Le panier de dépenses minimum en Ouzbékistan, qui est utilisé pour déterminer le seuil de pauvreté, s’élève provisoirement à 440 000 soums, soit 37 euros environ, par personne et par mois. Gazeta revient sur le détail du calcul de ce chiffre, les particularités du seuil de pauvreté national et de l’importance de cet indicateur pour le pays. Novastan reprend et traduit ici un article publié le 31 mai 2021 par le média ouzbek Gazeta.uz. Pour la première fois en Ouzbékistan, le panier de dépenses minimum (Minimum Expenditure Basket, MEB) a été annoncé, et servira pour déterminer le seuil de pauvreté d’ici la fin de l’année.
Comment la pauvreté est-elle définie ?
Le seuil de pauvreté se détermine par le niveau de consommation ou de revenu disponible en dessous duquel une personne est considérée comme pauvre. Dans le cas de l’Ouzbékistan, il est préférable de choisir un indicateur de consommation, car de nombreuses personnes exercent encore des activités dans le secteur informel ou dans celui de l’agriculture.
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L’économiste de la Banque mondiale William Seitz a souligné que la plupart des pays utilisent leur propre définition de la pauvreté au niveau national. Les gouvernements le font en partie parce que le sens du terme diffère considérablement d’une société à l’autre. Mais cela est également dû au fait que les conditions matérielles des différents pays ne sont pas les mêmes. Le coût de la satisfaction des besoins humains fondamentaux dépend de nombreux facteurs, comme les particularités de la nutrition de la population, les normes sociales et la structure économique de chaque pays.En 2011, la Banque mondiale déterminait le seuil de pauvreté international à 1,9 dollar par personne et par jour, en parité de pouvoir d’achat (PPA). En euros, cela correspondait à 1,80 euro par jour et 57 euros par mois. Cet indicateur utilisé par la Banque mondiale n’est pas le même que le seuil de pauvreté national fixé par chaque pays.
Comment est calculé le seuil de pauvreté en Ouzbékistan ?
Selon William Seitz, le seuil de pauvreté international est fixé pour la comparaison entre les pays. Pour ce faire, la Banque mondiale examine les pays aux revenus les plus faibles du monde ou de la région, et examine leur seuil de pauvreté. « Il ne s’agit en aucun cas d’une indication pour le pays de ce que devrait être le seuil de pauvreté. Lorsque vous prenez les pays les plus pauvres, ils ont un seuil de pauvreté très bas. La Banque mondiale prend la moyenne parmi les pays les plus pauvres. Pour l’Ouzbékistan, cette ligne est trop basse, car ce n’est pas un pays pauvre. Elle manque de pertinence dans ce cas », a déclaré l’économiste.Ce marqueur augmente généralement en termes monétaires avec la croissance de la prospérité dans le pays. À mesure que les pays s’enrichissent, ils deviennent plus ambitieux et fixent des normes plus élevées pour réduire la pauvreté. Pour combler en partie cette lacune, la Banque mondiale a introduit une classification de la pauvreté par niveau de revenu, complétant le concept d’indicateur international de pauvreté. L’approche de base dans ce cas est la même, le niveau de revenu des citoyens est basé sur la valeur du seuil de pauvreté national dans les pays appartenant à l’un des quatre groupes suivants : pays à faible revenu, 1 035 dollars (985 euros) ou moins par personne et par an, revenu moyen-inférieur, entre 1 036 et 4 045 dollars par an (entre 985 et 3 848 euros), revenu moyen-supérieur, entre 4 046 et 12 535 dollars par an (entre 3 848 et 11 953 euros), et revenu élevé, 12 536 dollars (11 953 euros) ou plus par an.Lire aussi sur Novastan : Au Kirghizstan, une famille sur quatre vit sous le seuil de pauvreté
L’Ouzbékistan fait partie des pays à revenu intermédiaire inférieur
Dans le pays, le seuil de pauvreté est de 3,2 dollars (3,05 euros) par personne et par jour. Cette valeur est recalculée en tenant compte de la parité de pouvoir d’achat (PPA), et non pas simplement convertie en soums au taux de la Banque centrale.Le facteur de conversion de la PPA correspond au nombre d’unités monétaires nécessaires pour acheter la même quantité de biens et de services sur le marché intérieur que le dollar américain peut en acheter aux États-Unis. Selon un facteur de conversion de la PPA, le coût de la vie en Ouzbékistan est assez bas par rapport à de nombreux pays du monde. En d’autres termes, la plupart des biens et des services du pays sont relativement bon marché.
