Cet article a d’abord été publié par Vetchernyi Bichkek. Nous le traduisons avec l’aimable accord de la rédaction.
Manas devrait bientôt passer de la tradition orale aux écrans d’ordinateurs. Un groupe de développeurs kirghiz de l’association « Salt » travaille actuellement sur la création d’un jeu vidéo basé sur l’épopée de Manas. De quoi faire revivre un mythe qui se perd : aujourd’hui, moins de 50 % des jeunes seraient familiers avec l’œuvre de Manas.
Pourtant, celle-ci est considérée comme la pierre bâtisseuse du Kirghizstan : mémoire folklore du peuple kirghize, le Manas retrace la vie et l’histoire du pays dans des vers passés d’un conteur à l’autre. Il a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO en 2009.
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Selon ses initiateurs, le projet devrait permettre de donner de nouveaux idéaux aux jeunes générations : des idéaux « plus appropriés à la mentalité kirghize » que ceux de l’Occident. Ainsi, les héros du jeu vidéo seront comme des modèles pour les plus jeunes, leur apprenant les sept préceptes de Manas et les codes de société. Et c’est dans ce but que les développeurs ont demandé au président Atambayev son soutien et son aide.
Entretien avec Kamilia Gareeva, membre de l’association « Salt » et initiatrice du projet.
Parlez-nous de votre association.
L’association est récente, elle date de septembre 2014. Aujourd’hui, nous avons huit membres actifs. Tous ont des parcours différents, mais une même volonté de préserver l’identité kirghize par l’art. Notre but est de promouvoir la culture à l’aide de nouvelles technologies.
A quoi ressemblera votre jeu sur Manas ?
Ce sera un jeu de rôle multijoueur, gratuit, avec quelques éléments payants. Les joueurs incarneront un des guerriers de l’épopée de Manas. Dans la première version, il y en aura 15, puis une trentaine. Nous allons créer de nombreuses variantes, qui comprendront des batailles collectives contre des ordinateurs et des duels un-contre-un.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l’univers de ce jeu ?
Le cadre sera entièrement basé sur l’épopée. Nous allons essayer de le rendre le plus réaliste possible à l’aide d’éléments en 3D. Pour cela, nous allons prendre des photos des restes archéologiques que l’on trouve dans les musées. Chaque lieu sera un récit coloré de la culture kirghize de l’époque. On y retrouvera aussi les coutumes d’époques, auxquels les joueurs seront introduits selon le scénario.
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Toutes les composantes des batailles, les vêtements et les armes seront représentés en 3D. On vise une définition de haute qualité.
Pour créer les héros, nous utiliserons des prototypes physiologiques, qu’on choisira avec un concours.
Vous avez déjà commencé à travailler sur le projet. Peut-on avoir un aperçu des personnages et du décor ?
Pour l’instant, nous n’avons élaboré que le concept du projet, et commençons tout juste sa réalisation. Nous avons l’intention de lancer un concours parmi les artistes et développeurs pour déterminer le style du jeu : réaliste, fantastique, horreur… il y a beaucoup de possibilités.
Quand lancerez-vous la création du jeu et combien de temps cela devrait-il prendre ?
Nous commencerons à développer le jeu une fois que nous aurons une réponse du gouvernement. Nous avons envoyé une lettre au Président pour lui présenter notre projet.
En tout, la conception du jeu devrait prendre deux ans.
Pour quoi avoir écrit au président Almazbek Atambayev ? C’est une demande de financement ?
Pour ce qui est du financement, nous trouverons nous-mêmes. Nous avons demandé du gouvernement un soutien moral et matériel, par exemple, la mise à disposition d’un studio d’enregistrement, la visibilité dans les médias, la coopération avec les historiens, écrivains et conteurs (manastchis).
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Si l’Etat accepte notre demande, notre budget sera d’environ 500 000 $. S’il refuse, la somme sera encore plus importante.
Qui va développer le jeu ?
30% du travail sera fait par des bénévoles, pour qui l’expérience sera bénéfique. Manas est un projet commercial, mais aussi social.
Nous voulons développer l’industrie du jeu au Kirghizstan, mais pour cela, nous manquons de personnes qualifiées. C’est pour cela que nous avons prévu de faire venir des spécialistes étrangers, qui pourront aider les locaux.
Votre association a-t-elle déjà de l’expérience dans ce domaine ?
L’année dernière, nous avons créé un jeu pour Android, « l’algèbre des nomades ». Depuis, 2 000 personnes ont téléchargé l’application – ce qui est peu. C’est un jeu intellectuel, et ce type de jeu n’est plus très populaire aujourd’hui. Les gens préfèrent des jeux plus simples.
En ce moment nous travaillons également sur un autre jeu, « Tengri ». Mais il faudra attendre pour en connaître les détails.
Traduit du russe par Marion Biremon