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Nouveaux voyageurs, routes anciennes : la Route de la Soie au Kazakhstan entre passé et futur (2/2)

Un article de notre partenaire, le magazine EdgeKz  

Steppes kazakhs
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Pour lire la première partie de l’article : Nouveaux voyageurs, routes anciennes : la Route de la Soie au Kazakhstan entre passé et futur (1/2)

Réseaux souterrains

Une autre Route de la Soie, souterraine cette fois, se répand à travers l’Asie centrale. La route des pipelines est à l’origine de liens politiques et économiques importants. En pleine croissance, le réseau énergétique régional de la Chine est en passe d’éclipser celui de la Russie. Un oléoduc traverse le centre du Kazakhstan jusqu’à la Chine orientale, un gazoduc part du Turkménistan puis traverse l’Ouzbékistan et le sud du Kazakhstan dans la même direction. Le récent investissement de la Chine dans Kashagan, un immense champ pétrolier au Kazakhstan, indique que les exportations de pétrole entre les deux pays vont se développer. La Chine est même disposée à commencer la production de pétrole brut en Afghanistan, le premier pays à le faire. La Chine et les États-Unis ont des projets de “Nouvelle Route de la Soie” pour stabiliser et enrichir l’Afghanistan, et s’enrichir au passage, dans les années à venir.

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Kashagan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Echanges immatériels

Non seulement les marchandises, mais aussi les idées, les technologies et les religions ont transité le long de la Route de la Soie. Le bouddhisme est arrivé au nord de l’Inde puis s’est exporté. Le christianisme, l’islam, le soufisme et autres croyances ou sectes ont été diffusés par les pèlerins, les missionnaires et les guerriers. Les technologies d’irrigation et d’impression mises au point en Chine se sont déplacées vers l’ouest. Les différents styles artistiques se sont influencés mutuellement et sur ​​de longues distances. Les motifs de combats d’animaux de Scythe et d’autres cultures d’Asie centrale sont arrivés en Chine, tout comme les motifs floraux et les ornements du monde hellénique. Les premières représentations de Bouddha proviennent du royaume de Gandhara, dans le Pakistan et l’Afghanistan d’aujourd’hui. Après sa  conquête par Alexandre Le Grand, les arts du Gandhara ont été influencés pendant des siècles par la mythologie grecque. Beaucoup de ces représentations présentent une forte ressemblance avec le dieu grec Apollon.

La Route de la Soie a également été un vecteur de maladies. La peste noire du XIVe siècle aurait tué plus de la moitié de la population européenne. Cette épidémie, dont la source semble venir de Chine à la fin des années 1330, aurait voyagé le long des routes de la soie jusqu’à un port de la Méditerranée avant de prendre les voiles sur un navire en partance pour l’Italie. En Asie centrale et orientale, l’épidémie de peste est moins bien documentée qu’en Europe, mais en Chine aussi elle aurait tué des millions de personnes. Elle a dévasté certaines escales comme Issyk Kul, Samarcande et d’autres sur le chemin de la Perse, de la Turquie et finalement toute l’Europe.

Le coeur des empires

Les biens, les compétences et les techniques transmises le long de la Route de la Soie ont permis des interactions politiques entre les peuples et entraîné des changements, qui n’auraient jamais pu se faire autrement. La Route de la Soie a été le centre névralgique du plus grand empire que le monde ait jamais connu : l’Empire mongol, s’étendant de l’océan Pacifique à l’Europe de l’Est jusqu’à l’Inde d’aujourd’hui.

Les marchands de la Route de la Soie fournissaient les Mongols en marchandises qu’ils ne produisaient pas eux-mêmes. Ils étaient également en mesure de partager des informations utiles sur d’autres cultures et régions. Les dirigeants mongols se sont servis des itinéraires de la Route de la soie pour porter messages et instructions d’une garnison à l’autre, en plus du transport de ses soieries et autres marchandises. Le grand Gengis Khan soutenait déjà les commerçants avant de prendre la tête d’un empire.

Aujourd’hui, il n’y a pas d’empire mongol – ou russe – pour unir la région, mais un certain nombre d’organisations économiques et politiques s’en occupent. L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), comprenant la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, a été formée en 2001 pour répondre aux préoccupations de sécurité régionale. Le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme peuvent voyager encore plus facilement que les produits électroniques. D’autres organisations, comme la Communauté économique eurasienne et l’Union douanière entre la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie ont mis l’accent sur ​​l’élimination des obstacles au commerce ainsi que sur la création de programmes de développement.

Caravanes électriques

Le potentiel touristique de la Route de la Soie n’a pas échappé aux gouvernements et aux organisations internationales présentes dans la région. Certains sites historiques font désormais partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. En 2013, la Chine, le Kazakhstan et le Kirghizstan ont proposé la reconnaissance d’un corridor transnational reliant leurs pays sur la Route de la Soie. L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) qualifie de “sans précédent” cette collaboration. D’autres projets transnationaux devraient être soumis. Cinquante « corridors du patrimoine » potentiels ont déjà été identifiés.

