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Nouvelles Routes de la Soie : où en est-on ? Novastan a reçu Samuel Carcanague

Le 19 décembre, Novastan a reçu dans le cadre de son évènement mensuel Samuel Carcanague, chercheur à l’IRIS et spécialisé dans les questions énergétiques liées à l’espace post-soviétique. L’occasion de faire le point sur les Nouvelles Routes de la Soie, 5 ans après leur lancement officiel.

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80 personnes se sont déplacées le 19 décembre 2018 pour écouter parler Samuel Carcanague des Nouvelles Routes de la Soie.

Le 19 décembre, Novastan a reçu dans le cadre de son évènement mensuel Samuel Carcanague, chercheur à l’IRIS et spécialisé dans les questions énergétiques liées à l’espace post-soviétique. L’occasion de faire le point sur les Nouvelles Routes de la Soie, 5 ans après leur lancement officiel.

C’est tout simplement le plus gros projet d’infrastructures au niveau mondial. Les Nouvelles Routes de la Soie, lancées officiellement par le président chinois Xi Jinping à l’automne 2013, visent à relier la Chine à l’Europe par le rail et la route, mais aussi la Chine à l’Afrique et l’Europe par la mer. Un projet pharaonique, dont le coût dépasserait les  1 000 milliards de dollars (876 milliards d’euros). Aujourd’hui, entre 65 et 72 pays sont officiellement partenaires du projet chinois.

« Le projet lui-même est une façon d’accompagner les investissements chinois à l’étranger d’un discours positif », a estimé Samuel Carcanague, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), invité le 19 décembre dernier à l’Inalco. « Le thème des Routes de la Soie parle à tout le monde, cela permet un marketing appuyé entouré d’une aura positive », a continué le chercheur.

« Une sorte de label »

D’autant que la Belt and Road Initiative (BRI), le nom officiel du projet depuis peu, a vu son périmètre s’élargir au fil du temps. « Au départ, l’énergie et le transport étaient les principaux secteurs concernés, mais on voit aujourd’hui que la BRI concerne désormais d’autres thèmes comme le numérique, le tourisme ou encore la météorologie », a décrit Samuel Carcanague. « Cela est devenu une sorte de label, apposé y compris à certains projets conçus avant 2013 ».

Dans ce projet, l’Asie centrale est en première ligne, comme tous les pays directement frontaliers avec la Chine. Après des années 1990 compliquées, la Chine est devenue un partenaire commercial incontournable pour les cinq pays de la région (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan) à partir des années 2000. Pékin représente aujourd’hui en moyenne 20% des échanges commerciaux.

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La soirée a été l’occasion d’échanger sur la Belt and Road Initiative.

Parmi les tronçons déjà réalisés dans le cadre de la BRI, les chemins de fer partant de la Chine se rassemblent en un grand corridor qui traverse aujourd’hui le Kazakhstan, pays centrasiatique le plus directement impacté par ces investissements. « La BRI a même été intégrée directement au programme de développement national kazakhstanais par le président Noursoultan Nazarbaïev », a remarqué Samuel Carcanague.

L’Asie centrale particulièrement concernée

Ailleurs dans la région, le sentiment est plutôt positif envers les investissements chinois, même si un fond de l’air anti-chinois a tendance à se développer auprès des classes populaires. Le Kazakhstan est particulièrement touché par le phénomène.

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Pour autant, les pays centrasiatiques sont intéressés par la volonté chinoise, d’autant que la région a de forts besoins en infrastructures de transports. « Les moyens de financements côté chinois sont beaucoup plus faciles à obtenir que de la part des Occidentaux, qui demandent des contreparties en termes socio-économique ou de gouvernance », a décrit Samuel Carcanague. Avec les prêts chinois, les conditions politiques sont absentes.

L’économie, zone d’ombre des Nouvelles Routes de la Soie

Mais cela ne signifie pas cependant qu’il n’y a pas de conditions. De fait, l’une des plus grandes zones d’ombres autour des Nouvelles routes de la Soie est son pendant économique. « L’un des défis majeurs de la BRI est la dépendance économique à la Chine » pour les pays récepteurs des investissements, estime Samuel Carcanague. L’endettement auprès de la Chine représente ainsi  50% de la dette tadjike et 40% de la dette kirghize, estime le chercheur. « Les prêts chinois sont souvent conditionnés à l’utilisation de ressources naturelles ou une hypothèque sur des infrastructures », a poursuivi Samuel Carcanague. De quoi inquiéter sur une possible influence politique à long terme, si les prêts ne sont pas remboursés.

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Pour le chercheur, les institutions chinoises elles-mêmes s’attendent à ne pas être remboursées par leurs créanciers. De quoi poser un risque pour les institutions chinoises, alors que les Nouvelles Routes de la Soie ont représentées 140 milliards de dollars (122,5 milliards d’euros) d’investissements entre 2013 et 2017.

A cela s’ajoute la rationalité économique même de certains trajets. « Certains trajets ne sont pas économiquement viables », a estimé Samuel Carcanague. Le projet de relier par le rail la Turquie à la Chine en passant par l’Iran, le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan apparaît ainsi particulièrement problématique.

La Russie a suivi le mouvement

Plus largement, l’ampleur du projet oblige l’ensemble des acteurs internationaux à se positionner face à la Belt and Road Initiative. Si l’Espagne ou l’Allemagne ont exprimé leurs inquiétudes, d’autres pays européens et asiatiques ont été de larges promoteurs du projet.

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Samuel Carcanague (à droite) est chercheur à l’IRIS et spécialisé sur les pays post-soviétiques.

En Asie centrale, la réaction de la Russie a été particulièrement scrutée. Alors que Moscou a élaboré en parallèle de la BRI son Union économique eurasiatique, les autorités russes se sont visiblement associées à Pékin. « La Russie a été circonspecte face à un tel projet mais ne pouvait pas faire autrement que d’accompagner le mouvement », a estimé Samuel Carcanague, citant notamment les difficultés économiques de Moscou. La Chine a notamment compris que l’Asie centrale restait une chasse gardée de la Russie au niveau politique et sécuritaire et n’a aucun intérêt à créer des tensions avec son voisin russe.

Un outil de communication politique

5 ans après, les Nouvelles Routes de la Soie sont donc en plein travaux, avec un nombre de trains entre l’Europe et la Chine qui a explosé : d’environ 80 trains en 2013, on en compte désormais plus de 3600, selon les derniers chiffres de 2017. La Chine se montre sous un jour nouveau, avec des investissements massifs, sur des secteurs cruciaux. Et ce malgré des incohérences économiques.

« L’important pour Pékin, c’est que l’on parle de la BRI, un peu comme on l’a fait ce soir », a sourit Samuel Carcanague devant 80 personnes. « L’idée est assez géniale pour Pékin en termes de communication politique. Tous les acteurs internationaux ont ainsi dû se positionner par rapport à l’initiative, plaçant la Chine au cœur des débats et des agendas politiques et économiques », a continué le chercheur. En somme, un plus bel emballage pour des investissements dignes d’une première puissance mondiale.

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