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L’économie kazakhe frappée par la crise du tengué

Le tengué, la monnaie kazakhe, a connu une chute de sa valeur en raison notamment de la crise du rouble. Les prix dans les magasins ont augmenté, le pays étant très dépendant des importations russes. Malgré des mesures prises par la Banque nationale, cela inquiète les observateurs économiques et le Fonds monétaire international.

Rédigé par :

wonkur 

50 tengués
Fin 2024, le tengué connait une crise (illustration). Photo : Alexey Demidov / Pexels.

Le tengué, la monnaie kazakhe, a connu une chute de sa valeur en raison notamment de la crise du rouble. Les prix dans les magasins ont augmenté, le pays étant très dépendant des importations russes. Malgré des mesures prises par la Banque nationale, cela inquiète les observateurs économiques et le Fonds monétaire international.

Le tengué a connu une chute de sa valeur fin 2024. L’une des principales causes semble être la crise du rouble en Russie, première source d’importations au Kazakhstan.

Le 2 décembre dernier, 529 tengués valaient un dollar américain et 556 tengués un euro. Après un léger redressement, il s’est ensuite effondré plus durablement, ayant perdu 10 % de sa valeur en une dizaine de jours.

Parmi les conséquences de cette chute de la monnaie, une inflation remarquée sur les produits alimentaires et les biens de consommation, dont une grande partie est importée de Russie. Les magasins de l’ensemble du pays ont augmenté leurs prix.

Une inflation qui grimpe

Interrogé par le média kazakh Irbis TV, Asiya Janchokova, cheffe du Département de l’entrepreneuriat et de l’agriculture de la ville de Pavlodar, dans le Nord-Est du pays, a déclaré : « En ce qui concerne l’augmentation du prix des œufs, l’augmentation du taux de change du dollar a également eu un impact, car les vitamines, les prémélanges nécessaires à la production, tout est acheté à l’étranger et en devises étrangères. » Il en va de même pour certaines viandes, le riz et les pâtes.

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Cette structure, chargée de surveiller quotidiennement les prix, vérifie également que les magasins ne dépassement pas une marge commerciale de 15 %. Sur les 119 points de vente de Pavlodar, 52 ne respectaient pas ces conditions.

Des répercussions sur le marché immobilier

D’autres secteurs économiques sont affectés, comme celui du logement, un dollar fort étant habituellement négatif pour les matières premières. Selon Radio Azattyq, la branche kazakhe du média américain Radio Free Europe, les prix de l’immobilier continueront d’augmenter en cas de chute prolongée du tengué. Le ministre de l’Industrie et de la Construction, Kanat Charlapaïev, a expliqué que le gouvernement effectuerait un contrôle des prix sur les logements sociaux seulement.

« Les mécanismes du marché fonctionneront. […] Environ 70 % de nos matériaux sont produits au Kazakhstan. Les effets de marché peuvent être atténués en raison du fait que des matériaux sont produits au Kazakhstan. […] Mais bien sûr, on ne peut rien exclure et il y aura des changements », a-t-il dit lors d’une conférence de presse. Cependant, les promoteurs ne sont pas enclins à réduire leurs marges.

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Pourtant, début octobre, Arman Kasenov, vice-ministre de l’Economie, avait vanté la force du tengué, en soulignant une amélioration de la balance commerciale. « Les exportations de cette année sont beaucoup plus élevées que l’année dernière. Les importations ont chuté. Notre balance commerciale est plus saine aujourd’hui. Par conséquent, pour le moment, nous n’avons aucune raison de dévaluer », avait-il déclaré lors d’une audition au Sénat kazakh, d’après Tengri News.

Une perte de contrôle de la monnaie

Dans une interview auprès du média kazakh Orda, l’ex-Premier ministre Akéjane Kajégueldine estime que le contrôle sur le taux de change est perdu et qu’un programme anti-crise de court terme doit être proposé au président Kassym Jomart-Tokaïev.

