook.report

Traduit du russe par Ariadna Gulevskaya

Édité par Nazira Zhukabayeva

Relu par Nina Nunes

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