Le seuil national de pauvreté
Pour mesurer le niveau de pauvreté en Ouzbékistan, il a été décidé d’utiliser le panier de dépenses minimum (MEB), qui prend en compte les besoins humains quotidiens en produits alimentaires et non alimentaires, ainsi qu’en services.William Seitz estime que la méthode MEB présente de nombreux atouts. L’indicateur est fondé sur des preuves et des conditions de vie réelles des personnes et des ménages en Ouzbékistan. Selon lui, cette approche suit les standards, méthodes et normes internationales pour déterminer le seuil de pauvreté, tout en prenant en compte les spécificités et le contexte du pays.L’indicateur a été calculé à partir d’objectifs déterminés pour réduire la pauvreté d’un groupe cible de la population, ayant besoin de soutien matériel de la part de l’État. Il prend en compte l’utilisation des dépenses de consommation minimales, les biens de consommation réels, ainsi que les besoins de la population cible. Il est construit dans une volonté d’améliorer le ciblage et l’efficacité des mesures prises, le tout pour un suivi continu de ce groupe de population, dans l’objectif de réduire la pauvreté.
L’expérimentation de la méthode MEB
Une enquête pilote a été menée à titre expérimental pour calculer le panier de dépenses minimum, auprès de 5 400 ménages sélectionnés dans toutes les régions du pays en 2020 avec le soutien de la Banque mondiale. Parallèlement, les ménages participant à l’enquête ont été répartis en dix groupes selon l’importance des dépenses, et 30 % des ménages ayant les revenus les plus faibles ont été identifiés parmi ces familles.
Les données obtenues à la suite de l’enquête ont permis de calculer les dépenses minimum de consommation à l’aide des dix étapes suivantes :
Ainsi, par mois le coût de la vie s’élève à 440 000 soums (37 euros) par personne en tenant compte des variations de prix dans l’année en cours et de la loi d’Engel.
Un indicateur qui ne doit pas être trop élevé ou trop bas
Selon les représentants du ministère du Développement économique et de la Réduction de la pauvreté, s’il est trop élevé, l’indicateur aurait des conséquences importantes. La part de l’économie souterraine restant élevée – seuls 5 millions sur 11 millions de personnes employées dans l’économie paient des impôts sur le revenu –, cela limiterait les opportunités financières et économiques. Cela entraînerait également un déséquilibre macroéconomique, par le canal de l’inflation, et aurait un impact négatif sur l’activité économique de la population, en encourageant un état d’esprit de dépendance. Cela pourrait également encourager l’économie souterraine et le recours aux emplois informels, et augmenter le montant des prestations sociales dans le budget de l’État. Lire aussi sur Novastan : Économie souterraine : l’Ouzbékistan en haut du classement en Asie centraleÀ l’inverse, si l’indicateur est fixé à un bas niveau, l’État ne sera pas en mesure de déterminer le groupe cible de la population ayant besoin d’un soutien matériel et social de sa part. De ce fait, l’indicateur ne serait pas objectif quant à la politique sociale du pays.William Seitz note également qu’il est important de fixer le seuil de pauvreté à un niveau approprié : « la question du “bon niveau” est indissociable de son utilisation. L’objectif de la définition du seuil de pauvreté est de concentrer l’attention du gouvernement sur les personnes qui ont le plus besoin d’aide ». Le seuil de pauvreté, en règle générale, n’est pas utilisé pour déterminer le niveau de confort de vie ou le mode de vie de la « classe moyenne ». Le spécialiste prévient : « S’il est utilisé de cette manière, il peut conduire au détournement de l’attention et des ressources pour les personnes qui, plus que les autres membres de la société, ont besoin d’aide. Pour cette raison, l’équipe gouvernementale travaillant sur la définition du seuil de pauvreté a soigneusement comparé les résultats avec les pratiques établies dans d’autres pays du monde. »
Un seuil de pauvreté plus élevé
Le seuil de pauvreté déclaré d’au moins 440 000 soums (37 euros) par personne et par mois est légèrement plus élevé que dans les pays ayant un niveau de revenu similaire à celui de l’Ouzbékistan. « Cela signifie que le gouvernement se fixe des objectifs assez élevés. Toutefois, il est important que le seuil de pauvreté ne soit pas statique et qu’il soit conforme aux tendances changeantes. Cela signifie qu’il doit croître avec les prix et le coût de la vie dans le pays », a souligné William Seitz.Une attention particulière devrait donc être accordée aux biens les plus importants dépensés dans le budget des couches pauvres de la population, notamment la nourriture et les produits de première nécessité.Le premier vice-ministre du Développement économique et de la Réduction de la pauvreté, Ilkhom Norkulov, a souligné que le chiffre de 440 000 soums (37 €) est préliminaire et qu’il se réfère aux personnes du groupe cible qui vivent dans la pauvreté, et non à l’ensemble de la population.