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Selon lui, « l’économie du pays, malgré des déclarations audacieuses, est en crise. Le taux de change du tengué est trop élevé et non rentable. Un taux de change du tengué plus bas faciliterait les exportations, car avec un tengué bon marché, le coût d’exportation des produits diminue. Cependant, même dans les conditions actuelles, le pays ne reçoit pas l’intégralité des revenus d’exportation. Il s’agit d’une question de contrôle sur les ressources et leur utilisation. »

Akéjane Kajégueldine déplore que le pays ne produit pas suffisamment de biens et de services pour le marché intérieur, car il s’appuie sur les importations : « En outre, la crise du secteur bancaire reste une menace sérieuse. Si ne serait-ce qu’une banque se retire du mécanisme de paiement en devises, cela peut entraîner l’effondrement de l’ensemble du système bancaire. La plupart des banques ont deux problèmes majeurs : les prêts qui dépassent leur capital et d’énormes prêts à la population que les gens ne peuvent pas rembourser. Il faut s’attaquer à ces problèmes. Sans en tenir compte, il est impossible de construire une politique macroéconomique efficace. »

Un taux d’inflation entre 6,5 et 8,5 % en 2025

Dans un communiqué du 28 novembre dernier, la Banque nationale du Kazakhstan attribue la chute de la monnaie du pays à « un certain nombre de facteurs fondamentaux ». Les problèmes de taux de change sont liés plus particulièrement à l’économie russe, elle-même touchée par la forte baisse du rouble, en raison des sanctions occidentales.

Bien que la Chine ait devancé la Russie en tant que premier partenaire commercial du Kazakhstan en termes de chiffre d’affaires global, la Russie reste en première position au cours des huit premiers mois de 2024 pour les importations, avec une part de presque 30 %, selon les statistiques officielles du gouvernement.

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La Banque nationale écrit également que le cours du tengué dépendra « des spéculations du marché, des charges fiscales, de la situation sur le marché mondial et de l’évolution de la situation géopolitique ».

Pour prévenir les fluctuations déstabilisantes, atténuer la volatilité excessive du taux de change du tengué et assurer l’approvisionnement en devises étrangères, la Banque nationale mène des interventions sur le marché des changes. Fin novembre, la Banque nationale a vendu pour plus d’un milliard de dollars (951 millions d’euros) d’actifs du Fonds national, la « tirelire » stratégique de l’État.

Le FMI demande des réformes budgétaires

L’inflation pour 2025 devrait atteindre entre 6,5 et 8,5 % selon la Banque nationale. Cependant, l’augmentation réelle des prix est beaucoup plus élevée que les indicateurs officiels d’inflation, ce qui est confirmé par les comparaisons de prix dans les magasins et les marchés effectuées par des blogueurs.

Le régulateur monétaire a également procédé à un relevé du taux de base d’un point, le fixant à 15,25 %. L’édition kazakhe du magazine Forbes rappelle que la Banque nationale est intervenue à huit reprises sur celui-ci en 2024. En début de cette année, le taux était à 15,75 %, fixé en novembre 2023. Il s’est ensuite réduit progressivement jusqu’en juillet pour s’établir à 14,25 %.

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En octobre, le Fonds monétaire international a demandé au gouvernement kazakh de clarifier ses orientations de politique budgétaire dans le but de préserver la capacité du Fonds national à soutenir des projets d’infrastructures sociales et économiques, ainsi qu’à se protéger contre de futurs chocs économiques inattendus. Les analystes craignent que la forte dépendance actuelle vis-à-vis du Fonds national pour soutenir le tengué ne sape la résilience économique du pays à moyen terme.

Les observateurs pessimistes

Les impôts payés par les sociétés énergétiques constituent une source majeure de revenus publics. Au Kazakhstan, ces entités paient leurs impôts en dollars. Ainsi, la baisse du tengué, pour l’instant, ne devrait pas créer un trou majeur dans le budget de l’État, rapporte Eurasianet.

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Malgré cela, les observateurs économiques s’inquiètent à court terme. Almas Tchoukine, directeur associé de Visor Kazakhstan, une société d’investissements basée à Almaty, déclare que les investisseurs ont commencé à retirer de l’argent du pays. De plus, même avec une augmentation du taux de base et du coût du crédit, la population continue d’utiliser des prêts, ce qui entraîne inévitablement une augmentation des prix.

Pour Merouert Makhmoutova, directrice du Centre d’analyse des problèmes sociaux, l’affaiblissement du rouble face au dollar pourrait provoquer l’arrivée massive de produits russes au Kazakhstan, posant problème pour la compétitivité des producteurs locaux.

William Onkur
Rédacteur pour Novastan

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