Des travaux de démolition pour la construction d’un nouveau parc ethnographique ont commencé début 2024, à côté du centre historique de Boukhara. La controverse grandit autour du non-respect des lois qui assurent la protection des monuments du patrimoine culturel.
Sur une étendue de 32,6 hectares proche du centre historique de Boukhara, les chantiers pour la construction du nouveau centre touristique ethnographique sont en préparation. Lors d’une conférence de presse tenue le 31 janvier dernier – et annoncée seulement 46 minutes avant son commencement – le khokimiyat de la région (l’administration locale, ndlr), dirigé par Botir Zaripov, a présenté le projet et annoncé le début du chantier, comme relaté par le média ouzbek Gazeta.uz.
La mise en œuvre de ce projet d’envergure impliquerait la démolition de 29 installations publiques, dont des bâtiments administratifs, des établissements éducatifs et le stade Boukhara Arena.
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Un projet titanesque
La réalisation de cette structure moderne reviendrait à 470 millions de dollars (434 millions d’euros), comme le rapporte Gazeta.uz. Elle sera mise en œuvre par une compagnie singapourienne avec des investisseurs étrangers, détaille Kun.
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Le projet, qui avait été suspendu l’année précédente en raison de protestations citoyennes, a été réintroduit avec des clarifications concernant son impact et ses objectifs, suscitant des préoccupations parmi les habitants.
Préoccupations et critiques
Malgré cela, en février dernier, les ouvriers ont entamé la démolition du bâtiment du khokimiyat, suscitant une réaction de la part d’Alerte Héritage, un observatoire du patrimoine culturel, qui avait déjà exprimé son inquiétude quant à la destruction de ce monument remarquable des années 1980 de l’architecte Richard Blaise.
C’est loin d’être le seul bâtiment à être menacé : début 2023, les athlètes et entraîneurs du complexe sportif Boukhara Arena avaient fait appel au président Chavkat Mirzioïev pour préserver le stade récemment restauré, sans succès.
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Les journalistes et militants dénoncent sur les pages de Radio Ozodlik, branche ouzbèke du média américain Radio Free Europe, une destruction massive et incontrôlée d’installations, commencée sans l’accord de l’Unesco, sous la juridiction de laquelle se trouve le site.
Une ville patrimoine de l’humanité ou vitrine pour touristes ?
Le gouvernement avait déclaré ne pas vouloir commencer le chantier de construction sans accord officiel sur le projet de la part de l’Unesco, rapporte Kun. Et pourtant. Le journaliste ouzbek Nikita Makarenko se demande sur X : « Pourquoi les travaux de construction sont-ils en cours dans la zone tampon de l’Unesco sans l’autorisation de l’Unesco ? »
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« Une catastrophe », résume le porte-parole de l’organisation non gouvernementale Alerte Héritage. Selon les informations rapportées par le média ouzbek Daryo.uz, l’Unesco a demandé des éclaircissements en raison du manque de réponse de la part du gouvernement ouzbek concernant le non-respect du plan de gestion de la zone historique.
Lors de la Foire internationale du tourisme de Tachkent en 2023, Sukhrob Bobokalonov, chef du département régional de la culture et du tourisme de Boukhara, avait déclaré auprès de Daryo.uz vouloir lancer le projet pour changer radicalement la ville de Boukhara, afin de créer une zone entièrement réservée aux touristes.
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Alerte Héritage met en garde contre le risque de reproduire l’erreur dramatique commise à Tachkent qui a conduit à la destruction d’une partie de la ville au nom de la requalification urbaine.
Camilla Tonon
Rédactrice pour Novastan
Relu par Elise Medina
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Vincent Gélinas, 2024-03-29
Quelle catastrophe! Je suis heureux d’avoir vécu jusqu’en décembre 2023 là-bas à l’université. Tous le paysage que j’y avais vu sera décimé. Cette région se désertifie à vitesse grand V et manque d’infrastructures pour la population; elle n’a pas besoin d’un projet à 500 millions de dollars de bâtiments construits selon des normes ouzbèkes (c’est-à-dire tout pour l’apparat et rien pour le durable).
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