Un Atelier sur la Stratégie Touristique des Corridors du Patrimoine de la Route de la Soie a eu lieu à Almaty, au Kazakhstan, en 2013, les 7 et 8 octobre. Le but était d’élaborer une feuille de route pour commencer à développer une stratégie touristique sur la gestion des visiteurs, la présentation des sites et leur promotion le long de ces corridors du patrimoine de la Route de la Soie. “Le tourisme des sites inscrits au patrimoine mondial stimule l’emploi, favorise l’activité locale par le biais des arts et métiers et génère des revenus. Toutefois, s’il n’est pas planifié ni géré efficacement, le tourisme peut être socialement, culturellement et économiquement perturbateur, nuire à l’environnement et aux communautés locales déjà fragilisés”, ont expliqué les organisateurs à EdgeKz. “Un certain nombre de priorités ont été identifiées afin de s’assurer que la stratégie touristique développée pour les corridors du patrimoine de la Route de la Soie optimise le potentiel touristique tout en préservant ce patrimoine exceptionnel”.

En ce moment, la Chine est particulièrement active dans la promotion du tourisme sur la Route de la soie. Un certain nombre de ses sites sont inscrits sur la liste indicative de l’UNESCO. Le pays a accueilli la VIe Réunion Internationale de l’OMT sur le tourisme de la Route de la Soie les 1, 2 et 3 août 2013. Des experts y ont abordé des questions liées aux tourisme durable sur la Route de la Soie et au renforcement de la visibilité de cet ancien réseau commercial. Ces dernières années, le gouvernement chinois a dépensé plus de 12 millions de dollars par an pour protéger les sites du patrimoine de la Route de la Soie dans la région du Xinjiang.

Un certain nombre de réunions internationales de haut niveau ont été menées sur le sujet. À l’OMT, la troisième réunion des ‘Ministres de la Route de la Soie’, à Berlin en mars 2013, a rassemblé les ministres et vice-ministres du tourisme de plus de 20 pays ‘Route de la Soie’ aboutissant à l’élaboration de la stratégie touristique sur les Corridors du Patrimoine de la Route de la Soie. D’autres rencontres ont eu lieu sous les auspices de l’OMT, comme la Route de la Soie Alimentaire (la Conférence internationale des Saveurs de la Route de la Soie), les défis blogs (la Route de la Soie Bl@gging Challenge), et la promotion de la Route de la Soie au cinéma et à la télévision.

Silk Road Ch@llenge

 

Même le transport aérien est de la partie. La nouvelle “Route de la Soie dans le ciel” devrait relier Yinchuan, la capitale de la région autonome huí du Ningxia en Chine, abritant de nombreux musulmans chinois de la minorité Hui, aux Emirats arabes unis, et se connecter à la fois avec d’autres régions chinoises.

“Pour moi, la Route de la Soie est importante pour le tourisme dans la région, mais davantage en terme de concept”, a déclaré Hermans à EdgeKz. Les preuves matérielles de l’existence d’un ancien réseau sont rares”. “Il y a quelque chose de mystique, qui invite au voyage. C’est là toute la pertinence de la Route de la Soie aujourd’hui, et je pense qu’il ne faut pas la sous-estimer. Comme Paris et sa Tour Eiffel ou la Chine et sa Grande Muraille, chaque pays ou région a besoin d’un symbole pour marquer les esprits. Et la Route de la Soie peut jouer ce rôle pour l’Asie centrale”.

Ça marche déjà, dit-il. Le tourisme se développe et même si les Occidentaux restent le segment touristique le plus important, cela va changer. “Dans l’avenir, avec l’émergence d’une classe moyenne et l’ouverture des gouvernements d’Asie centrale, nous allons certainement voir beaucoup plus de touristes en provenance de Chine,  d’Inde et d’Asie du Sud-Est, mais également des Kazakhs qui, après avoir vu le reste du monde, partiront à la découverte de leur région.”

Relancer d’anciennes connexions 

La montée en puissance de la Chine et la revitalisation des connexions Est-Ouest sont en train de remodeler l’équilibre des forces régionales. En 2012, tous les pays d’Asie centrale, à l’exception de l’Ouzbékistan, ont davantage échangé avec la Chine qu’avec la Russie. La Chine finance de nouveaux pipelines, les routes et les chemins de fer, et le terme “Route de la Soie” est maintenant utilisé partout, des fonds d’investissement aux réseaux de tourisme, et des itinéraires de transport aérien aux structures artistiques.

Silk Road Food

 

Dans son discours à l’Université de Nazarbaïev – Astana le 7 septembre 2013 –  le président chinois Xi Jinping a plusieurs fois mentionné la Route de la soie comme lien historique entre son pays et l’Asie centrale, mais aussi comme le chemin vers une prospérité future.

“Pendant des millénaires, les peuples de différents pays de l’ancienne Route de la Soie ont co-écrit un chapitre de l’amitié qui a nous été transmis jusqu’à ce jour,” a-t-il dit. “Au cours des 20 dernières années, et même plus, les relations entre la Chine et les pays d’Eurasie se sont rapidement développées et l’ancienne Route de la Soie a acquis une nouvelle vitalité. La coopération mutuellement bénéfique entre la Chine et les pays d’Eurasie est passée à un niveau supérieur. Un proche voisin est mieux qu’un parent éloigné.”

Dans son discours, Xi Jinping a proposé à ses voisins de créer une ceinture économique le long de la Route de la Soie, de supprimer les barrières commerciales et touristiques et de partager le développement et d’autres expériences. Le président chinois a notamment évoqué ce point lors du dernier Sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) et du Forum économique Europe-Asie. 

Comment cette ceinture sera-t-elle formée ? Qui en fera partie ? Et qui dominera ? Pas encore de réponses. Mais le récent regain d’intérêt pour la Route de la Soie est sur ​​la bonne voie, renforcé par chaque nouvelle liaison ferroviaire, chaque ouverture de frontière et chaque passeport estampillé.

 

Rédigé par Michelle Witte (EdgeKz)

Traduit par Isabelle Klopstein

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