Pourquoi est-ce important ?
William Seitz a noté que l’application du seuil de pauvreté dans la pratique permet au gouvernement d’identifier et de soutenir les personnes pauvres qui n’ont pas été précédemment classées dans cette catégorie et n’ont reçu aucune aide. Deuxièmement, cet indicateur augmente la possibilité pour les personnes du groupe pauvre de mettre définitivement fin à la pauvreté. Ceci est en partie facilité par les programmes de transferts sociaux pour les personnes dans le besoin.
« Cependant, si nous regardons l’expérience internationale, un autre facteur très important dans la réduction durable de la pauvreté est la création d’emplois et l’augmentation des salaires pour les travailleurs. Il est particulièrement important de garantir la disponibilité de ces options pour les groupes les plus vulnérables et marginalisés de la population », a déclaré le spécialiste. Lire aussi sur Novastan : En plus du coronavirus, la pauvreté menace les travailleurs migrants centrasiatiquesLe vice-Premier ministre, ministre du Développement économique et de la Réduction de la pauvreté, Jamshid Kouchkarov, a déclaré que « l’exactitude des dépenses minimales de consommation pouvait être débattue pendant longtemps, mais que l’introduction de cet indicateur était un premier pas en avant historique ». D’ici la fin de l’année, il est prévu de mener une étude auprès de 10 000 familles, ce qui permettra de déterminer plus précisément les dépenses de consommation minimales. L’indicateur pourrait changer d’environ 25 %.Selon Jamshid Kouchkarov, la réduction de la pauvreté se produira grâce à la croissance économique et à l’augmentation du PIB par habitant. « Notre objectif est de l’augmenter. Dans les conditions de l’Ouzbékistan, avec une population croissante, principalement des jeunes, nos taux de croissance devraient être plus élevés que les autres », a déclaré le vice-Premier ministre.
L’amélioration du bien-être
Le ministre des Finances, Timour Ichmetov estime que l’introduction de cet indicateur garantira la justice en termes de respect par l’État de ses obligations et de protection des segments socialement vulnérables de la population.Il a ainsi déclaré : « À l’avenir, cela peut devenir et deviendra un vecteur qui détermine la politique économique du pays. Une analyse approfondie, des données précises et surtout, l’amélioration du bien-être des gens, ce que beaucoup de fonctionnaires oublient, sont des éléments nécessaires. Si nous prenons tous les indicateurs comme la croissance de la production, le PIB, l’inflation et autres, alors séparément, ils n’ont pas de sens profond. Ces indicateurs servent ensemble d’indicateurs pour améliorer la vie des gens. »Le ministre des Finances a souligné que la seule croissance économique ne suffit pas : ses bénéfices doivent pouvoir couvrir tous les segments de la population.
Choukhrat Latipov, pour Gazeta.uz
Traduit du russe par Amir Ayat
Édité par Johanna Regnaud
Relu par Emma Jerome
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